BFM Immo
Avis d Experts

Les acquéreurs ont-ils vraiment repris la main ?

BFM Immo
Avec une conjoncture hors norme qui voit la fin de l’envolée incontrôlable des prix, la baisse conjointe des taux de la BCE et des rendements obligataires - et dans leur sillage celle des taux de crédit immobilier, c’est officiel, les vendeurs ne font plus la loi sur le marché immobilier français. Mais est-ce à dire que les acquéreurs ont repris la main? Pas si simple… Explication.

Pour avoir une bonne vue d’ensemble, il faut comprendre que l’année 2013 est exceptionnelle à tous points de vue. D’un côté, le taux directeur de la BCE (qui influe sur les prêts immobiliers à taux variables) a été abaissé à 0,50% le 2 mai dernier, son plus bas niveau historique. Plus inédit encore, l’institution de Francfort estime qu’un abaissement du taux de la facilité de dépôt en dessous de 0 est désormais envisageable. Même mouvement singulier du côté des rendements obligataires. L’OAT 10 ans (sur lequel se calquent les prêts à taux longs) a atteint son plancher ce dernier mois avec 1,67%, à l’instar des autres rendements européens qui enregistrent des chutes records, comme en Allemagne, en Belgique et même en Italie et en Espagne. Enfin, dernier point hautement positif, les prix de l’immobilier ont enfin marqué le pas avec des corrections significatives dans les plus grandes villes de France. Dans leur sillage, les taux de crédit immobilier ont également baissé inexorablement, déjouant tous les pronostiques de 2012 qui prévoyaient un regain de la hausse. Les voilà établis autour de 3% en moyenne, entrant dans la légende. Et redonnant une bouffée d’oxygène au pouvoir d’achat des acquéreurs. Légitimement, on pourrait alors croire que les acheteurs ont enfin repris la main sur le marché immobilier après des années de diktat des vendeurs. La réalité est plus insolite. Il n’en est rien…

Pourquoi ? Parce que de l’autre côté, la France vient officiellement d’entrer en récession, sans espoir d’un retour de la croissance pour 2013. Véritable illustration de la morosité économique ambiante, le volume des prêts immobiliers accordés par les banques a plongé, alors même que les voyants sont tous au vert (baisses des taux de prêt et des prix de l’immobilier). Le constat est simple : la demande, trop faible, est en train de manquer ce rendez-vous historique. Et il faudra manifestement plus qu’une baisse des taux de la BCE pour redonner confiance aux ménages et relancer la consommation. Car l’emprunt reste trop souvent encore un chemin de croix : si les acquéreurs bénéficient actuellement de taux exceptionnellement bas, ils se heurtent parallèlement à un durcissement des conditions d’octroi. Selon l’Observatoire du crédit logement, les banques imposent désormais en moyenne un apport représentant 28% du coût de l’opération. Elles passent également au crible le taux d’endettement, qui doit être de 30% maximum et la situation professionnelle. Les acheteurs qui ne sont pas en CDI ne peuvent espérer trouver grâce auprès de leur banquier. Le résultat, c’est que si certains acquéreurs, bénéficiant d’un bon dossier et d’un CDI, voient effectivement leur pouvoir d’achat gonfler sensiblement avec à la clé une chance de grappiller quelques mètres carrés supplémentaires, les autres restent toujours exclus des meilleures offres de crédit. En attendant que la croissance revienne.

Ari Bitton