BFM Immo
Romain Rossi-Landi

Hébergement et contrat de location

BFM Immo
Aujourd’hui, avec la crise du logement, beaucoup de locataires sont tentés d’héberger des proches quitte à ne plus occuper suffisamment leur logement.

La condition de l’hébergement : l’obligation d’occupation du logement par le locataire

De nombreux baux interdisent le prêt des lieux à un tiers sans le consentement du bailleur. Une telle clause est licite puisqu’elle n’interdit pas l’hébergement familial et n’est donc pas contraire à l’article 8.1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Ce qui est interdit au locataire, c’est de mettre à disposition son logement à un tiers, le locataire n’habitant plus les lieux. La jurisprudence reconnaît habituellement au locataire la faculté d’héberger chez lui des membres de sa famille, tout en continuant d’occuper le logement.

Il ne fait pas de doute que l’hébergement familial ne constitue pas une sous location prohibée (Civ. 3ème, 14 déc. 1994, N°92-15.129 Bull. Civ. III n°210) et en particulier « les descendants qui ne sont pas des tiers au sens des dispositions conventionnelles ou légales applicables » (CA Paris, 27 février 1987, RG n° S6/I5832).

Si le bail n’interdit pas l’hébergement des enfants, il ne peut aboutir à autoriser l’occupation du logement aux lieux et place du locataire en titre (CA. Paris 6ème ch. B 22 mai 2003, RGn°2001/18617).

Il s’agit donc une obligation d’occupation personnelle « de façon effective, réelle et continue » (Paris, Pôle 4, 4 oct. 2011, n°10/09110) qui pèse sur le locataire. Cette obligation d’occupation ne saurait avoir pour effet de priver le locataire du droit d’héberger les personnes de son choix.

L’article 4 de la loi du 6 juillet 1989 § n) précise que la clause du bail « qui interdit au locataire d'héberger des personnes ne vivant pas habituellement avec lui » est réputée non écrite. Cette formulation peut s’interpréter très largement et la jurisprudence devra définir les personnes concernées…

En matière de location HLM, l’obligation d’occupation personnelle est renforcée en raison des règles strictes d’attribution et d’occupation des logements HLM.

La situation de la personne hébergée

La personne hébergée n’a pas plus de droits sur le logement qu’un simple squatteur.

L’hébergé est un occupant sans droit ni titre bien qu’il soit entré dans les lieux parce qu’il y a été autorisé par le locataire en titre, bien souvent un membre de sa famille – qui, d’ailleurs, ne faisait parfois que satisfaire aux devoirs résultant du lien familial (cohabitation entre époux, devoir des parents d’héberger leurs enfants mineurs).

Souvent, les relations familiales se sont dégradées, voire rompues, ce qui conduit le locataire à quitter le logement et le propriétaire de l’immeuble à demander l’expulsion (divorces, rupture de PACS etc).

Ce type de contentieux est de plus en plus fréquent devant les tribunaux d’instance. Le bailleur se retrouve avec un occupant qu’il ne connaît pas, et ce souvent, sans avoir reçu de congé du locataire en titre.

Il va donc devoir prouver que le locataire en titre n’occupe plus personnellement le logement avant de pouvoir solliciter l’expulsion des occupants hébergés.

L’inoccupation du locataire, fait juridique par nature pourra être prouvée librement, c’est-à-dire, par tous moyens :

- Des témoignages écrits et respectant les conditions de fond et de forme prévues aux articles 200 à 203 du code de procédure civile, seront recevables à titre de preuve (le témoignage du gardien de l’immeuble ou de voisins pourra être utilement produit);

- Surtout, un constat d’huissier, auquel la Cour de cassation reconnait un caractère suffisant pour établir l’occupation non effective par le locataire, pourra offrir une force probatoire supérieure : "qu'ayant constaté que les logements n'étaient pas effectivement occupés par le locataire au vu d'un constat d'huissier de justice (...) la Cour d'appel qui n'était pas tenu de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision." (Cass.civ 3ème., 13 décembre 2000 n° 99-14309)

L’hébergé est donc certes un occupant sans droit ni titre mais il bénéficie, comme le locataire, des longs délais procéduraux pour se maintenir dans les lieux.

Romain Rossi-Landi