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Philippe Van Steenlandt

Vente d'un bien immobilier dont la propriété est démembrée : à qui revient le prix de vente ?

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Pour des raisons d’optimisation de la gestion et/ou de la transmission du patrimoine, il arrive fréquemment que la propriété d’un bien immobilier soit démembrée. Une attention particulière doit alors être prêtée au sort du prix en cas de vente dudit bien.

Rappelons d’emblée que ni l’usufruitier, ni le nu-propriétaire n’a le pouvoir de vendre seul le bien immobilier démembré. La pleine propriété du bien ne peut être vendue que conjointement par les titulaires des droits démembrés. Reste à savoir à qui le prix de vente revient.

I. Le principe de la répartition du prix

En principe, le prix est réparti entre l’usufruitier et le nu-propriétaire suivant la valeur respective de chacun de leur droit (C. civ., art. 621).

La répartition des capitaux correspond cependant rarement aux objectifs des vendeurs. Le démembrement du bien immobilier résulte en effet souvent d’une donation aux enfants avec réserve d’usufruit au profit des parents. La conservation de l’usufruit par les parents répond généralement à un double objectif :

- minimiser le montant des droits de donation, par la réduction de leur assiette puisque la valeur de la nue-propriété est par définition moins importante que celle de la pleine-propriété, avec à la clef, une attribution de tout le bien au nu-propriétaire en toute gratuité fiscale au décès de l’usufruitier ;

- permettre aux parents de conserver l’usage et la jouissance du bien donné. La réserve d’usufruit peut ainsi traduire une volonté de continuer à habiter le bien donné ou le désir de bénéficier de revenus complémentaires lorsque le bien est un immeuble de rapport.

Avec la répartition du prix de vente, usufruitier et nu-propriétaire perdent tout l’intérêt de la donation avec réserve d’usufruit réalisée. Deux possibilités pour se départir de cette ventilation de principe leurs sont alors offertes.

II. Les exceptions à la répartition du prix

Le législateur autorise les parties à reporter le démembrement de propriété sur le prix de vente. Les vendeurs disposent alors d’une option.

Ils peuvent décider de remployer le prix de vente dans un nouveau bien, et d’y reporter le démembrement de propriété. De cette façon, l’usufruitier reste usufruitier et le nu-propriétaire reste nu-propriétaire. La seule chose qui change est le bien sur lequel porte le démembrement. Mais dans les faits, l’usufruitier peut continuer d’habiter le nouveau bien ou de profiter des loyers qu’il produirait. Bien entendu, pour vendre le nouveau bien, il faudrait à nouveau l’accord du nu-propriétaire.

L’autre solution consiste à remettre l’intégralité du prix de vente à l’usufruitier, qui disposera d’un "quasi-usufruit". Dans ce cadre, l’usufruitier a des droits plus étendus puisqu’il peut disposer du prix de vente comme un véritable propriétaire, sans nécessité d’obtenir l’accord du nu-propriétaire. Ce dernier n’a en effet plus de droit direct sur le bien mais simplement un droit de créance contre le quasi-usufruitier. Avantage fiscal du quasi-usufruit : au décès du quasi-usufruitier, la créance de restitution du nu-propriétaire devient exigible, et vient en diminution de l’actif de succession, diminuant d’autant l’assiette de l’impôt de succession à régler !

Précautions indispensables !

Qu’il s’agisse du remploi du prix de vente dans un bien démembré ou du quasi-usufruit, il est impératif d’établir une convention par acte notarié, ou par acte sous seing privé enregistré. Cette convention doit être conclue avant la vente du bien démembré, ou au plus tard incluse dans l’acte de vente. Sans écrit ayant date certaine, l’administration fiscale pourrait s’en tenir au principe de la répartition du prix de vente, et, en cas de quasi-usufruit, contester la déduction de la créance de restitution au décès du quasi-usufruitier.

Philippe Van Steenlandt