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Vente immobilière : Notion d'acquéreur non professionnel

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Une société civile immobilière (SCI) dont l'objet social est l'acquisition, l'administration et la gestion par la location ou autrement de tous immeubles et bien immobiliers meublés et aménagés, n'est pas un acquéreur non professionnel au sens de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation dès lors que l'acte d'acquisition est en rapport avec cet objet social.

L'arrêt rendu par la troisième chambre civile lève une incertitude relative au champ d'application de l'article 271-1 du code de la construction et de l'habitation. Cet article accorde à l'acquéreur « non professionnel » d'un immeuble à usage d'habitation un droit de réflexion ou de rétractation de sept jours. À défaut de définition du « non-professionnel », la doctrine s'interrogeait sur l'applicabilité de ce dispositif aux personnes morales.

En l'espèce, une SCI a conclu une promesse synallagmatique de vente relative à un luxueux hôtel particulier qu'elle a refusé de réitérer par acte authentique en se prévalant du droit de rétractation. Elle a été déboutée de sa demande par les juridictions du fonds.

Confirmant ces décisions, la Cour de cassation estime qu'une SCI dont l'objet social était l'acquisition, l'administration et la gestion par la location ou autrement de tous immeubles et bien immobiliers meublés et aménagés, n'est pas un acquéreur au sens de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation dès lors que l'acte d'acquisition était en rapport avec cet objet social.

En faisant expressément référence à l'objet social de la société, la Cour de cassation estime que les personnes morales ne sont pas exclues du bénéfice de l'article L. 271-1 du CCH. Cette solution s'inscrit dans la jurisprudence relative à la notion de « non-professionnel ».

Le droit distingue le « consommateur » du « non-professionnel ». Après des hésitations, sous l'influence du droit communautaire (CJCE 22 nov. 2001, RTD civ. 2002. 397 obs. J. Raynard ; ibid. 291, obs. J. Mestre et B. Fages), la jurisprudence semble désormais limiter la notion de consommateur aux personnes physiques (Civ 1re, 2 avr. 2009, CCC 2009. Comm. 182, obs. G. Raymond).

En revanche, le « non-professionnel » apparaît plus largement comme celui qui contracte en dehors de sa sphère de compétence professionnelle, sans égard pour sa personnalité morale ou physique.

La jurisprudence accorde aux personnes morales le bénéfice des dispositions du code de la consommation visant expressément le « non-professionnel », tels les articles L. 132-1 relatif aux clauses abusives (Civ. 1re, 15 mars 2005, D. 2005. 887, obs. C. Rondey ; RDC 2005. 740, obs. D. Fenouillet ; 27 sept. 2005, D. 2006. 238, note Y. Picod ) ou L. 136-1(Civ. 1re, 23 juin 2011, D. 2011. 2245, obs. S. Tisseyre ; ibid. 2012. Pan. 840, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RTD com. 2011. 627, obs. B. Bouloc ).

Sur la notion de non professionnel

Ce principe étant admis, il restait à préciser les critères de qualification du non-professionnel. Ce point faisait l'objet des débats dans la présente espèce.

Le pourvoi reprochait à la cour d'appel d'avoir déduit le caractère professionnel de l'acte en cause de l'objet social statutaire de la société, sans s'attacher à son activité réelle. Or, selon la SCI, la finalité poursuivie était l'acquisition d'une villa par un particulier à des fins d'habitation personnelle. La SCI qui avait été constituée dans ce seul but était dépourvue d'activité professionnelle. Cet argument ne prospère pas devant la Cour de cassation, qui approuve la cour d'appel d'avoir qualifié l'acte litigieux de professionnel en raison d'un rapport direct entre l'objet social de la société et cet acte.

Cette motivation pour définir le non-professionnel est classique dans la jurisprudence. Le critère du « rapport direct » entre l'activité du contractant et l'acte a été adopté en matière de clause abusive depuis un arrêt de 1995 (Civ. 1re, 24 janv. 1995, D. 1995. 327, note G. Paisant).

Plus précisément, le critère du rapport direct avec l'objet social de la personne morale n'est pas non plus inédit, puisqu'il est retenu pour délimiter le champ d'application des dispositions relatives au crédit immobilier (Civ. 1re, 10 févr. 1993, RDI 1994. 281, obs. H. Heugas-Darraspen). La Cour de cassation a déjà précisé à cet égard qu'il faut s'attacher à l'objet social de la société et non à l'usage spécifique qui va être fait de l'immeuble objet du contrat.

Cette solution est opportune. La Cour de cassation avait précisé que le dispositif de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation était réservé aux immeubles d'habitation, excluant les immeubles mixtes d'habitation et professionnels (Civ. 3e, 30 janv. 2008, AJDI 2008. 963, obs. F. Cohet-Cordey ). Cette décision avait été critiquée car elle crée un secteur protégé à deux niveaux (H. Périnet-Marquet, obs. ss. Civ. 3e, 30 janv. 2008, JCP 2008. II. 10086). L'arrêt commenté, en revanche, contribue à l'harmonisation de la notion de « non-professionnel ».

Cet arrêt doit conduire les rédacteurs d'actes et les intermédiaires à la vigilance. Lorsque l'acquéreur est une personne morale, les formalités de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation ne sont pas à écarter d'office. En principe, les critères adoptés par la Cour de cassation réduisent les hypothèses dans lesquelles une personne morale va pouvoir bénéficier d'un droit de réflexion ou de rétractation. Ce droit peut néanmoins trouver à s'appliquer notamment au bénéfice des SCI familiales.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 24 oct. 2012 n° 11-18774

Gabriel Neu-Janicki