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Avis d Experts

La bouteille de gaz, le bailleur et le syndic

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Une extension récente de la notion de produit défectueux peut concerner les bailleurs autres professionnels de l’immobilier et engager, en première ligne, leur responsabilité.

Un brave fils qui occupait provisoirement la maison de son père, a été victime de l'explosion d'une bouteille de gaz propane ayant servi à l'alimentation d'une gazinière prévue pour fonctionner avec du gaz butane.

Il a assigné la société Butagaz en réparation des préjudices par lui subis du fait de l’explosion.

Dans un arrêt du 4 février 2015, la Cour de cassation constate que le gaz propane est un gaz inflammable et dangereux, à capacité hautement explosive, dont la moindre dispersion peut provoquer une déflagration ou une explosion, contrairement au gaz butane, et que les détendeurs des gaz butane et propane sont similaires et peuvent être fixés indifféremment sur toute bouteille de gaz. De sorte qu'en l'absence de connectique spécifique qui rendrait impossible l'alimentation par une bouteille de gaz propane d'une installation fonctionnant au gaz butane, un utilisateur tel que le demandeur pouvait ne pas se rendre compte de l'erreur commise, quant au gaz fourni, lors de l'échange d'une bouteille vide contre une pleine. Ce dont il résulte que la sécurité d'un utilisateur autre que l'acheteur de l'installation, qui n'a pas nécessairement eu accès à la notice d'information du contrat de consignation, n'était pas informé du risque présenté par l'utilisation de gaz propane pour l'alimentation d'un appareil fonctionnant au gaz butane. La cour d'appel en a exactement déduit que la bouteille de gaz propane utilisée par la victime était un produit défectueux, au sens de l'article 1386-4 du code civil, et que la société Butagaz, en sa qualité de producteur, devait être déclarée responsable des dommages causés.

Rappelons que l’article 1386-4 dispose qu’un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

On ne devrait pas pouvoir fixer du propane sur du butane !

Vous allez peut-être vous demander pourquoi dans l’univers de l’immobilier, cette question est évoquée ?

L’extension de la notion de produit défectueux à un déficit d’information peut-il concerner un bailleur, un syndic de copropriété ou autre professionnel de l’immobilier ?

C’est que, voyez-vous, l’article 1386-7 du code civil dispose que : « Si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée. Le recours du fournisseur contre le producteur obéit aux mêmes règles que la demande émanant de la victime directe du défaut. Toutefois, il doit agir dans l'année suivant la date de sa citation en justice. »

Donc, par défaut, le loueur ou tout fournisseur professionnel peut être concerné par cette jurisprudence quelque peu… explosive.

Jean de Valon