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L'impayé, fléau des copropriétés : La loi Alur peut-elle enrayer l'endémie ?

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Effets conjugués de la crise économique, de la dégradation des immeubles et de l’envolée de l’énergie, les défaillances individuelles des copropriétaires se multiplient, entrainant inexorablement l’asphyxie de la copropriété. Que peut-on attendre de la loi Alur pour combattre cette maladie chronique ?

Le modèle économique de la copropriété repose sur le versement par les copropriétaires de leur contribution aux charges, calculées selon les quoteparts affectées aux lots qu’ils possèdent par les clés de répartition inscrites au règlement de copropriété.On distingue trois types de charges : Les charges de fonctionnement dites de gestion courante sont définies dans un budget voté en assemblée générale. Elles sont généralement exigibles par quart au 1er jour de chaque trimestre civil.

Les charges d’investissement : opérations exceptionnelles ou travaux votés en assemblée de manière indépendante, avec un échéancier de règlement préétabli.

Les charges financières : fonds de roulement ou provisions diverses dont les modalités sont également approuvées en Assemblée.

Normalement, si la gestion est correcte et que chacun respecte ses échéances, la trésorerie d’un syndicat des copropriétaires (SDC) est toujours positive puisque les appels sont effectués en anticipation des besoins.

Un impayé est un retard de règlement d’un copropriétaire quelle qu’en soit la raison. Si le nombre d’impayésaugmente, le SDC va se trouver en difficulté pour régler ses salariés et fournisseurs car il n’a pas le droit au découvert bancaire ni à l’avance par le syndic des fonds des autres copropriétés.

Les membres du SDC sont solidaires et si la défaillance de l’un devenait irrécouvrable, son montant serait réparti entre tous les autres membres.

Le taux d’impayé : le thermomètre

Un indicateur simple : le taux d’impayé permet de mesurer la situation financière de la collectivité. Le taux d’impayés est constaté, par exemple en fin d’exercice,en comparant la somme des créances des copropriétaires par rapport au montant des provisions appelées sur l’exercice. Lorsque ce taux est supérieur à 25% la copropriété n’est plus officiellement en mesure d’assurer son autonomie financière et le syndic a l’obligation de demander la nomination d’un administrateur judiciaire.

En pratique la situation est grave beaucoup plus tôt. Dans le cadre de nos prestations d’accompagnement des copropriétés sur le terrain nous avons défini un niveau de gravité de « l’impayite ».

Au delà de 15%, inutile d’attendre le déclin, il faut faire appel à des structures externes, dans le giron des collectivités locales, pour organiser une thérapie lourde avec l’aide de la personne publique.

Entre 5 et 15% une analyse approfondie du fonctionnement et de la situation financière et sociale su SDC permettra d’apprécier si la situation est jugée récupérable sans aide externe, au prix de soins intensifs.

Un taux < 5 % est le reflet d’un copropriété saine qui a la capacité à réagir et à construire des projets, même si l’entretien général a été trop longtemps négligé ce qui rend le recours à l’emprunt obligatoire.

Le compte bancaire séparé : le baromètre

Le deuxième instrument indispensable pour suivre l’évolution de la gestion est le compte bancaire séparé. Contrairement aux dires de certains syndics ou opérateurs, le compte unique n’est pas la bouée de sauvetage de la copropriété.

Le premier mérite du compte séparé est d’alerter directement le syndic par la position du solde du compte sur le relevé externe. Il donne aussi la possibilité au conseil syndical (s’il y a un volontaire), de suivre directement par Internet les flux de trésorerie de sa copropriété. Il lui sera alors facile de prévoir la capacité du SDC à honorer ses échéances, notamment les importantes (énergie, assurances,…) ou s’il est urgent de secouer les copropriétaires retardataires. Le deuxième avantage est de distinguer les comptes du syndic et ceux de la copropriété. Nous constatons que les copropriétaires « râleurs » sont plus enclins à régler leurs charges « à la copropriété », pour ne pas léser leurs voisins, plutôt qu’au syndic dont il n’ont pas une bonne image.

La troisième vertu est de faciliter le suivi des paiements des fournisseurs et de manière générale le contrôle des comptes, grâce à une référence externe. Ce sera d’autant plus efficace si l’on demande au syndic de ranger le carnet de chèques et d’opérer tous les règlements par virement direct depuis le compte SDC vers le fournisseur.

En généralisant, sans dérogation possible le compte bancaire séparé, la loi Alur favorisera la traçabilité, des opérations, qualité de nature à (r)établir la confiance entre syndic et SDC.Les prétendus coûts supplémentaires du syndic sont difficiles à justifier, si le syndic met en place une e-gestion adéquate. D’ailleurs ils s’estompent généralement dès que l’on aborde la mise en concurrence.

La lutte contre les impayés : un combat commun

Le syndic a la charge du recouvrement des créances. Généralement le processus est plutôt bien suivi. Le syndic professionnel a l’outillage pour mettre en place une procédure d’escalade automatisée (relance, LR/AR, huissier, procédure contentieuse,….). Pour autant si les frais accumulés sont mis à la charge des défaillants, le SDC doit avancer ces montants sans que les résultats soient toujours au rendez-vous. Comme pour un incendie, l’impayé est plus facile à maîtriser s’il est pris à temps par une personne de proximité.

Le rôle du conseil syndical est fondamental, en tant que voisin, pour traiter « humainement » les petits sinistres avant leur propagation néfaste au copropriétaire comme au SDC.

Il faut savoir que, pour certains syndics, la mission légale de recouvrement automatisé, avec des lettres recommandées à plus de 30 € est plutôt rentable et représente une part significative de leur rémunération, même si ces « produits dérivés » ne sont pas toujours lisibles dans les comptes présentés.

L’obligation d’immatriculation imposée par la loi Alur organisera l’émancipation des copropriétés, aujourd’hui sous la tutelle absolue du syndic. Elle permettra à des acteurs externes, publics ou privés, d’adresser directement lla copropriété et favorisera l’émergence de nouveaux conseils ou servicespour l’amélioration de la gestion de la copropriété.

Conclusion : Aide toi la loi Alur t’aidera

A l’heure où nombre de copropriétés vont devoir faire face à un rattrapage d’entretien lourd pour leur rénovation énergétique, la dérive des taux d’impayés apparait comme un fléau qui enlève au SDC toute capacité d’agir. En effet un taux supérieur à 10 % entrave tout projet collectif, les défaillances des uns mettant en péril l’équilibre collectif.

Comme indiqué ci-dessus, l’implication du conseil syndical, dans sa mission d’assistance et de contrôle du syndic, est primordiale pour résoudre les difficultés.

Pour les copropriétés déjà frappées « d’impayite » aigüe, la loi Alur arrive trop tard, mais pour celles, heureusement les plus nombreuses, relevant de la prévention, la mise en oeuvre de ses dispositions créera des conditions favorablespour établir avec le syndic un partenariat efficace basé sur la confiance.

Favoriser l’accès à la co-propriété c’est bien. Organiser les moyens de l’entretenir c’est mieux !

Pierre Olivier