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Immobilier 2.0 : les pouvoirs publics à la manœuvre

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Le décret précisant les conditions de la convocation d'une assemblée générale de copropriété par voie dématérialisée est sur le point d'être cosigné par la garde des sceaux et la ministre du logement, en application de la loi Alur. Ce ne sera pas la seule mesure de la loi du 24 mars 2015 de nature à conduire les professionnels de l'immobilier vers la dématérialisation. On peut en citer bien d'autres.

Ainsi, le législateur a fait obligation aux syndics de copropriété de proposer à leurs syndicats clients un extranet, pour communiquer avec eux et mettre à leur disposition les éléments nécessaires à la connaissance de la vie de l'immeuble. De même, l'obligation d'information des acquéreurs de lots de copropriété, tant décriée par la communauté professionnelle, va inéluctablement conduire à passer du papier au digital, histoire de réduire le volume physique des documents à transmettre -qui doivent d'abord faire l'objet d'échanges entre le syndic, l'agent immobilier et le notaire.

On peut aussi s'attendre à ce que l'immatriculation progressive des copropriétés et la communication des données aux pouvoirs publics se fasse par des canaux virtuels. On peut enfin imaginer que le réseau des Chambres de commerce et d'industrie, désormais en charge de la délivrance des cartes professionnelles aux agents immobiliers et aux administrateurs de biens, appelée aussi à constituer un fichier central consultable par le public, recoure à l'Internet. Enfin, le principe de normaliser les documents pour sécuriser la relation entre bailleurs et locataires, avec un bail type, un constat d'état des lieux type et une grille de vétusté universelle va sans aucun doute conduire à diffuser ces outils par voie dématérialisée, pour en faciliter la consultation par les parties prenantes.

Enfin, l'obligation de formation continue pour tous les personnels de la transaction et de la gestion titulaires de la carte professionnelle ou d'une habilitation à servir la clientèle va mettre au cœur du débat l'enseignement distantiel: le coût d'une formation uniquement présentielle sera insupportable pour les professionnels, comme le sera la désorganisation liée à l'éloignement des collaborateurs de l'agence. Là encore, respecter la nouvelle loi va conduire à user sans modération des NTIC.

Le moins qu'on puisse dire est que cette loi et ses textes d'application font souffler sur les métiers de la transaction et de la gestion un vent de modernité. Il faut avouer que les discours dominants l'ont plutôt montrée comme apportant de la complexité, de la lourdeur, de la viscosité administrative, que de la fluidité. Au passage, on notera qu'il est rare que le législateur ait de l'avance sur la réalité technologique des pratiques d'une profession...Et pourtant, c'est ce qui se passe ici.

Les bénéfices de la digitalisation des activités de transaction et de gestion sont multiples. L'accroissement de la productivité des agences et des cabinets sans doute, l'invention de nouveaux modèles économiques aussi. Certains acteurs, tels les réseaux de mandataires en immobilier, ont déjà fait le choix de miser sur le virtuel pour le service comme pour le management et la formation. D'autres y auront un recours plus modéré. Certains en profiteront pour baisser le montant de leurs honoraires, d'autres pour mieux rémunérer leurs personnels, d'autres encore pour apporter plus de valeur ajoutée.

Sans compter l'intérêt majoré des ces métiers pour les jeunes, qui non seulement ne conçoivent pas le monde sans une exploitation maximum des nouvelles technologies, mais en plus ne font pas trois ou cinq ans d'études supérieures spécialisées pour se livrer à des tâches répétitives d'écriture, de classement ou de téléphone. Le digital va déplacer la valeur ajoutée vers des missions autrement plus intelligentes, le conseil, l'accompagnement, la connaissance du client, la valorisation de l'immeuble par l'ingénierie technique et financière, pour lesquelles la machine ne remplacera jamais l'homme. Si ce résultat est atteint, l'Alur aura bien mérité de l'opinion et des professionnels.

Henry Buzy-Cazaux