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Quel est le bon indice à suivre pour anticiper la hausse des taux immobiliers ?

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La représentation graphique des OAT et des taux de crédit immobilier présente une configuration quasiment homothétique. Cependant, le fait que ces deux variables apparaissent comme "fortement corrélées" ne démontre pas qu’il y ait une relation de causalité entre l’une et l’autre. Explications.

La représentation graphique des taux des Obligations à terme (OAT) émises par l’État pour financer le roulement de sa dette et des taux immobiliers présente une configuration quasiment homothétique.

Aussi, des journalistes et des courtiers en déduisent que les variations des taux immobiliers sont corrélées avec les taux d’intérêt des OAT.

Cependant, le fait que ces deux variables apparaissent comme "fortement corrélées" ne démontre pas qu’il y ait une relation de causalité entre l’une et l’autre.

La corrélation n’implique pas la causalité de facto. En fait il n’y a ni corrélation ni causalité entre les deux taux.

En revanche et ce qui est démontré c’est que leur variation à chacun dépend d’une même cause : la variation de l’inflation.

Explications

En France, pour financer sa dette, l’État émet des Obligations A Terme (OAT). L’investisseur qui achète une OAT à taux et durée déterminés possède un titre de créance sur l’État qui en est le débiteur.

Les banques françaises ne détiennent que 10% des OAT. Elles sont d’ailleurs dans l’obligation règlementaire d’investir dans ce support.

Ce sont l’offre et la demande qui fait varier les taux des OAT.

Le marché du financement des dettes d’Etat est mondial. Tous sont en concurrence. Ainsi, pour financer la politique de grands travaux du président Trump, le Trésor Américain fera appel à plus de financement. Pour attirer les investisseurs, il offrira des taux plus élevés. Pour rester compétitif dans la course au financement, des Etats, dont la France, devront nécessairement offrir des rémunérations (taux) plus élevées.

Conclusion 1

Les obligations assimilables du Trésor (OAT) sont l’outil de financement de la dette financière de l’État. En aucun cas les OAT ne sont un outil de financement des crédits aux ménages et aux entreprises. Il n’y a donc absolument aucune causalité entre la variation des taux OAT et celle des taux immobiliers.

Qu’en est-il pour la fixation des taux des prêts immobiliers ?

Chaque banque détermine ses taux de crédits à partir d’élément financiers, comptables et commerciaux auxquels s’ajoute un taux de marge.

En schématisant, les éléments pris en compte sont les suivants : 1) Le prix auquel les banques achètent l’argent qu’elles prêtent Le prix de la ressource destiné au financement des crédits est constitué de : - La rémunération des dépôts. (Entre 0,09% et 0,35%) - La rémunération des comptes à taux administrés. Ainsi le taux du livret A à 0,75% - La rémunération des refinancements à la BCE encore à 0.00%. - La rémunération des prêts interbancaires d’une semaine à un an. C’est le taux EURIBOR. En territoire négatif.

2) Le coût du risque des crédits impayés Les banques françaises sont parmi les plus sécuritaires au monde avec un taux de risque inférieur à 1,5% dû à la qualité de l’analyse des dossiers et au respect rigoureux de normes d’endettement. Pas de risque subprime en France.

3) Le coût de transformation du crédit C’est l’ensemble des coûts (fonctionnement et d’investissements) engagés pour vendre les crédits. Leur évolution dépend de la politique de développement de la banque (immobilisations, locations, salaires, charges sociales, …). Pour cette classe de charges c’est principalement la variation de l’inflation qui en régule l’évolution.

4) Le taux de marge Chaque banque applique ses propres taux de marge par type de crédits, profil de clientèle et risque. La politique des taux est un outil de conquête commerciale. Ainsi, dans une région où ses parts de marché sont faibles une banque pourra être plus conquérante en rognant sur sa marge afin de présenter une offre concurrentielle compétitive. A l’inverse dans un marché où elle est en position dominante elle pourra envisager de pousser sensiblement ses marges pour être plus profitable.

Conclusion 2

Vous noterez qu’à aucun moment, pour une banque, il n’est question de leurs actifs en OAT dans le calcul d’évaluation des taux de prêt. Leur volumes en circulation et la variation de leur taux n’ont aucune influence sur la fixation des taux d’intérêt des crédits aux ménages et entreprises.

Il n’y a aucune causalité entre la variation des taux OAT et celle des taux immobiliers.

La variation de l’inflation est le seul lien de causalité commun.

Le lien qui existe dans la représentation graphique, quasi homothétique, des courbes des taux OAT et des taux immobiliers c’est la variation de l’inflation. L’Indice des Prix à la Consommation (IPC) en mesure les variations.

La BCE scrute cet indice et mène les politiques monétaires que nous connaissons pour en contrôler l’évolution. Son objectif est d’atteindre et maintenir le niveau de 2% qui serait le graal économique. Pas facile à réaliser compte tenu de l’hétérogénéité des économies en zone euro.

Les États les plus endettés payent toujours des intérêts plus élevés à leurs prêteurs pour conserver leur financement compte tenu du risque qu’ils représentent.

Ce n’est pas sans raison que la BCE demande à l’Etat français de réduire sa dette et de ramener son déficit en dessous des 3% !

C'est l'inflation qui fait bouger les taux OAT et les taux immobiliers. L'un ne faisant jamais bouger l'autre et réciproquement.

Dans la configuration recherchée d’une hausse de l’inflation, les banques (comme toutes les entreprises) supporteraient une hausse des coûts de production. Alors, pour rester profitables, elles devront nécessairement augmenter leur taux et vendre leur crédit plus cher.

Aussi pour vos décisions d’investissement, je vous recommande de suivre les variations de l’inflation qui seule permet d’anticiper les taux immobiliers.

Pour 2018, sauf bouleversement toujours possible, compte tenu du contrôle BCE et du manque de confiance des consommateurs (chômage, dettes publiques et déficits de l’Etat) j’anticipe une hausse très mesurée de l’inflation et donc des taux.

Investisseur immobilier, depuis plus de 40 ans, je reste résolument acheteur malgré les contraintes règlementaires et fiscales.

J’estime que l’achat immobilier avisé est un actif qui sécurise un patrimoine pour l’avenir.

Bruno Rouleau