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Romain Rossi-Landi

Le dépôt de garantie au cœur des tensions entre bailleurs et locataires

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Un récent rapport parlementaire du député LREM Mickaël Nogal propose de centraliser les versements des dépôts de garantie afin d’améliorer les rapports locatifs et d’apaiser les relations entre bailleurs et locataires.

Pourquoi le dépôt de garantie est-il au cœur des tensions entre bailleurs et locataires ? Le dépôt de garantie, communément appelé caution, est la somme remise au propriétaire par le locataire à la signature du contrat de location. Le dépôt de garantie versé par le locataire au bailleur permet de "garantir l’exécution des obligations locatives par le locataire". Il permet donc au bailleur de se prémunir contre les dégradations ou les impayés éventuels par le locataire lorsqu’il quitte le logement.

La restitution du dépôt de garantie est très souvent litigieuse. Selon les statistiques du ministère de la Justice, 65% des actions en justice engagées par les locataires portent sur la non restitution du dépôt de garanties. La question de la restitution, par le bailleur au locataire, du dépôt de garantie à la fin du bail d’habitation est pourtant encadrée par l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989, lequel a été modifié par la loi ALUR du 24 mars 2014.

Quand le bailleur doit-il restituer au locataire le dépôt de garantie ?

Le délai de restitution du dépôt de garantie par le bailleur au locataire diffère selon deux situations.

1ère hypothèse: l’état des lieux de sortie est conforme à l’état des lieux d’entrée

Dans cette hypothèse, il ressort de la comparaison de deux états des lieux qu’aucune réparation locative n’incombe au locataire. Le bailleur dispose alors d’un délai d’un mois à compter de la remise des clefs par le locataire pour lui rester le dépôt de garantie.

2ème hypothèse : l’état des lieux de sortie n’est pas conforme à l’état des lieux d’entrée

Lorsque la comparaison des deux états des lieux fait apparaitre une dégradation du logement, alors le bailleur dispose d’un délai de deux mois à compter de la remise des clefs par le locataire pour lui rester le dépôt de garantie.

Quelle sanction en cas de retard dans la restitution du dépôt de garantie ?

Depuis la loi ALUR du 24 mars 2014 modifiant l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur qui ne restitue pas au locataire son dépôt de garantie dans les délais est sanctionné. Ainsi, une pénalité de 10% du loyer mensuel hors charges sera due par le bailleur au locataire pour chaque période mensuelle de retard commencée. A noter que le Conseil constitutionnel, dans une décision du 22 février 2019, a validé cette pénalité pour restitution tardive du dépôt de garantie.

En revanche, aucune pénalité n’est due lorsque l’absence de restitution du dépôt de garantie dans les délais est imputable au locataire. Tel est notamment le cas lorsque le locataire n’a pas communiqué au bailleur sa nouvelle adresse.

Quel montant le bailleur doit-il restituer au locataire ?

En principe, le bailleur doit restituer au locataire le montant des sommes encaissées. Autrement dit, le dépôt de garantie ne produit pas d’intérêts. Le bailleur peut toutefois faire des retenues sur cette somme dans deux hypothèses :

Le cas de l’immeuble en copropriété : Lorsque le logement se situe dans un immeuble en copropriété, le bailleur a la possibilité de conserver jusqu’à 20% du dépôt de garantie dans l’attente de l’arrêté annuel des comptes de l’immeuble. A partir de l’établissement de cet arrêté annuel des comptes, le bailleur doit alors restituer au locataire la somme retenue dans un délai d’un mois.

Le cas de la retenue en cas de non-respect par le locataire de ses obligations locatives : Le bailleur peut retenir sur le dépôt de garantie les sommes correspondant aux arriérés de loyers et charges impayés par le locataire. Il peut également déduire du dépôt de garantie le coût des travaux de réparation du logement. Dans la pratique, on constate que ce sont surtout les travaux de réfection à effectuer au moment du départ du locataire qui sont sources de litiges.

Quelles sont les détériorations imputables au locataire ?

Seuls les travaux de réparation des détériorations imputables au locataire peuvent lui être réclamés. Les détériorations, contradictoirement constatées, ne doivent pas résulter de la vétusté, de malfaçons ou d’un vice de construction. Il est souvent difficile de distinguer les détériorations qui résultent d’une usure normale des lieux loués de celles qui sont directement imputables au locataire. L’appréciation est subjective : ce qui est rendu en bon état selon le locataire peut être considéré comme très dégradé par le propriétaire.

La comparaison des états des lieux d’entrée et de sortie doit permettre de faire apparaître les dégradations attribuables au locataire. Il est donc très important, pour le locataire comme pour le propriétaire, de remplir très précisément les états des lieux d’entrée et de sortie.

Le propriétaire, qui invoque des dégradations commises par le locataire, ne peut pas fixer arbitrairement le montant des travaux de réfection. Les retenues doivent être dûment justifiées par un arrêté des comptes de copropriété, devis ou facture de travaux. Il n’est pas ensuite obligé d’effectuer les travaux de remise en état. Il ne s’agit pas non plus pour lui de refaire à neuf son appartement aux frais de l’ancien locataire. Bien entendu, le locataire garde la possibilité de contester le montant du devis s’il l’estime surévalué.

Le Rapport NOGAL propose le versement du dépôt de garantie entre les mains d’un organisme privé indépendant

C’est ce qui a donc conduit le député LREM Mickaël Nogal à proposer dans son rapport du 18 juin 2019 intitulé « Louer en Confiance » de créer un organisme privé indépendant habilité à recevoir les dépôts de garantie afin de limiter les conflits entre propriétaires et locataires. Ce dernier conserverait le dépôt jusqu’à la fin de la location pour le reverser au locataire et/ou au bailleur en accord avec les deux parties ou conformément à une décision judiciaire en cas de litige.

L'Union Nationale des Propriétaires Immobiliers s’est immédiatement opposée à cette idée, qui aboutirait selon son Président, Monsieur Christophe Demerson à une "confiscation du dépôt de garantie". Il n’est pas certain que cette mesure, si elle était adoptée, permette réellement d’apaiser les relations entre bailleurs et locataires…

Romain Rossi-Landi