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Romain Rossi-Landi

Locations illégales sur Airbnb à Paris: pourquoi les amendes sont suspendues

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Les amendes concernant les locations saisonnières à Paris sont suspendues, en attendant la décision de la Cour de justice de l'Union européenne sur la conformité au droit européen de l’article L 631-7 du Code de la Construction et de l’habitation.

Ce n’est pas nouveau, les locations touristiques sont dans le collimateur des pouvoirs publics et de la mairie de Paris. Le gouvernement a renforcé l’encadrement de ce secteur de l’économie collaborative avec des sanctions de plus en plus fortes pour les fraudeurs.

A Paris, près de 2,1 millions d’euros d’amendes ont été infligés aux loueurs de meublés illégaux pour l’année 2018 (contre 1,3 M€ en 2017).

Dans une ordonnance rendue le 17 janvier 2019 (RG 18/57873), le président du Tribunal de grande instance (TGI) de Paris a ordonné une suspension de sa décision jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) rende sa décision sur la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l’article L 631-7 du Code de la Construction et de l’Habitation à la Directive européenne 2006/123/CE du 12 décembre 2016 qui régit la libre circulation des services.

Autrement dit, le propriétaire indélicat n’a, pour le moment, pas été condamné. Cette décision va permettre à tous les autres fraudeurs poursuivis par la mairie de Paris de solliciter également la suspension des procédures engagées à leur encontre.

Une décision prévisible

C’est donc un grand revers pour la mairie de Paris dans sa lutte contre les fraudeurs en matière de location de meublés de tourisme.

On pouvait pourtant s’attendre à cette décision depuis l’arrêt rendu le 15 novembre 2018 par la Cour de Cassation (N° de pourvoi 17-26156). Dans cet arrêt, la Cour de Cassation a ordonné un sursis à statuer et a ordonné :

"Le RENVOI à la Cour de justice de l'Union européenne aux fins de répondre aux questions suivantes : 1°/ La directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, eu égard à la définition de son objet et de son champ d'application par ses articles 1 et 2, s'applique-t-elle à la location à titre onéreux, même à titre non professionnel, de manière répétée et pour de courtes durées, d'un local meublé à usage d'habitation ne constituant pas la résidence principale du loueur, à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, notamment au regard des notions de prestataires et de services ?

2°/ en cas de réponse positive à la question précédente, une réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, constitue-t-elle un régime d'autorisation de l'activité susvisée au sens des articles 9 à 13 de la directive 2006/123 du 12 décembre 2006 ou seulement une exigence soumise aux dispositions des articles 14 et 15 ?

Dans l'hypothèse où les articles 9 à 13 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 sont applicables :

3°/ L'article 9 sous b) de cette directive doit-il être interprété en ce sens que l'objectif tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location constitue une raison impérieuse d'intérêt général permettant de justifier une mesure nationale soumettant à autorisation, dans certaines zones géographiques, la location d'un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ?

4°/ Dans l'affirmative, une telle mesure est-elle proportionnée à l'objectif poursuivi ?

5°/ L'article 10, paragraphe 2, sous d) et e) de la directive s'oppose-t-il à une mesure nationale qui subordonne à autorisation le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation "de manière répétée", pour de "courtes durées", à une "clientèle de passage qui n'y élit pas domicile" ?

6°/ L'article 10, paragraphe 2, sous d) à g) de la directive s'oppose-t-il à un régime d'autorisation prévoyant que les conditions de délivrance de l'autorisation sont fixées, par une délibération du conseil municipal, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements ?"

Il est donc parfaitement logique et d’une bonne administration de la justice que le président du TGI (statuant en la forme des référés) ait lui-même ordonné la suspension de sa décision dans l’attente de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne.

Les fraudeurs peuvent donc continuer à louer sans être condamnés et ce pendant plusieurs mois encore puisque la Cour de cassation a renvoyé l’affaire au 10 décembre 2019.

Romain Rossi-Landi