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Le point de départ de prescription lors de la réception des travaux

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Le point de départ de l'action en garantie décennale étant fixé à la date de la réception des travaux, la réparation de désordres intervenue selon trois paliers successifs fait l'objet de trois réceptions distinctes.

Cette décision illustre la singularité de la qualification juridique de réception, au regard de l'appréciation technico-matérielle d'une situation en droit de la construction. En l'espèce, une société a été mandatée par un assureur afin de procéder à des travaux de reprise de fissures. La première implantation de micro-pieux se révélant insuffisante, elle fut suivie d'une deuxième puis d'une troisième implantation. Trois tranches successives de travaux de reprise en sous-œuvre donc, pour une même opération de stabilisation de l'ouvrage.

De nouvelles fissures apparaissant quelques années plus tard, l'assureur du constructeur souhaitait faire jouer la prescription de l'action en garantie décennale pour les deux premières séries de travaux. Les enjeux étaient importants, car les travaux à effectuer, selon les estimations de l'expert, avoisinaient les 200 000 €.

La Cour de cassation devait s'interroger sur le fait de savoir si, lorsque l'expert reconnaît l'existence d'un ensemble indissociable de travaux, dont la troisième et dernière tranche constitue l'achèvement, la cour d'appel avait à bon droit retenu cette dernière tranche comme unique point de départ du délai de prescription de l'action ?

Elle y répond par la négative, en apposant sa censure au raisonnement des juges du fond. La Cour de cassation, en visant les articles 1792 et 2270 (anc.) - désormais article 1792-4-1 - du code civil, rappelle que l'ensemble de travaux de reprise a fait l'objet de trois réceptions distinctes. Elle nous permet d'en déduire que les deux actions en garantie décennale, relatives aux deux premières tranches de travaux sont prescrites, seuls les travaux afférents à la dernière tranche peuvent donc faire l'objet d'une action judiciaire.

Cette solution illustre la difficulté entre l'appréciation technique des travaux et leur qualification juridique. En effet, matériellement, les trois phases successives de travaux constituent un ensemble, en ce qu'elles ont participé à la même opération. En revanche, ces trois tranches ont fait l'objet de trois facturations puis de trois procès-verbaux de réception. La qualification de l'acte juridique de réception prévaut sur les considérations inhérentes à la technique de construction.

Gabriel Neu-Janicki