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Renégociation des prêts immobiliers : des lendemains qui vont déchanter

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La courbe des taux d'intérêt va-t-elle s'inverser dangereusement ? Pour Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut du Management des Services Immobiliers, il faut bien comprendre que "ce que les banques donnent aujourd'hui d'une main dans leur quête éperdue de la clientèle des emprunteurs immobiliers, elles risquent fort de devoir le reprendre d'une autre pour restaurer leur rentabilité dégradée".

Tout cela semble merveilleux. Les taux d'intérêt des prêts immobiliers sont plus bas que jamais, avec une moyenne mensuelle en juillet de 1,55%, inconnue depuis un quart de siècle. Les observateurs n'ont pas de mots assez enthousiasmants pour transmettre leur optimisme quant aux conséquences de l'effet resolvabilisateur de ce phénomène sur les accédants à la propriété et sur les investisseurs.

Au point qu'on se demande ce que serait la santé de ce secteur clé sans ces amphétamines conjoncturels et qu'on prie pour que le Ciel nous en laisse durablement le bénéfice! Du coup, les achats de logements neufs et anciens suivent des courbent ascendantes et la liesse est partagée par les agents immobiliers, les promoteurs...et les banquiers, qui financent 9 opérations sur 10.

Pour être plus précis, les banquiers ne se réjouissent pas sans nuances... Pour une raison simple: sur 100 dossiers de financement qu'ils montent, près de 40 correspondant à des rachats de prêts à des concurrents ou à des renégociation pour des clients désireux de faire baisser leur taux et le coût total de leur crédit. En première approche, il faut donc déjà se rendre à l'évidence que la croissance du chiffre d'affaires des établissements financiers ne rend pas compte de l'évolution du nombre de transactions immobilières dans l'ancien.

S'agissant du neuf, l'augmentation de l'ordre de 25% des crédits est bien homothétique de celle du nombre de ventes par les promoteurs et les constructeurs de maisons individuelles, puisqu'il s'agit de nouveaux dossiers par définition. Rien de semblable pour le financement des logements existants.

On a connu ce mouvement à chaque baisse significative de taux et personne ne s'en étonne. Les prêteurs ont beau se protéger par des stipulations de pénalités en cas de remboursement anticipé, plafonnées par le législateur, elles ne suffisent pas à endiguer la vague, dès lors que le bénéfice pour l'emprunteur est assez important pour gommer jusqu'au montant de cette indemnité. Quant aux demandes de clients acquis d'un geste commercial qu'on consent pour les garder, ils ne tombent sous le coup d'aucune règlementation et les banques y cèdent le plus souvent pour ne pas affaiblir leur base d'actifs.

Attention à la remontée des taux

En quoi ce phénomène est-il dangereux? C'est Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de BNP Paribas et président de la Fédération bancaire française, qui met en garde ses propres confrères. Il dit sans ambages que les banques sont en train de gager leurs bilans à venir et qu'en cas de remontée de taux, de plus en plus probable avec l'ampleur des baisses actées, la profitabilité de leurs activités s'en trouvera dramatiquement réduite.

Comment traduire ces propos? Simplement en comprenant que ce que les banques donnent aujourd'hui d'une main dans leur quête éperdue de la clientèle des emprunteurs immobiliers, elles risquent fort de devoir le reprendre d'une autre pour restaurer leur rentabilité dégradée. Elles le feront par tous les moyens à leur disposition et Dieu sait que leur imagination pour facturer les services est insondable. Elles le feront surtout en rétablissant leurs marges sur les générations suivantes d'emprunteurs, dès que les taux seront de nouveau orientés à la hausse.

Il va s'ajouter à cela l'entrée en vigueur progressive des critères prudentiels qu'on nomme déjà de "Bâle IV", obligeant les établissements financiers à mettre face aux encours de crédits qu'ils gèrent des actifs en guise de garantie en cas de scenario catastrophe. Ces critères, qui enchérissent sur trois vagues d'exigences s'appliquant depuis les années récentes, vont durcir la distribution des crédits immobiliers aux particuliers.

Bref, on se prépare des lendemains qui déchantent. Quelque chose comme une gueule de bois après les libations. Alors de là à dire que la situation du financement des opérations immobilières des ménages n'a jamais été aussi bonne, il y a un pas... A ne pas franchir.

Henry Buzy-Cazaux