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Avis d Experts

Les agents immobiliers risquent-ils un encadrement de leurs honoraires?

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La ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité a annoncé lors du Congrès de la Fnaim, désormais nommé "Congrès de l'immobilier", qu'elle ouvrait le chantier de la réforme de la loi Hoguet pour ce qui concerne l'encadrement des activités de transaction. Elle a confié à Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières le soin de préparer le terrain, conformément à sa mission. On a également appris que le véhicule législatif concerné serait commun au ministère du logement et à celui de l'économie. En clair, il va s'agir d'un projet de loi cosigné d'Emmanuel Macron, et bien sûr la ministre de la justice, garde des Sceaux, le coproduira puisque son ministère a la tutelle des activités règlementées.

Cette annonce a surpris. La loi du 2 janvier 1970 a récemment été retouchée par la loi Alur du 24 mars 2014 sur plusieurs aspects majeurs, tels que la délivrance de la carte professionnelle, la formation continue ou encore la discipline et la déontologie. On ne s'attendait pas à ce que cette loi soit encore remaniée.

C'est que les représentants de la profession eux-mêmes ont appelé de leurs vœux de nouvelles évolutions, avec essentiellement deux demandes : l'encadrement spécifique des plateformes Internet, du type Airbnb, et le mode de rémunération des agents immobiliers. Les deux requêtes pourraient bien d'ailleurs ressortir à deux logiques opposées: on voudrait réguler les acteurs du numérique, en adaptant le carcan de la loi Hoguet à leur fonctionnement, et on voudrait à l'inverse assouplir la rétribution des agents immobiliers pour qu'ils puissent faire payer au client chaque service et non seulement le travail global lorsqu'il a conduit à la vente -et seulement dans ce cas-.

Le mode actuel de rémunération est-il vraiment inadapté ? Rappelons que la loi n'autorise la perception d'honoraires qu'à terme de transaction définitive et qu'il appartient au notaire de libérer lors de la réitération de la vente le montant de la facture du professionnel. En outre, toute rémunération doit être prévue au mandat, et cette obligation de transparence, moderne avant l'heure, ne variera pas. Est-il aberrant qu'un acte commercial ne soit rétribué que s'il aboutit ? Non. Il est clair que le fonctionnement est dur, mais les négociateurs ne fonctionnent-ils pas ainsi, avec la pression du résultat ? Ne perdra-t-on pas en efficacité lorsque les gestes qui conduisent à la réalisation seront facturables, si les fédérations ont gain de cause ? Ne va-t-on vers des abus ? La tentation de considérer que tout est à valeur ajoutée ne conduira-t-elle pas à des excès ?

Surtout, que veulent ceux qui revendiquent la liberté de facturer les services de façon analytique ? S'ils escomptent obtenir plus d'honoraires au bout de l'addition, ils risquent fort de ne pas trouver les pouvoirs publics complices du projet... La probabilité que la future règlementation contienne et limite les honoraires est considérable. Il n'est pas certain que les professionnels mesurent ce péril. Il faut au demeurant ne pas oublier que la version initiale de l'avant-projet de loi Alur inspiré par Cécile Duflot prévoyait un encadrement des honoraires de vente. Finalement, il n'a été retenu qu'un mécanisme de cantonnement des honoraires de location. On peut continuer à croire que tout cela avait pour seule origine la folie d'une ministre idéologue... Il n'en est rien et la question de la désolvabilisation des ménages est centrale, macro-économique et non politique.

En tout cas, il appartient au Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières de faire des propositions et la voie sera étroite.

Henry Buzy-Cazaux