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Syndic de copropriété : une Commission de contrôle introuvable mais indispensable

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Pourquoi, plus de deux ans après sa création dans la loi Alur, la "Commission de contrôle des agents immobiliers et des administrateurs de biens" n’a-t-elle toujours pas vu le jour ? En attendant, les copropriétaires continuent de payer les pots cassés.

Dans notre précédente chronique, nous évoquions les recours des copropriétaires contre un syndic défaillant. Nous y regrettions que l’une des voies prévues par la loi Alur du 24 mars 2014, le recours à une sorte de conseil de discipline spécifique à la profession, ne puisse toujours pas être effectif, faute de création de cette instance. Depuis, la situation a évolué, mais dans un sens inattendu qui apporte, une nouvelle fois, la preuve de la difficulté d’application d’un texte de loi mal pensé. Au détriment des copropriétaires et au préjudice de la profession dans son ensemble.

Un tribunal d’exception sans ressources

Pourquoi, plus de deux ans après sa création dans la loi, la "Commission de contrôle des agents immobiliers et des administrateurs de biens" n’a-t-elle toujours pas vu le jour ? Pour une question d’argent : aucun budget n’a été prévu pour son fonctionnement. Faute de pouvoir puiser dans les caisses de l’Etat, dont on connait la situation, le Gouvernement envisage la création d’un impôt nouveau dont seraient seuls redevables les membres des métiers relevant de cette autorité.

Une juridiction paritaire… Levée de boucliers, parfaitement justifiée, de la part des organisations professionnelles ! Il faut se souvenir, en effet, qu’avant la loi Alur, deux projets d’instance de contrôle des agents immobiliers étaient en compétition :

> Une instance interne, sorte de conseil de l’ordre à l’image de ceux qui existent pour les médecins et les experts comptables. Ces conseils sont constitués de professionnels et leurs coûts de fonctionnement sont couverts par la cotisation des membres. Ces derniers, lorsqu’ils sont mis en cause, sont donc jugés par leurs pairs, qui disposent d’un vrai pouvoir de sanction.

> Une instance externe, sorte de juridiction spéciale à l’image des prud’hommes, présidée par un magistrat et constituée paritairement de représentants des parties en opposition : ici, les agents immobiliers et les "consommateurs" de services immobiliers. Une telle juridiction relève de la puissance publique et donc, normalement, du budget de la Justice.

…aux frais de ses justiciables. C’est la seconde formule qui a été retenue par le législateur. Les professionnels de l’immobilier, syndics de copropriété en tête, s’en étaient accommodés : voilà qui allait donner de la discipline, de la transparence et donc de la force à leur métier !

Mais quand on vient aujourd’hui leur dire que ce sont eux qui devront payer le prix d’un tribunal où ils seront jugés non par leurs pairs mais aussi par les représentants de ceux qui les accusent, ces mêmes professionnels se rebiffent. Si le Gouvernement persévère dans son projet, il est fort probable que des recours seront engagés contre le texte, ce qui repoussera d’autant la mise en place de la Commission de contrôle.

Des copropriétaires déboutés… et découragés

En attendant, les copropriétaires continueront de payer les pots cassés. Contre certains manquements des syndics – ne relevant pas d’une procédure pénale, bien entendu – les recours s’avèrent, en effet, souvent dissuasifs ou inopérants :

> Une requête gracieuse auprès du syndicat professionnel dont le syndic est adhérent pourra, si elle est justifiée, lui valoir un rappel à l’ordre, voire une exclusion. Mais l’adhésion à un syndicat n’est pas exigée pour exercer l’activité d’administrateur de biens.

> Il existe des services de médiation gratuits pour le consommateur, dont les grandes entreprises doivent se doter depuis le 1er janvier 2016. Mais ces médiateurs n’ont, en principe, à connaitre que les litiges entre particulier et professionnel. Or, en copropriété, c’est le syndicat des copropriétaires – une personne morale, et non un particulier – qui agit. Il ne serait donc pas recevable.

> Il reste les tribunaux de droit commun, devant lesquels les procédures sont généralement longues et coûteuses. Les frais à engager (avocat, huissier de justice, etc.) dissuadent souvent les copropriétaires de faire reconnaitre leur bon droit, d’autant que l’issue du procès est très aléatoire.

Mansuétude coupable. Le tribunal de grande instance de Paris, par exemple, peut se montrer très clément à l’égard des syndics qui tardent à transmettre les archives et les comptes de la copropriété à leur successeur quand ils n’ont pas été réélus par l’assemblée générale. Les difficultés de gestion engendrées du fait de cette négligence, les retards de paiements qui en résultent, tous ces préjudices n’exigent pas réparation, selon la juridiction parisienne.

Ainsi, dans une affaire récente où l’ancien syndic a remis les documents au nouveau le 16 octobre, au lieu du 16 juillet pour les archives et du 16 août pour les comptes, le TGI de Paris, dans une Ordonnance du 27 janvier 2016, admet que "l’exécution de son obligation par l’ancien syndic s’est trouvée stimulée par l’assignation" qui lui a été faite. Mais il déboute le syndicat des copropriétaires de sa demande en réparation au motif, non prévu par la loi, que les délais impartis tombaient… "pendant la période estivale" !

Impuissance des instances professionnelles, incompétence légale des services de médiation, méconnaissance des réalités de terrain par les juridictions du premier degré… Alors, qui rendra justice aux copropriétaires ? Réponse : la Commission de contrôle des agents immobiliers et des administrateurs de biens, le jour où elle sera effective et correctement financée. Car, au-delà de son rôle répressif, elle aura des vertus préventives, la peur du gendarme suffisant à prévenir bon nombre d’imprudences ou de négligences.

Sylvain Elkouby