BFM Immo
Romain Rossi-Landi

Le locataire ne peut jamais se faire justice lui-même en cessant de payer son loyer

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Dans une récente décision du 5 octobre 2017, la Cour de Cassation vient rappeler un principe fondamental selon lequel un locataire n’a pas le droit de suspendre le paiement du loyer, même si le logement subit des désordres, en l’absence d’une autorisation préalable du juge.

Selon une jurisprudence bien établie, "L’existence d’une contestation sur le taux du loyer ou même sur la nature du droit locatif, ne peut, en aucun cas, dispenser le preneur de satisfaire à ses obligations tant qu’il n’est pas décidé autrement par décision de justice" (Civ. 3ème, 17 oct. 1968 : Bull. civ. III, n°384).

La Cour de cassation confirme à nouveau sa position. Dans cette affaire, Madame X. a donné à bail à Monsieur et Madame Y des locaux à usage d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989. Suite à des impayés de loyers, la bailleresse a fait délivrer à ses locataires un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée dans le bail, auquel les locataires ont fait opposition en sollicitant la condamnation de la propriétaire à effectuer des travaux et l’autorisation de consigner les loyers en raison de désordres affectant le logement loué.

La cour d’appel de Paris avait décidé de condamner les locataires à payer une certaine somme au titre de l’arriéré de loyer et n’avait pas considéré qu’ils fussent légitimes à soulever l’exception d’inexécution, c'est-à-dire que l’existence des désordres justifiait l’arrêt du paiement des loyers. Monsieur et Madame Y ont formé un pourvoi en cassation aux motifs que les juges d’appel n’avaient pas recherché si les locataires pouvaient se prévaloir de l’exception d’inexécution pour s’opposer au paiement des loyers demandés par la bailleresse.

En effet, ils se fondaient sur les dispositions de l’article 1741 et de l’article 1134 du code civil (remplacé par les articles 1103, 1193 et 1104 suite à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016) du code civil.

Ils entendaient établir par la production d’éléments nouveaux que la propriétaire avait mis à leur disposition un logement non décent, qui est rapidement devenu inhabitable.

Ils avaient notamment produit des constats d’huissier et un constat de l’inspecteur de salubrité des services techniques de l’habitat de la mairie de Paris.

La cour de cassation a rejeté le pourvoi et validé la position de la cour d’appel aux motifs adoptés que "Monsieur et Madame Y qui se plaignaient de l'existence de désordres affectant les lieux loués, leur interdisant une jouissance paisible, avaient d'autorité interrompu tout règlement de loyers, sans solliciter l'autorisation judiciaire afin de les consigner, se faisant ainsi justice à eux-mêmes, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a souverainement déduit que Monsieur et Madame Y ne pouvaient opposer au bailleur l'exception d'inexécution" (Cass civ. 3e, 5 oct. 2017, N° 16-19614).

La cour de cassation a rappelé que le locataire a l’obligation de payer son loyer, et ne peut en être déchargé que par autorisation judiciaire. Il encourt, à défaut de paiement des loyers, la résiliation de son bail et par conséquent son expulsion.

L’exception : l’arrêté préfectoral d’insalubrité

En réalité, en l’absence de décision judiciaire, seul un arrêté d’insalubrité peut permettre à un locataire de suspendre le règlement de son loyer.

Lorsqu'un logement fait l'objet d'un arrêté d'insalubrité, le loyer versé par les occupants cesse d’être dû à compter du 1er jour du mois qui suit l'envoi de la notification de l'arrêté ou de son affichage à la mairie.

Le loyer sera de nouveau dû à partir du 1er jour du mois qui suit l'envoi de la notification ou l'affichage de l'arrêté mettant fin à l'interdiction d'habiter dans les lieux.

Romain Rossi-Landi