BFM Immo
Pierre-Yves Rossignol

La condition suspensive de prêt lors de l'achat d'un actif immobilier

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L’acquéreur d’un actif immobilier auprès d’une liquidation judiciaire peut se prévaloir de la condition suspensive d’obtention d’un prêt, pour justifier du défaut de paiement du prix s’il n’a pu obtenir son financement.

Une intéressante décision de la Cour de cassation vient rappeler que l’acquéreur d’un actif immobilier auprès d’une liquidation judiciaire peut se prévaloir de la condition suspensive d’obtention d’un prêt, pour justifier du défaut de paiement du prix s’il n’a pu obtenir son financement (Arrêt du 27 septembre 2016 (14-22.372) - Cour de cassation - Chambre commerciale).

En l’espèce une société exploitant un hôtel situé à Aix-en-Provence avait fait l’objet d’une liquidation judiciaire. Le juge-commissaire avait autorisé le liquidateur à vendre de gré à gré à un repreneur l’immeuble dépendant de l’actif de la liquidation et à céder le fonds de commerce qui y était exploité.

L’acquéreur avait assorti son offre de rachat d’une condition suspensive d’obtention d’un prêt. Ce prêt ayant été refusé, l’acquéreur avait, par voie de conséquence, refusé de payer le prix. Il se trouvait assigné par le liquidateur en résolution de la vente et en paiement de dommages-intérêts. Les demandes du liquidateur furent rejetées par le Tribunal puis par la Cour d’Appel.

La Cour de cassation rejette également le pourvoi formé par le liquidateur en retenant que l’acquéreur peut invoquer la condition suspensive dont il a assorti son offre d’achat, même si l’ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente à son profit ne la mentionne pas expressément.

La décision relève qu’il résultait d’une convention signée par les parties que l’octroi d’un prêt conditionnait la réalisation de la vente autorisée par le juge-commissaire par son ordonnance. Ainsi le refus du repreneur de régulariser la vente n’était pas fautif en l’absence de réalisation de cette condition.

Contradictions

Les repreneurs aventureux peuvent en effet oublier que les liquidateurs demandent la condamnation des acquéreurs à des dommages et intérêts s'ils refusent de signer les actes de cession et s'il en résulte, pour la collectivité des créanciers, un préjudice.

Cette solution sera toutefois écartée si une condition suspensive a été émise dans l'offre d'acquisition et si cette condition a défailli. La vente n'est plus alors parfaite, ce qui interdit dès lors de rechercher la responsabilité du candidat acquéreur s'il ne veut pas signer les actes de cession.

N’est-ce pas contradictoire avec l’autre principe légal qui veut que l'offre de reprise soit ferme, définitive et intangible ? Comme souvent dans le domaine des procédures collectives, le domaine est délicat et soumis à l’appréciation du Tribunal…

Une fois déposée, l'offre communiquée devient irrétractable et intangible selon l’article L. 642-2, V du Code de Commerce, sauf à évoluer dans un sens plus favorable aux objectifs du plan de cession.

Une offre peut également être assortie de réserves relatives aux actifs transférés. Il en est ainsi par exemple lorsque les circonstances ne permettent pas au cessionnaire de connaître l'état réel ou la situation douanière ou fiscale des actifs cédés au moment où il dépose son offre. Dans cette hypothèse, la jurisprudence a admis que l'offre pouvait être assortie de la réserve que soit dressé l'inventaire précis de l'état du matériel cédé, ou que sa situation douanière et fiscale soit vérifiée.

Mais en dehors de ce cas, l'offreur est tenu d'acquérir les actifs cédés dans l'état où ils se trouvent sous peine d'avoir à répondre du préjudice causé à la collectivité des créanciers.

Pierre-Yves Rossignol