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Avis d Experts

Violation de la clause de non concurrence

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Le preneur ne peut être tenu personnellement d’une obligation de non concurrence contractée par son bailleur à l’égard de tiers que s’il avait connaissance de cette obligation le jour de la signature du bail qui a permis sa violation.

Deux sociétés civiles immobilières sont propriétaires de lots dans un lotissement dont le cahier des charges stipule que les acquéreurs s’engagent à n’exercer aucune activité ni effectuer une vente ou location ou une mise à disposition de ces locaux, ou activités qui pourraient entrer en concurrence avec celles déjà en place.

Les locaux d’une des sociétés sont exploités pour la vente de vêtements et textiles ; l’autre société, après avoir donné à bail commercial ses locaux à destination de vente d’articles et d’équipements de sport, a signé un bail notarié qui autorise la locataire à céder librement le droit au bail à toutes sociétés d’un groupe déterminé et redéfinit les activités permises en précisant que les biens sont à l’usage de « commerce de vente d’articles d’équipement de la personne et/ou d’équipement de la maison et/ou d’articles de sport et de loisirs ».

Le droit au bail ayant été cédé, une ordonnance a interdit sous astreinte à la SCI de donner à bail directement ou indirectement à toute enseigne et notamment à la société cessionnaire pour y exploiter une activité susceptible de méconnaître les dispositions du cahier des charges du lotissement ; l’astreinte a été liquidée par ordonnance du 3 avril.

Statuant sur l’action de la SCI contre le preneur à bail commercial, ayant exactement rappelé qu’à défaut de stipulation dans le bail, le preneur ne peut être tenu personnellement d’une obligation contractée par son bailleur à l’égard de tiers que s’il avait connaissance de cette obligation le jour de la signature du bail qui a permis sa violation, la cour d ?appel, qui a relevé que le cahier des charges n’avait pas été publié selon les règles de la publicité foncière, que ni le bail ni la cession de droit au bail ne faisaient mention du cahier des charges ou de sa clause de non-concurrence et que rien ne pouvait conduire le preneur à mettre en doute les droits du bailleur, a pu en déduire que la société locataire n’avait pas participé personnellement à la violation de la clause de non-concurrence figurant au cahier des charges du lotissement.

Pour fixer à une certaine somme les préjudices commercial et moral subi par la SCI exploitant le fonds de commerce de vente de vêtements, l’arrêt retient que le préjudice commercial réellement subi par la société ne consiste pas dans la perte de chiffre d’affaires mais dans sa perte de marge brute dès lors qu’en vendant moins, elle réalise des économies sur ses achats. En statuant ainsi sans rechercher, si le principe de la réparation intégrale du préjudice n’obligeait pas à prendre en compte le fait que la société devait continuer à assumer les mêmes charges en dépit de la diminution de son activité, la cour d ?appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1382 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.

Pour rejeter la demande de suppression de l’astreinte assortissant une interdiction de donner à bail directement ou indirectement à toute enseigne, l’arrêt retient qu’en acquérant un lot du lotissement commercial, la société civile immobilière s’est explicitement engagée à respecter les dispositions du cahier des charges, la clause de non-concurrence étant de surcroît reprise dans son titre de propriété et que la circonstance qu’elle ait pris des engagements incompatibles auprès de son locataire ne saurait empêcher les tiers lésés par la violation de la clause, d’agir en cessation du trouble en résultant. En statuant ainsi, tout en décidant que la société bailleresse était tenue d’assurer à la société locataire la jouissance paisible du local pendant toute la durée du bail expirant en février 2017, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de sa propre décision, au regard de l’article L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution.

Cour de cassation, 3ème Chambre Civile, 7 Mai 2014 n° 13-10397

Gabriel Neu-Janicki