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Avis d Experts

Pour une politique interstitielle du logement

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Il y a quelques jours, se tenait à la Maison de la Chimie à Paris, dans le périmètre de l'Assemblée Nationale et du ministère du logement, un colloque sur un thème en apparence anecdotique, « Construire sur les toits ». Les participants étaient étonnamment nombreux malgré la période estivale. Le signataire des ces lignes y intervenait lui-même sur l'épineuse question de l'acceptabilité par les syndics de copropriété et par les syndicats de copropriétaires de l'idée de surélever leur immeuble.

Une journée entière consacrée à la réflexion sur ce thème, voilà qui témoigne que cette solution mobilise les compétences et les énergies. Des promoteurs, et pas des moindres, des architectes, des bureaux d'étude, des entreprises en bâtiment, des administrateurs de biens considèrent désormais la question digne d'intérêt. Il faut se rappeler que l'idée, lorsqu'elle a été émise en 2007 par Christine Boutin, alors ministre du logement et de la ville -à l'initiative de son directeur de cabinet, semble-t-il-, a fait sourire. On a raillé. Cette voie prétendait résoudre deux problèmes, celui de l'abondement de l'offre d'une part et celui du financement des travaux de transition énergétique d'autre part -par cession des lots construits ou des droits à construire-. Bien peu y ont cru...

De même qu'on a raillé sur la transformation de bureaux en logements, jugée d'emblée irréaliste. Et pourtant, là encore, la solution finit par apparaître pertinente, lorsque les immeubles concernés sont obsolètes, que l'offre neuve alentour les a fait sortir du marché des locaux d'activités et que les parts de marché se sont redistribuées localement au point de faire préférer la diversification résidentielle.

La surélévation comme la mutation de bureaux en logements sont des solutions dignes, et pas dignes de dérision. Elles seraient à négliger si le niveau de la construction neuve en logements étaient à des niveaux qui le permettent, et le pays en est loin, très loin. Dans Paris plus que partout ailleurs, avec une rareté foncière structurelle, ces deux méthodes peuvent apporter une réponse adaptée aux enjeux. Certes, il n'est pas question de considérer qu'elles vont tout régler, mais elles ressortissent à ce que l'on pourrait appeler des solutions interstitielles. Leur addition peut constituer légitimement une partie de la politique du logement.

Le seul sujet de la densification par adjonction d'un étage, voire de deux, concernerait 600 immeubles dans la capitale, soit probablement entre 2000 et 2500 logements. Qui dirait avec mépris que cela est vain? Au demeurant, on a sans doute un peu trop négligé en France les réponses interstitielles et les petits chemins, pour leur préférer les grands débats et les hypothétiques voies royales. La relance ne viendra pas d'un miracle de la production, mais de multiples ajustemements. Il est moins glorieux, qu'on soit ministre ou acteur professionnel, de travailler sur ces petites solutions que de mettre en œuvre un puissant plan, à coups de milliards. Les milliards seront de moins en moins au rendez-vous de l'histoire: le prochain budget du logement promet d'être en retrait par rapport au précedent. Alors il faut accepter de troquer la gloire contre l'efficacité à tous prix. Faire flèche de tout bois.

Henry Buzy-Cazaux