BFM Immo
Romain Rossi-Landi

Location meublée saisonnière : la loi du 7 octobre 2016 a instauré un véritable permis de louer

BFM Immo
Les locations courtes durées sont dans le collimateur des pouvoirs publics dans les villes touristiques notamment à Paris. Il faut dire que l’offre sur internet d’appartements et de studios à louer pour quelques jours a explosé au cours des deux dernières années notamment sur le site Airbnb.

La réglementation en vigueur est complexe et souvent méconnue des propriétaires qui sont tentés d’arrondir leurs fins de mois et d’échapper à l’encadrement des loyers en louant leur appartement à des touristes à la semaine, pour un week-end ou pour une nuit.

Pourtant le non-respect de cette réglementation sur les meublés touristiques peut aboutir à de lourdes amendes civiles pouvant aller jusqu’à 25.000 €.

Il convient donc de rappeler ce qu’il est possible de faire et ce qui ne l’est pas notamment à Paris, dans les départements limitrophes et dans les grandes villes.

La Loi HOGUET de 1970 précise qu’une location saisonnière est conclue pour une durée maximale et non renouvelable de 90 jours consécutifs. Autrement dit, si la location est à la semaine ou au mois, il s’agit d’une location en meublé saisonnier.

S’il n’existe pas de définition légale des meublés de tourisme, le code du tourisme précise, cependant, que ce sont « des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts en location à une clientèle de passage qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois et qui n’y élit pas domicile ».

Définition des locations meublées constituant un changement d’usage

Dans les communes de plus de 200.000 habitants (Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Lille, Montpellier, Nice, Nantes, Rennes, Strasbourg et Toulouse), celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, la loi ALUR n°2014-366 du 24 mars 2014 a ajouté un dernier alinéa à l’article L 631-7 du Code de la Construction et de l’Habitation selon lequel :

« Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article ».

Autrement dit, ces locations « répétées » de courtes durées sont alors considérées comme destinées à un usage hôtelier et non plus à un usage d'habitation. Le recours occasionnel à la location meublée de courte durée ne nécessite pas un changement d’usage.

On observera que le législateur n’a pas donné de précisions sur la période de référence pendant laquelle la répétition révèle un changement d’usage ni sur la notion de « courte durée ».

Ce changement d’usage nécessite alors une autorisation préalable de l’administration afin que le lot d’habitation devienne un lot commercial. Il convient de rappeler, en effet, que la location meublée est considérée comme une activité commerciale et non civile.

A Paris, cette autorisation (de la Mairie de Paris) est quasiment impossible à obtenir puisque le propriétaire souhaitant louer son bien sur internet doit impérativement présenter au soutien de son dossier, en compensation, un bien d'activité d'une surface équivalente ou du double dans le même arrondissement et s'engager à le transformer en local d'habitation…

La municipalité impose d’acheter des « droits de commercialité » pour compenser le changement d’usage.

Dans les 28 agglomérations de plus de 50.000 habitants déclarées en zone « tendue », une autorisation préalable est également nécessaire si une décision du conseil municipal le prévoit. Attention cette autorisation est accordée à titre personnel au requérant et n’est donc pas attaché au local.

Il va de soi qu’en dehors de ces périmètres, aucune autorisation n’est à solliciter (CE 21 janv. 1998, Manuel, req. N° 125863).

Cas des copropriétés

Si la location meublée de courte durée se fait dans un appartement situé dans un immeuble collectif, il faut vérifier que le règlement de copropriété ne s’y oppose pas. Il est en effet, de plus en plus fréquent d’imposer des restrictions aux droits des copropriétaires, compte tenu de la destination du bâtiment, de ses caractères et de sa situation. Dans les immeubles de standing, le règlement de copropriété contient souvent une clause d’habitation bourgeoise exclusive qui interdit toute activité dans l’immeuble.

Le règlement peut aussi précisément limiter les possibilités de changement d’usage pour éviter les abus et préserver la tranquillité des habitants de l’immeuble : durée minimale de location etc..

De nombreuses assemblées générales vont mettre à l’ordre du jour un vote (à l’unanimité) afin de restreindre l’utilisation du logement et les changements d’usage.

Le conseil constitutionnel a écarté une disposition de la loi ALUR (art. 19) qui ouvrait aux copropriétés la faculté d’exiger leur accord préalable pour de telles locations. Cette possibilité « portait une atteinte disproportionnée aux droits de chacun des copropriétaires ».

Les bailleurs continueront donc de bénéficier de la jurisprudence libérale de la Cour de cassation selon laquelle si le règlement de copropriété autorise l’occupation des locaux à usage de professions libérales, la location meublée saisonnière doit pouvoir être pratiquée à condition qu’elle ne crée pas de nuisances plus importantes (Cass. 3e civ. 8 juin 2011, n°10-15.891).

L’exception de la résidence principale

Heureusement, une exception pour les résidences principales a été introduite par l’ ordonnance n°2015-1174 du 23 septembre 2015 – (art. 9)

En effet, l’article L. 631-7-1 A du Code de la Construction et de l’Habitation précise en son dernier alinéa « Lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, l'autorisation de changement d'usage prévue à l'article L. 631-7 du présent code ou celle prévue au présent article n'est pas nécessaire pour le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ».

Autrement dit, si le loueur a sa résidence principale dans le local, une autorisation n’est pas nécessaire pour le louer pour de courtes durées.

Il reste donc à savoir comment est définie la résidence principale.

La résidence principale est définie par renvoi à l'article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 modifié par la loi ALUR n°2014-366 du 24 mars 2014 selon lequel « la résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l'habitation ».

Ainsi, en ce qui concerne la location de courte durée de la résidence principale, aucune autorisation préalable de changement d’usage n’est donc nécessaire, dès lors que l’appartement n’est pas loué plus de quatre mois dans l’année.

L’exception de la résidence principale est bienvenue pour les loueurs en meublés et concerne toutes les autorisations de changement d’usage, y compris les autorisations temporaires. Le propriétaire (ou le locataire autorisé par son bailleur doit pouvoir librement, si le local demeure sa résidence principale, soit louer une partie de son logement en chambres d’hôtes, soit le louer en totalité lorsqu’il s’absente de celui-ci.

Des moyens de contrôle limités

La Mairie de Paris recrute 25 nouveaux contrôleurs assermentés afin d’accentuer ses contrôles et ce d’autant que les amendes sont reversées dans ses caisses.

Même si les sanctions peuvent être très lourdes sur le plan financier (amende civile de 25.000 € selon l’article L 651-2 du Code de la Construction et de l’Habitation), les condamnations, en l’état actuel du droit, risquent d’être assez rares.

En effet, il appartient au Ministère Public d’apporter la preuve du caractère secondaire de la résidence proposée à la location sur le seul critère énoncé par la loi du 6 juillet 1989, à savoir le temps d’occupation dans l’année par le propriétaire.

Il devra également apporter la preuve du caractère répété et de la récurrence des locations ce qui nécessite une enquête sur le long terme.

Le Parquet aura donc la lourde tâche de prouver que le propriétaire passe moins de huit mois par an dans son appartement.

Bref, les 35.000 loueurs parisiens qui ont choisi la location meublée saisonnière afin d’échapper à l’encadrement des loyers vont continuer à faire les beaux jours d’Airbnb.

Mais les pouvoirs publics ont peut-être trouvé la parade avec la création d’un véritable permis de louer.

En effet, la loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République Numérique (article 51) a modifié l’article L 324-1-1 du code de Tourisme afin de permettre à un conseil municipal de rendre obligatoire par délibération un enregistrement auprès de la commune pour toute location d’un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile :

Article L 324-1-1 du Code de Tourisme :

« I.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.

Cette déclaration préalable n'est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

II.-Dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 et L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location pour de courtes durées d'un local meublé en faveur d'une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.

Lorsqu'elle est mise en œuvre, cette déclaration soumise à enregistrement se substitue à la déclaration mentionnée au I du présent article.

Un téléservice permet d'effectuer la déclaration. La déclaration peut également être faite par tout autre moyen de dépôt prévu par la délibération susmentionnée.

Dès réception, la déclaration donne lieu à la délivrance sans délai par la commune d'un accusé-réception comprenant un numéro de déclaration.

Un décret détermine les informations qui peuvent être exigées pour l'enregistrement. »

La délibération fixera le nombre minimal de nuitées par an à partir duquel l’enregistrement est obligatoire.

Cette disposition est passée relativement inaperçue mais marque pourtant une petite révolution mais ajoute encore à la confusion et à la complexité du système.

Romain Rossi-Landi