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Claire Viel

La crise sanitaire, un électrochoc pour les Ehpad et le maintien à domicile des personnes âgées

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D’ici à 2050, le nombre de personnes âgées en perte d’autonomie devrait plus que doubler. Véritable défi sociétal, le vieillissement de la population française nécessite de repenser la stratégie du logement senior et de l’hébergement spécialisé. Décryptage de notre experte Claire Viel, responsable éditoriale du site Bonjoursenior.fr.

Avec une image déjà bien écornée par le manque de moyens, de personnel ainsi que plusieurs affaires de maltraitance, les Ehpad sont à nouveau dans la tourmente. Les structures médicalisées ont en effet payé un lourd tribut depuis le début de la crise sanitaire. Les chiffres sont éloquents. Près d’un tiers des décès liés à la Covid-19 concerne des résidents d’établissements spécialisés.

Victimes d’un virus qui ne laisse que peu de chances aux plus vulnérables, les personnes âgées ont subi, outre les répercussions du virus sur leur santé, un isolement forcé pendant plusieurs mois. Confinés dans leur chambre, coupés de leurs familles, privés de visites, les conséquences ont été délétères pour la santé mentale des individus les plus fragiles. D’aucuns ont aussi constaté une augmentation des syndromes de glissement, forme de suicide inconscient que l’on rencontre chez les personnes âgées qui renoncent à la vie et se laissent mourir lentement.

Bien que la vaccination impulsée dans les structures d’hébergement seniors semble produire ses effets et laisse enfin augurer la lumière au bout du tunnel, cette crise a soulevé plusieurs manques et questionnements. Quelle est la place des personnes âgées vulnérables dans notre société? Comment assurer la sécurité des individus les plus fragiles? Qu’en est-il de leur liberté d’aller et venir et de leur consentement? Dans les faits, de nombreuses familles hésitent désormais à placer leurs parents en établissement médico-social, certaines envisagent même de les retirer.

85% des Français veulent vieillir chez eux

Porté par le vœu d’une majorité de Français (85% selon un sondage Ifop de 2019), vieillir chez soi est ainsi appelé à devenir l’axe majeur de nos politiques de longévité. S’il apparait ainsi indispensable à ce stade de repenser l’accueil en établissement médicalisé mais aussi de revaloriser les métiers et les salaires de ses intervenants, certains plaident également pour le développement de l’Ehpad à domicile. D’autres mettent en œuvre des solutions alternatives telles que l’accueil familial, l’habitat inclusif ou la cohabitation intergénérationnelle. Plusieurs expérimentations de colocation senior sont également en cours dans plusieurs communes de France.

Au cours des années 1980, les pouvoirs publics ont fait le choix d’investir massivement dans la construction de maisons de retraite. Les Ehpad tels que nous les connaissons actuellement ont été introduits par la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997. La France compte actuellement 611.000 personnes hébergées dans ce type de structure spécialisée. Toutefois, d’année en année, la part de personnes âgées au sein de la population globale augmente.

319.000 places supplémentaires en Ehpad d’ici 2050

Or, selon les projections de la Dress, dans l’hypothèse d’un maintien des politiques actuelles d’entrée en établissement pour personnes âgées dépendantes, il serait nécessaire de créer 108.000 nouvelles places d’ici 2030 et 211.000 supplémentaires d’ici à 2050 pour accueillir les personnes en situation de dépendance (soit 319.000 places supplémentaires d'ici 2050). Un investissement colossal face à des structures qui ont d’ores et déjà montrées leurs limites. La surmortalité liée à la crise sanitaire est en outre venue rebattre les cartes.

Et ils sont en effet nombreux, à l’instar de Monique Boutrand dans Le Monde, à plaider en faveur du maintien à domicile. Vieillir chez soi, avec ses souvenirs et ses habitudes, afin de préserver ses liens sociaux mais aussi de réduire son budget logement apparait une solution opportune.

Mieux adapter les logements

Cela passe par la mise en œuvre d’une véritable politique publique globale en faveur du vieillissement à domicile mêlant adaptation des logements et meilleur accompagnement des seniors. Cela suppose également de valoriser les métiers de l’aide à domicile (augmentation et formation des personnels) et de mieux prendre en charge la perte d’autonomie. Les gouvernements successifs planchent sur ces questions depuis plusieurs années. Et si la création d’une cinquième branche pour financer la dépendance est enfin sur la table, la loi Grand âge et autonomie s’est vue une énième fois repoussée au grand dam des associations et acteurs de l’âge.

Par ailleurs, on constate l’arrêt de dispositifs pourtant essentiels tels celui de l’aide de 5.000 € pour sécuriser la salle de bain des seniors qui sera suspendue à la fin du printemps à la suite des ponctions de l’État dans le budget d’Action Logement.

Bien que portée par les pouvoirs publics, la question du vieillissement nécessite donc une réflexion plus globale, une meilleure coordination de ses acteurs ainsi que des actions concrètes. Les acteurs de la "silver économie" l’ont bien compris et de nouvelles initiatives voient le jour. Il est désormais nécessaire de fédérer les secteurs public, privé et associatif autour de cette problématique.

Claire Viel, responsable éditoriale du site Bonjoursenior.fr

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