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Avis d Experts

Vite ! Des espaces partagés dans les copropriétés françaises !

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On pensait les Français inaptes à la consommation partagée, ils prouvent chaque jour leur appétence pour l’économie collaborative. Et si on s’inspirait des modèles anglo-saxons pour gagner de la place dans les immeubles, réduire les frais et la dépense énergétique ? Pour Thierry Langlois, Directeur Immo de Vivastreet.com, le moment est venu.

Le plus novice des voyageurs aura constaté, se rendant dans une ville américaine « ancienne », comme New York ou San Francisco, que la machine à laver et le sèche-linge sont mutualisés dans de très nombreux immeubles.

Dans des quartiers plus bourgeois, ce sera une salle de jeu pour les enfants de la résidence, voire une salle de sportpour les plus huppés. Les Australiens mutualisent quant à eux des installations extérieures, à l’image des barbecues. Ces derniers sont nettoyés après chaque usage par l’utilisateur du jour.

Partager :retour en grâce d’une vieille habitude

Mutualiser des équipements au sein d’une copropriété crée l’opportunité de gagner de la place, mais pas seulement. Les villes représentent 75 % des consommations mondiales d’énergie et 80 % des émissions de CO2 ; souvent, la congestion a déjà des conséquences sur la santé (problèmes respiratoires…). Bref, rationnaliser notre consommation actuelle est un impératif pour éviter davantage de déstabilisations environnementales.

Et ces pratiques sont anciennes : investir à plusieurs dans des équipements « lourds » fait partie de la culture traditionnelle, dans l’Inde antique comme dans la France paysanne. De même que la mutualisation de l’expérience : acheminer les denrées au point de vente à plusieurs pour garantir leur sécurité par exemple. Ni l’idée, ni la pratique ne sont révolutionnaires. Mais tout ceci a besoin de s’accélérer. Et toutlaisse croire que les esprits y sont préparés.

La France compte près de 40 % de personnes vivant dans un logement collectif*. La tendance globale voit s’accroître l’attrait pour les agglomérations de province et ne fait que renforcer la tendance : plus devilles seront engorgées.

Les Français sont sensibles à l’environnement. Ceux qu’on qualifie souvent hâtivement de « mauvais élèves » adoptent progressivement les bons réflexes ; sous la douche, pour se savonner, se laver les cheveux ou appliquer un soin capillaire : 71 % des Français coupent l’eau, contre 52 % des Européens. Lors du brossage des dents, 87 % des Français ferment leur robinet, soit 16 points de mieux que la moyenne européenne**. Facteur moins réjouissant mais bien réel : les Français sont fragilisés économiquement par la crise économique ; enfin, ils sont de plus en plus nombreux à expérimenter l’économie du partage. Et à convenir que l’usage prime parfois sur la possession, comme par exempledans le cas d’une perceuse, utilisée 12 minutes seulement dans « sa vie ».

Partager n’est pas soviétiser, mais facilite la vie !

Le passage à l’acte est d’autant plus plausible que les nouvelles technologies regorgent d’aides à la mutualisation ; un simple vélo d’appartement, sorti du salon où il n’assurait pas de grande valeur ajoutée esthétique, peut être mutualisé dans une salle commune à l’aide d’un agenda partagé, d’un e-group ; un sondage en ligne peut décider ou non de son remplacement, etc. Le tout étant accessible sur smartphone ou tablette.C’est ainsi qu’on pourra faire des économies d’échelle et agir pour l’environnement, sans changer sa qualité de vie. Une barrière psychologique forte à l’initiative écologique individuelle fut longtemps l’idée qu’il faudrait renoncer à nos modes de vie. Hormis faire quelques mètres pour aller laver son linge, ici point de rupture.

Paradoxalement, mutualiser des équipements dans une copropriété n’est pas un voyage dans le temps et l’espace de l’austérité et de la pénurie soviétique. D’abord, parce qu’il est inutile d’impliquer tout le monde ou d’être coercitif.Il suffit d’avoir le nombre suffisant de participants pour rentabiliser l’investissement ;et la bienveillance des autres, qui ne sont en rien tenus d’y participer.

LiorStrahilevitz est universitaire.Il a publié un essai*** de sociologie qui montre comment certaines municipalités nord-américaines ont mené des expériences, et fait des espaces partagés des immeubles des vecteurs de meilleure entente entre des populations hétérogènes (ethniquement et socialement). Avant de résoudre les problèmes raciaux, on peut considérer que les effets bénéfiques secondaires de ce type d’initiatives sont non négligeables. Mieux que la fête des voisins, le bavardage à la machine à laver crée du lien. Et ce lien rend plus aisé l’entraide (arroser les plantes, imprimer une feuille, dépanner 100g de sucre) qui rend la vie plus agréable pour le citadin. C’est aussi un cadre informel de résolution des différends appréciable.

Peu d’initiatives engendrent autant de bénéfices économiques, environnementaux et sociaux… Et sont immédiatement à notre portée.

*De plus en plus de maisons individuelles, INSEE, Alain Jacquot. **Sondage Henkel Habits ; étude réalisée en 2012 pour Henkel par TNS Italie auprès de 6 400 personnes de 8 pays : France, Belgique, Pays-Bas, Grèce, Italie, Espagne, Angleterre et Suède. ***Exclusionary Amenities in Residential Communities, University of Chicago Law School, July 2005

Thierry Langlois