BFM Immo
Lorène Derhy

Locations Airbnb : comment se défendre face à la mairie en cas de contrôle

BFM Immo
Lorsqu’un agent se présente à votre porte, une enquête a déjà été menée par la municipalité. Voici ce que vous pouvez faire pour vous défendre.

Cet article a pour objet d’éclairer et d’aviser les propriétaires et locataires ayant reçu une convocation à une opération de contrôle de la ville de Paris ou ayant déjà fait l’objet d’une opération de contrôle au titre de leurs locations saisonnières menées de manière illégales sur une plateforme de type Airbnb. Cette opération de contrôle souvent prise avec légèreté par les "fraudeurs" constituent pourtant une étape primordiale qui ne doit pas être négligée dès lors qu’elle influe sur les conséquences à venir en cas de procédure contentieuse.

I. Rappel de l’obligation de changement d’usage des locaux à usage d’habitation sous peine de sanction

A Paris et dans l’ensemble des trois départements de la petite couronne parisienne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne), ainsi que dans les villes de plus de 200.000 habitants, une réglementation spécifique s’applique à la location saisonnière en imposant la transformation des "locaux à usage d’habitation" en locaux à un "autre usage" (commercial, hôtelier…) aux termes de la combinaison des articles L. 631-7, L 631-7-1, L 631-7-1 A, L 651-2 et L 632-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), dès lors que le bien ne constitue pas votre résidence principale.

Ce changement d’usage nécessite une autorisation préalable de la mairie de Paris (ou par le maire du lieu de situation du local pour les communes concernées) aux termes de l’article L631-7 du Code de la construction et de l’habitation, laquelle est subordonnée à compensation.

Le principe de compensation subordonnée au changement d’usage constitue une opération onéreuse rendant bien souvent le business économique peu rentable, décourageant ainsi les propriétaires à se conformer à la loi. C’est pour cela que de nombreuses personnes louent leurs locaux à usage d’habitation directement sur les plateformes de type Airbnb sans procéder préalablement au changement d’usage en violation de la loi.

Pour autant, les sanctions sont à prendre au sérieux dès lors que les opérations de contrôle ne cessent de proliférer, et vous expose à l’engagement d’une action en justice auprès du tribunal de grande instance de Paris et au prononcé d’une amende civile de 50.000 euros mais également d’une astreinte dans un délai qu’il fixe d’un montant maximal de 1.000 € par jour et par m2, en application de l’article L.651-2 du Code de la construction et de l’habitation.

II. Comment la Mairie de Paris a-t-elle eu connaissance de mes activités locatives et de quelles pièces dispose-t-elle à mon encontre ?

Avant toute opération de contrôle, une enquête préalable a été menée par un agent de la ville de Paris. En effet, si vous avez été destinataire d’un courrier du chef du bureau de la protection des locaux d’habitation de la ville de Paris, c’est qu’il dispose au préalable de nombreux éléments attestant la présomption de votre infraction, à savoir que vous louez une ou plusieurs de vos résidences secondaires sans avoir procédé au changement d’usage de votre local.

En effet, l’instruction d’un dossier commence soit par des signalements envoyés à la direction du Logement et de l’Habitat de la mairie de Paris par des particuliers, voisins, syndicat des copropriétaires, soit par des enquêtes menées par des agents assermentés de la ville sur internet en raison du défaut d’immatriculation de votre annonce ou au regard du nombre important de vos commentaires, ou encore par des visites inopinées des agents municipaux.

Ces enquêtes reposent sur la consultation d’annonces de locations de logements sur les plateformes internet dédiées (Airbnb, Booking, Tripadvisor, etc.).

A cette occasion, les agents font des captures d’écran des annonces en ligne, des commentaires des clients, des photos du logement proposé, du nom de l’hôte, ainsi que du prix de la nuitée, du défaut d’immatriculation de votre annonce.

Également, ils peuvent procéder à des simulations de réservation de nuitées à trois mois. Le prix de la nuitée, les dates et la fréquence des commentaires, les simulations de réservation constituent de précieux faisceaux d’indices permettant à la ville de Paris d’estimer les revenus que vous avez encaissés et ceux escomptés.

Ils peuvent également questionner le voisinage ou le syndicat de copropriété afin de corroborer ces éléments. Cette enquête préalable s’ensuit de l’envoi d’un courrier au contrevenant lui signifiant l’illégalité de la location et la programmation d’une visite dite "opération de contrôle" avec le contrôleur désigné dans un délai de 15 jours.

A ce stade, il est fortement conseillé de prendre attache avec un avocat spécialisé en location saisonnière afin de préparer utilement votre rendez-vous qui constitue une étape primordiale pour les suites à venir.

III. Quel comportement dois-je adopter lors d’une opération de contrôle ?

L’opération de contrôle diligentée par la ville de Paris est une étape primordiale dont le comportement du loueur est déterminant. Se montrer coopératif permet de réduire le montant de l’amende voire d’éviter toute poursuite judiciaire devant le tribunal de grande instance de Paris.

Il est donc important de coopérer, de fournir tous les documents demandés par l’agent le jour de l’opération de contrôle, à savoir : la copie du bail d’habitation en cas de location, dernier avis d’imposition en cas de résidence principale, titre de propriété, la copie de l’avis de la taxe d’habitation, l’historique des relevés locatifs de chaque plateforme utilisée sur les 12 derniers mois, de remplir le formulaire qu’il vous soumettra portant notamment sur le caractère principal ou secondaire du logement.

Toutefois, en pratique, il est possible avec l’accord de l’agent assermenté de lui adresser les pièces dans les jours qui suivent l’opération de contrôle.

Il faut garder à l’esprit que lorsqu’un agent se présente à votre porte, une enquête a déjà été menée et cette visite s’apparente à une simple confirmation des faits établis, comme s’assurer que les photographies retrouvées sur les sites internet correspondent bien au logement litigieux.

Il est donc dans l’intérêt propre du contrevenant de se montrer coopératif avec l’agent assermenté dès lors que son comportement contribuera à attester de sa bonne foi dans l’éventualité d’un procès et le montant éventuel de l’amende civile qui relève de la libre appréciation du juge.

Si la présence d’un avocat n’est pas obligatoire dans une opération de contrôle, il n’en reste pas moins que son intervention peut vous être extrêmement utile à ce stade s’il est spécialisé en location saisonnière.

En effet, au regard des pièces et observations que vous lui aurez apportées, votre avocat pourra utilement adresser un courrier à la mairie de Paris pour que l’avocat de la ville de Paris décide soit finalement de ne pas vous poursuivre, soit à défaut de voir rejeter ou minimiser l’amende civile qui sera prononcée éventuellement à votre encontre par le juge en cas de procédure contentieuse.

L’avocat pourra demander à ce que son courrier soit annexé au constat d’infraction et donc joint à l’assignation en cas de procédure contentieuse à votre encontre.

IV. Que se passe -il après l’opération de contrôle ?

A l’issue de l’opération de contrôle, la ville peut soit conclure à l’absence d’infraction soit transmettre le dossier aux avocats de la ville qui procèdent alors à une assignation en justice comportant en annexe le constat d’infraction ; lequel n’est consultable qu’au jour de la réception de l’assignation.

En cas de procédure judiciaire, le constat d’infraction peut naturellement être contesté au jour de l’audience et l’assistance d’un avocat spécialisé en location saisonnière constituera votre meilleur allié.

A titre d’illustration, dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris du 21 février 2019, n°18-17027, la mairie de Paris a été déboutée de sa demande au motif que le constat d’infraction dressé par l’agent n’était ni daté, ni signé, il ne remplissait alors pas les règles formelles exigées alors même que l’infraction était attestée.

Dans le cas où l’infraction est prouvée, le rôle de l’avocat est de tenter de réduire le montant de l’amende pouvant être infligée. A ce titre, plusieurs motifs, pouvant constituer des circonstances atténuantes à votre condamnation éventuelle, ont fait leur preuve en justice, en faisant état :
- soit de vos difficultés personnelles (séparation, problèmes de santé..) ou financière (en raison d’importants travaux, emprunts bancaires, chômage …) ;
- soit de votre comportement coopératif lors de l’opération de contrôle (clôture du compte, remise en location du logement par un bail meublé, cessation de l’infraction avant l’opération de contrôle ou concomitamment..) ;
- soit de l’enrichissement réel entre les revenus tirés de l’activité de location saisonnière et ceux qui auraient pu être perçus au titre d’un bail classique d’habitation
- le règlement de vos impôts tiré de vos revenus de location meublée touristique

Pour votre parfaite information, il n’existe pas une seule défense et les circonstances atténuantes ci-avant exposées ne sont pas les seuls critères retenus par les juges.

Également, votre avocat peut parvenir à voir débouter l’action de la ville de Paris, s’il parvient à démontrer l’absence de démonstration d’infraction en rapportant la preuve à titre illustratif que votre local est à usage commercial ou qu’il constitue votre résidence principale et que vous respectez la période légale de 120 jours/an (CA Paris 5 juin 2018 n°16/10684 ; CA Paris 13 décembre 2018).

V. Un gel des procédures contentieuses menées par la Ville de Paris

Dans un arrêt en date du 15 novembre 2018 (RG n° 17-26.158), la Cour de cassation a sursis à statuer jusqu’au 10 décembre 2019, en acceptant de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) afin qu’elle se prononce sur le fait que les dispositions de l’article L631—7 du CCH qui impose la transformation des locaux d’habitation en un "autre usage" en vue de leur location en meublé touristique-, sont ou non compatibles avec les dispositions de la directive européenne service 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

La position de la Cour de cassation a été suivie par le tribunal de grande instance de Paris dans un arrêt du 19 janvier 2019 "dans l’attente du résultat de la question préjudicielle posée par la Cour de justice de l’Union européenne". Toutefois, il n’est pas possible d’affirmer avec certitude que tous les juges vont faire droit à la demande de sursis à statuer, bien qu’il semble que les dernières décisions semblent y être favorables.

Quoiqu’il en soit la suspension des procédures ne rend pas inapplicable l’article L.631-7 du Code de la construction. Celui-ci est toujours en vigueur et le restera tant que la Cour de justice de l’Union européenne suivie par la Cour de Cassation ne se seront pas prononcées par un avis contraire.

Dans l’attente de leur position qui sera connue en fin d’année 2019, la ville de Paris continue d’assigner régulièrement les fraudeurs à la réglementation de l’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation et ne compte pas ralentir le rythme afin de conserver à titre conservatoire le bénéfice des infractions constatées si ledit article s’avère être déclaré comme conforme à la directive par la CJUE.

En conclusion : l’opération de contrôle ne doit pas être négligée et l’assistance d’un avocat spécialisé en location saisonnière est capitale dès lors qu’il parviendra soit à démontrer en amont la légalité de vos locations saisonnières, soit en cas de poursuite à minimiser voire rejeter l’amende civile de 50.000 € qui pourra être prononcée à votre encontre.

Lorène Derhy