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Pierre-Yves Rossignol

Le recours contre l'assureur dommages ouvrages

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Particuliers ou professionnels ayant décidé de construire ou de faire construire une maison ou un immeuble, se préoccupent de souscrire à une assurance dommages ouvrage (la "DO").

L'assurance dommages ouvrage est définie comme une assurance, obligatoire pour les constructions neuves. Elle a pour objet de garantir le remboursement ou la réparation des désordres relevant de la garantie décennale sans attendre les décisions de justice.

La compagnie fournissant cette garantie doit – normalement - faire effectuer les travaux nécessaires pour la reprise des désordres, dès que ceux-ci ont été constatés par son expert, à charge pour elle de se retourner ensuite contre le ou les responsables des désordres constatés.

Cette définition reste malheureusement théorique, et les maîtres d’ouvrages se retrouvent contraints de constater que l’assureur refuse sa garantie, et qu’ils leur faudra attendre des mois, voire des années, la fin d’une expertise judiciaire puis des procédures de recouvrement devant les juridictions, pour enfin récupérer l’indemnisation nécessaire au lancement des travaux de reprise…

Or il existe des recours contre l’assureur DO, qui se montre négligent ou de mauvaise foi, recours qui peuvent être aussi efficaces qu’ils sont méconnus des maîtres d’ouvrages.

En effet, selon l’article L.242-1 du code des assurances, l’assureur est tenu de "prendre position" dans les 60 jours de la réception de la déclaration de sinistre.

L’article A.243-1 du même code qui impose des clauses types prévoit que :

- Il n’y a pas de recours obligatoire à l’expertise amiable si le dommage en cause est inférieur à 1.800 € ou si la mise en jeu des garanties est manifestement injustifiée ;

- Mais dans tous les autres cas, un recours à l’expertise amiable est obligatoire. Dans cette hypothèse, dans un délai de 60 jours (éventuellement prolongé par suite d’une ou 2 récusation(s) de l’expert par l’assuré) à compter de la réception de la déclaration de sinistre par l’assureur, celui-ci doit, au vu du rapport préliminaire de l’expert, notifier à l’assuré sa position quant au principe de mise en jeu de sa garantie, étant entendu que le rapport préliminaire de l’expert doit être communiqué préalablement ou en même temps que cette notification.

Ce délai est d’ordre public, et la sanction est impitoyable pour l’assureur DO.

Quelle que soit la date à laquelle l’expert amiable est désigné et à laquelle il dépose son rapport préliminaire, l’assureur est tenu de se prononcer dans les 60 jours de la déclaration de sinistre en joignant ce rapport préliminaire. A défaut, il encourt les sanctions suivantes :

- l’assureur doit prendre en charge les désordres déclarés et les intérêts moratoires majorés. S’il refuse de les prendre en charge amiablement, il sera condamné à les prendre en charge par une décision de justice, les tribunaux faisant respecter cette disposition de manière implacable.

Les intérêts ne sont pas applicables pour les garanties facultatives du contrat d’assurance dommage ouvrage, comme les dommages immatériels : Cass. 3ème civ. 19 janvier 2017, n°15-26.441). Ces sanctions ne s’appliquent pas lorsque la construction n’est pas assurée (Cass. 1ère civ. 18 décembre 2002, n°99-16.551) ou en l’absence de dommage de nature décennale par exemple ; Mais pour les désordres de nature décennale la décision tombera comme un couperet.

L’action à l’encontre de l’assureur se prescrit alors par deux ans (Cass. 3ème civ. 20 juin 2012, n°11-14.969).

Ainsi, à défaut de prise de position de l’assureur accompagnée du rapport préliminaire (et non définitif) de l’expert dans le délai de 60 jours à compter de la déclaration de sinistre de l’assuré, il convient d’assigner l’assureur pour violation de la procédure de gestion amiable du sinistre pour obtenir la garantie de l’assureur et l’ensemble des sanctions attachées à son défaut de notification.

Des intérêts légaux peuvent également être demandés à compter de la réception d’une mise en demeure ou de la date de signification de l’assignation. Ces solutions ont été réaffirmées récemment par la Cour de cassation, qui a précisé que cette sanction – lourde – ne se cumulait d’ailleurs pas avec d’autres causes de responsabilité (Cass. 3éme civ., 14 septembre 2017, n°16-21.696) il faut donc exercer le bon recours.

Les maîtres de l’ouvrage ne doivent donc pas passer à côté d’une chance importante d’obtenir l’indemnisation des désordres auprès de l’assureur DO.

Pierre-Yves Rossignol