BFM Immo
Pierre-Yves Rossignol

Un locataire peut-il arrêter de payer son loyer tant que les réparations n'ont pas été effectuées ?

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Un locataire peut-il suspendre, de sa propre autorité, le paiement des loyers, tant que les réparations n'ont pas été effectuées ? Telle est la question à laquelle la Cour d'appel de Paris a répondu dans une décision du 9 octobre 2014.

Commentaire d'arrêt de la Cour d'appel de Paris, pôle 4, chambre 3 du 9 octobre 2014. En l'espèce, la locataire a cessé de payer ses loyers en invoquant l'absence de travaux à la suite de nombreux dégâts des eaux ayant engendré des désordres. Elle a finalement dû se résigner à effectuer elle-même ces travaux. Le bailleur a alors saisi les tribunaux aux fins de se voir régler l'arriéré important de loyers et résilier le bail par l'effet de la clause résolutoire.

La cour d'appel de Paris a accueilli la demande du bailleur en rejetant l'argumentation du locataire au motif que l’exception d’inexécution n’est admise que si le désordre allégué rend les lieux inhabitables et non s’il existe seulement un désordre esthétique.

Ce faisant, la cour d'appel a confirmé une jurisprudence établie que les preneurs doivent garder en mémoire.

En effet, la loi du 6 juillet 1989 n° 89-462 édicte respectivement les obligations des bailleurs et des locataires.

L'article 6 de cette loi dispose que " Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation".

L'article 7, quant à lui rappelle que le locataire est obligé " De payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus".

La sanction du non paiement des loyers par le locataire permet la résiliation du contrat de bail par le juge ou en vertu d'une clause résolutoire invoquée par le bailleur. En revanche, la sanction du non respect de ses obligations par le bailleur n'est pas toujours la rétention des loyers.

La Cour de cassation et les juges du fonds sont unanimes sur la question et jugent en général que nul ne peut se faire justice à soi-même.

Le locataire ne peut cesser de payer son loyer sous prétexte que le bailleur ne remplit pas son obligation d'exécuter des travaux ; quand bien même il serait très tentant de se prévaloir de l'exception d'inexécution qui domine les contrats synallagmatiques. Il n'existe, en effet, aucune compensation légale entre une créance éventuelle de travaux et une dette certaine de loyers (Cass. 3e civ., 18 mars 1992 – CA Toulouse, 3e ch., 26 février 1996 : JurisData n° 1996-042708 – CA Paris, 12 décembre 1996 : JurisData n° 1996-023713).

Le locataire peut toutefois, dans un cas très précis, suspendre le paiement du loyer en invoquant l'exception d'inexécution. Il sera recevable uniquement s'il justifie du caractère inhabitable des lieux loués (CA Paris, 6e ch. Sect C, 30 avril 2002 : JurisData n° 2000-09935 – Cass. 3e civ., 3 mai 2006 : n° 05-12.995).

Il est donc important de retenir que dans de telles situations, les locataires doivent agir contre le bailleur pour faire déterminer les travaux qui peuvent être nécessaires et se faire autoriser à consigner leur loyer, mais non pas de se faire justice à eux-mêmes.

Dans l'hypothèse où seuls des désordres esthétiques doivent être repris et que le preneur les réalise ou les fait réaliser à sa charge, il lui appartient d'en avertir son bailleur, de le faire consigner dans l'état des lieux de sortie et de solliciter alors son remboursement ou un dédommagement de la part du bailleur en fin de bail.

Pierre-Yves Rossignol