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Avis d Experts

L'heureuse hausse des taux des prêts immobiliers

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A force de la prévoir, elle est arrivée: la hausse des taux pratiqués pour les crédits immobiliers s'installe progressivement. A ce jour, une quinzaine d'établissement l'ont actée dans leurs tarifs. Elle est la conséquence d'un phénomène qu'on avait un peu oublié, la flambée de l'OAT 10 ans, indice de référence pour les prêts de long terme. La conséquence, pour contenue qu'elle soit, est déjà visible, de l'ordre de dix points de base -pour parler comme les banquiers-, soit 0,1%. On prévoit que la même augmentation pourrait affecter les taux dans les prochaines semaines.

En termes d'affichage, une telle hausse, fût-elle de 0,2%, ne retire pas leur séduction aux taux actuels, qui étaient historiquement bas, et elle n'a pas lieu de dissuader les acquéreurs potentiels. En termes d'impact réel, c'est une autre paire de manches: on sait que 0,1% de majoration, ce sont mécaniquement 12000 candidats à l'accession qui sont exclus du crédit. Oui, nous avons des raisonnements de riches, et les ménages à faibles revenus peuvent ou pas emprunter selon que la mensualité varie ou pas de quelques dizaines d'euros, écart considérable ramené à un SMIC et à un budget domestique.

En outre, un train pourrait en cacher un autre: les banques, qui ont manifesté une offensivité commerciale exceptionnelle depuis trois ans en matière de distribution de crédits immobiliers -notamment pour compenser les effets de la conjoncture économique éprouvante-, risquent fort d'en profiter pour restaurer leurs marges. Elles les avaient dégradées à un point que les experts jugent délétère pour le système et la santé financière des établissements prêteurs. Les banques peuvent, sinon doivent, reprendre aujourd'hui ce qu'elles ont beaucoup donné, sans discernement et avec impéritie d'après les experts les plus sévères. On dira que le moment de la hausse des taux est le plus mal choisi... Pas vraiment: un mouvement de hausse imprime un élan, et le consommateur finit par s'y faire. Ainsi, la restauration des marges s'ajoutant à une hausse insensible des taux est finalement digeste.

Cela signfie qu'à la rentrée, il serait pas étonnant de constater un redressement de 0,25 ou de 0,3% des taux de crédit immobilier au particulier. En plus, la Banque centrale européenne et les instances de régulation ne font pas mystère de trouver que la France pratique trop les taux fixes, et ne recourt pas assez aux taux variables, culturellement plus difficiles à vendre aux ménages. En clair, si les banques cèdent et infléchissent sur ce point leur politique commerciale, elles pourraient bien ne pas faire autant d'efforts que par le passé pour rendre les taux fixes attrayants...

Alors, cette série de nouvelles, certes hypothétiques certaines, vont-elles comme beaucoup le redoutent affecter le marché des acquisitions immobilières de logements anciens? Loin de là. Le fond du problème est ailleurs, dans la modération des prix. On mesure à la parution de chaque observatoire deux phénomènes: la baisse des prix des logements en France aura été de faible ampleur dans les marchés tendus, notamment par rapport au besoin de resolvabilisation de la demande ou encore par rapport aux corrections enregistrées dans d'autres pays. De surcroît, au moindre coup de vent favorable, la correction s'interrompt et fait place à une légère hausse. Ces deux phénomènes sont patents à Paris et autour de Paris.

Bref, l'enchérissement du coût du crédit va avoir une vertu: il va dissuader les vendeurs d'augmenter leurs prix, et peut-être même les incliner à les baisser encore un peu. Cette conséquence de la hausse des taux sera salutaire -si elle se vérifie- pour le marché de la revente.

Pour les vente de logements neufs, la situation serait plus confuse. En effet, les promoteurs et les constructeurs de maisons individuelles ont déjà déployé des efforts considérables pour ajuster le prix de leurs produits. Leurs marges sont plus faibles que jamais, leur productivité est optimisée, les conséquences des normes de développement durable ont été bien maîtrisées: on voit mal sur quoi les producteurs pourraient jouer désormais pour compenser la hausse des taux, histoire que les ménages se retrouvent à taux d'effort identique. En revanche, la fluidifiaction du marché de l'ancien du fait de la poursuite de la baisse des prix des logements d'occasion pourrait servir le recyclage: si les primo-accédants seront indifférents à cette catalyse, les accédants qui doivent revendre avant d'acheter dans le neuf en seront avantagés.

En somme, la hausse des taux est porteuse d'espoirs pour l'immobilier, même si elle semble dommageable en première approche. En outre, tout sera question de proportion: les chiffres d'augmentation imaginables aujourd'hui accréditeront cette thèse. Le raisonnement ne tiendrait plus si la hausse atteignait des niveaux supérieurs, violemment désolvabilisant pour les emprunteurs.

Henry Buzy-Cazaux