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GUL : Un train peut en cacher plusieurs

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Au rang de ce qui a valu à la loi Alur l'opprobre général, la garantie universelle des loyers (GUL) aura largement contribué à donner le sentiment que Cécile Duflot faisait prévaloir les idéaux sur le réalisme économique. On ne saura jamais si le regard de défiance vis-à-vis de ce mécanisme de couverture des loyers impayés empruntant aux moyens publics et aux assureurs privés était fondé ou pas: l'enfant a été conçu, mais il ne naîtra jamais. Manuel Valls en a décidé autrement, largement poussé à l'infanticide par les organisations professionnelles de l'immobilier et par une partie de la communauté des assureurs.

Ainsi donc, la GUL ne sera pas. Seulement voilà, le support législatif est là et l'abroger ne serait pas si facile: il est le fruit de longs débats parlementaires au sein des deux assemblées pour élaborer la loi Alur ; il est surtout le fruit de plus de dix ans de réflexion et de construction qui ont mobilisé tout l'échiquier politique, sur la base d'une idée émise en 2002 par le candidat à l'élection présidentielle Lionel Jospin.

Surtout, le besoin reste, encore majoré par les circonstances économiques dégradées. En clair, le risque d'impayé est un cancer qui ronge l'investissement locatif privé et dissuade les volontés, bien plus que la fiscalité ou le déséquilibre des droits et obligations du bailleur et du preneur.

Des substituts à la GUL

C'est pourquoi le gouvernement, derrière une apparente palinodie - le fameux « détricotage » - de la GUL, a dû lui trouver des substituts. Pour les étudiants de moins 28 ans d'abord, la caution locative étudiante (CLE) a vu le jour. Moyennant une cotisation de 1,5% du montant du loyer chargé, le jeune locataire bénéficie de la caution de l'Etat. Il est aussi dispensé de verser un dépôt de garantie. Le dispositif est assis sur un fond de 700 000 euros. Par ailleurs, l'Etat et Action Logement (ex-1% logement) viennent de signer une convention qui engage le mouvement paritaire à mobiliser près de 7 milliards d'euros jusqu'en 2019, notamment pour bâtir une sécurisation de certains locataires estimés prioritaires. Il s'agit des salariés occupant un premier emploi ou un emploi précaire, mais aussi les locataires salariés de moins de 30 ans et les ménages louant leur logement par l'intermédiaire d'un agent immobilier.

Le coût prévisionnel de cette couverture serait de l'ordre de 120 millions d'euros. Il a de quoi surprendre quand on sait que le locataires jeunes constituent la cible première des produits de garantie existant, dans la mesure où ils forment la population la plus exposée, donc la plus génératrice de sinistres. Certes, les ménages dits par le texte de la convention "accompagnés dans le cadre d'une intermédiation locative" répondent à des critères de solvabilité et de moralité garantis par le professionnel. Pour autant, ces locataires élargissent considérablement le spectre des éligibles à la garantie publique, et accentuent le coût de la mesure. En somme, la nouvelle GUL va-t-elle coûter substantiellement moins cher que la GUL d'origine?

Extinction de la GRL en vue

On note aussi qu'on troque un unique système de sécurisation contre deux, ce qui va nuire à la lisibilité. On notera aussi que l'extinction de la GRL (garantie des risques locatifs), ancêtre de la GUL, est programmée pour la mi-2015 et que l'articulation entre le nouveau dispositif et le précédent n'est pas envisagée explicitement. Qu'adviendra-t-il des quelque 350 000 locations aujourd'hui couvertes par la GRL? Y aura-t-il une sorte de droit de suite? Quid des locataire naguère éligibles à la GRL et qui n'entreront pas dans la définition plus restrictive de la nouvelle GUL? Bref, beaucoup d'inconnues à ce stade.

Surtout, le gouvernement ne vient-il pas de manquer une occasion de sécuriser toutes les relations locatives, et par voie de conséquence d'associer l'investissement locatif privé à la notion de rendement garanti, qui lui manque tant ? Une seule voie, qui avait été évoquée lors du vote de la loi Alur : rendre obligatoire l'assurance contre les impayés de loyer et les déprédations locatives. Cette solution serait indolore pour les finances publiques. Qui devrait s'acquitter de la prime entre le bailleur et le locataire? Il est clair que c'est celui qui court le risque de façon directe, c'est-à-dire l'investisseur, qui devrait fournir l'effort. En outre, si le locataire paie tout ou partie de la prime, on ne peut exclure que se développent des comportements d'abus, l'assuré considérant que l'assurance peut bien prendre son relais et l'impayé ne valant plus préjudice pour le bailleur.

Les exemples de l'assurance contre les catastrophes naturelles ou encore de l'assurance décès invalidité pour les prêts immobiliers sont vertueux, et ils nous inclinent à la comparaison. Sait-on pourquoi le précèdent gouvernement et la précédente ministre du logement avaient exclu cette formule ? Pour ne pas malmener les bailleurs ! L'effet politique a de toute façon été manqué : l'encadrement des loyers et même la GUL, décrite comme un puits budgétaire sans fond, avaient fait le mal. Il eût été politiquement possible, sinon habile, de créer une obligation d'assurance. De plus, cela eût apaisé la fronde des assureurs, qui ont toujours considéré que la GUL leur créait une concurrence publique déloyale. Pis encore, l'équation retenue, à l'instar de la GRL (garantie des risques locatifs), les associait au risque malgré eux...

Le temps de l'efficacité économique et sociale... en toute simplicité

On arguera que l'assurance obligatoire viendrait réduire le rendement de l'investissement locatif. C'est vrai en première approche, puisque c'est une charge, mais l'objection ne résiste pas à l'analyse. D'abord, c'est une charge déductible, qui réduit l'assiette des revenus fonciers. Ensuite, la généralisation aurait inévitablement pour conséquence la baisse des niveaux de prime. Enfin, l'ennemi imprévisible du rendement est bien l'impayé, qui peut mettre à bas en quelques mois le rendement de plusieurs années. Tout se passe comme si l'on raisonnait sur un rendement théorique, sans considération de l'aléa. Or, sans connaître le taux d'impayé dans le parc locatif - statistique non calculée - sans disposer de typologie des impayés - du retard à la créance irrecouvrable - comme en ont défini les banquiers, on sait que cet aléa est de plus en plus lourd et que son augmentation tendantielle nous menace. Il est la raison majeure de désinvestissement ou de refus de s'engager dans l'investissement immobilier.

Il serait temps que les pouvoirs publics prennent le parti de l'efficacité économique et sociale dans la simplicité. Il serait temps aussi qu'ils stabilisent une solution, plutôt que d'en changer tous les deux ou trois ans et de les ajouter les unes aux autres. Les avatars de la GRL et de la GUL laissent l'impression qu'on tourne autour du pot sans oser plonger la cuillère dedans... La garantie obligatoire des loyers impayés apporterait une réponse forte et définitive.

Henry Buzy-Cazaux