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Immobilier : les agents commerciaux sans boutique se sont faits une place

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Arrivés en France il y a moins de 20 ans et accueillis fraîchement par les agents immobiliers traditionnels, les réseaux d'agents commerciaux sans boutique ont réussi à se faire une place sur le marché.

Cela avait sonné dans le monde immobilier comme un coup de tonnerre il y a cinq ans: Artémis, le holding familial de François Pinault, le grand industriel français, achetait deux enseignes fortes de la transaction immobilière, Capifrance -alors leader national- et OptimHome, challenger, pour une somme restée secrète... Les bruits qui ont couru portaient sur des valorisations considérables. Artémis a annoncé être en négociation cet été pour la cession de ce qui est devenu un authentique pôle immobilier, comprenant en particulier un courtier en crédits. La Centrale du financement, reconnu pour la qualité de ses prestations et la vigueur de son développement. L’entrée comme la sortie de ce grand acteur de l’économie de notre pays auront fait couler de l’encre: pourquoi un tel intérêt pour ce modèle professionnel, importé en France des États-Unis il y a moins de vingt ans?

Ce sont aujourd’hui une centaine de réseaux significatifs qui incarnent cette façon de faire de la transaction immobilière. Elles interviennent essentiellement dans le résidentiel, mais certaines se sont engagées dans les bureaux et les commerces, pour faciliter les cessions, mais également les locations. Elles sont désormais présentes partout sur le territoire. Les marques attachées à ce mode d’exercice, qui consiste en quelque sorte à franchiser des agents commerciaux indépendants en leur donnant des outils pour travailler, comme par exemple un site de commercialisation, et un accompagnement en matière de formation et de motivation, ont finir par gagner une réelle notoriété dans le public: I@D, Safti, Propriétés privées, Keller Williams font partie du paysage familier des ménages, qui les assimilent à des agents immobiliers.

Les vitrines en moins: les conseillers travaillent chez eux ou dans des espaces de coworking. Ils apportent le service central de la mise en relation entre vendeurs et acquéreurs, ou entre propriétaires et locataires. Les conseillers ne sont pas habilités, en vertu de leur statut d’agent commercial, à rédiger les actes sous-seing privés, promesses, compromis, baux, ni à encaisser des fonds, indemnités d’immobilisation ou loyers. En revanche, certains réseaux ont noué des relations de partenariat avec des juristes titrés, notaires notamment, qui sont en mesure de compléter le service des agents indépendants.

Un sixième du marché

Présenté ainsi, il semble que l’immobilier se soit juste enrichi de nouveaux acteurs, qui profitent du digital plus que les agents immobiliers en substituant aux traditionnelles agences la mise en réseaux virtuelle, et en organisant l’indépendance, statut d’avenir dans une société, entreprises et individus, qui ne cesse de prendre ses distances vis-à-vis du salariat. Cela est vrai. Pour autant, l’arrivée de ces acteurs a agité le microcosme.

Les réseaux d’agents commerciaux, qui se sont d’abord nommés "réseaux d’agents mandataires" -ils ont renoncé à cette appellation historique peu claire- n’ont pas été accueillis à bras ouverts par les professionnels établis et leurs représentations syndicales. Tous les procès en incompétence, en manque de formation, en improvisation leur ont été intentés... De bonne guerre au fond lorsqu’on sait qu’en une quinzaine d’années ces réseaux ont sans doute pris un sixième du marché professionnel. Surtout, à cette période d’ajustement a déjà fait place une phase d’adoption par la communauté professionnelle.

C’est l’UNIS, organisation professionnelle très installée dans l’administration de biens, qui a pris les devants il y a quelque deux ans en prenant dans ses rangs plusieurs des plus puissants réseaux du pays. Une façon aussi de prendre pied sur la transaction en s’appuyant sur des acteurs en plein développement. Audacieux néanmoins étant donné que ce modèle avait alors plus de détracteurs que de thuriféraires. Ils n’ont pas été les seuls à faire preuve de pragmatisme en reconnaissant leur place sur la marché.

Galian, premier assureur de la profession, notamment pour les contrats en responsabilité civile professionnelle, a calibré une couverture pour les agents commerciaux en réseau, partant du principe qu’une institution a la mission de contribuer à faire gagner les acteurs en rigueur plutôt que de leur reprocher d’en manquer encore... La Fnaim, syndicat de référence pour la transaction, vient d’accueillir une enseigne phare... sachant qu’elle avait déjà pour membres des réseaux, sans officiellement en valider le modèle professionnel. Le président de cette fédération vient d’obtenir du Sénat qu’il instaure dans le projet de loi Elan (pour l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) un titre protégé d’agent immobilier.

Il ne s’agit pas selon lui de mettre les agents commerciaux au ban en plaçant au-dessus les agents immobiliers, porteurs d’une carte délivrée par les CCI valant reconnaissance par l’État, aptes à rédiger les actes et à encaisser les fonds des clients. Il s’agit de clarifier les statuts aux yeux du public...et à apaiser les adhérents traditionnels pour pouvoir faire entrer les réseaux d’agents commerciaux dans le syndicat sans heurts. Le calcul peut sembler florentin, mais il est habile pour le moins et c’était sans doute le tribut à payer pour la paix sociale au sein de la profession des spécialistes en transactions.

Sécurisation des transactions immobilières

En tout cas, la réconciliation entre les agents immobiliers ayant pignon sur rue, c’est-à-dire exerçant en boutique, et les réseaux dématérialisés était une urgence. L’opinion ne comprend rien à ces querelles intestines. Il veut des professionnels intègres et compétents, point. Il appelle de ses vœux que le recours aux outils digitaux, avec une intensité choisie par le professionnel à son service, lui facilite la vie, évidemment. Pour autant, il ne classe pas, ne hiérarchise pas. Il fait pire: s’il ne constate pas la valeur ajoutée, il passe son chemin et fait lui-même, sans intermédiaire.

À cet égard, l’arrivée de nouveaux acteurs, dans l’air du temps, est une nouvelle heureuse: l’offre de service s’étend dans le pays, en quantité avec plus d’acteurs, et en qualité, avec des formules alternatives ouvrant le choix. Il faut en attendre une plus grande sécurisation des transactions immobilières en France.

Henry Buzy-Cazaux