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Ce que va vraiment changer l'allègement des normes handicapées dans le logement neuf

Le quota de logements accessibles aux handicapés passe à 10% dans le neuf

Le quota de logements accessibles aux handicapés passe à 10% dans le neuf - AFP

La loi Elan abaisse fortement le quota de logements respectant l'ensemble des normes handicapées. Voici ce que cela va concrètement changer dans le logement neuf.

La mesure fait grincer des dents du côté des associations de défense des droits des personnes handicapées mais réjouit le monde du BTP. Dans le cadre du projet de loi Elan (pour évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), les députés ont adopté vendredi dernier en première lecture l'article 18. Celui-ci fait passer les quotas de biens accessibles aux personnes handicapées de 100% à 10% dans la construction de logements neufs. Les 90% restant seront quant à eux "évolutifs". Retour sur ce que va changer cette réforme.

Les normes qui s'appliquaient jusqu'ici :

En principe, "les bâtiments d’habitation neufs et leurs abords doivent être construits et aménagés de façon à être accessibles aux personnes handicapées quel que soit leur handicap", précise l'article R*111-18 du Code de la construction et de l’habitation. Autrement dit, 100% des logements neufs sont censés être accessibles.

En réalité, il existe deux principales exceptions. Premièrement, les maisons individuelles qui sont destinées à l'usage du propriétaire (et qui ne sont donc pas louées) échappent à cette obligation. "Cela représente actuellement 55% des maisons individuelles construites", détaille Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). Deuxièmement, les ascenseurs ne sont pas obligatoires dans les immeubles de trois étages ou moins. Résultat : sur 100 logements construits, seulement 40 seraient réellement accessibles aux personnes à mobilité réduite avec les normes actuelles, selon les calculs de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath).

Parmi les normes handicapées les plus visibles, citons la largeur des couloirs et des portes, l'accès du bâtiment au moyen d'une rampe si besoin, la hauteur des prises électriques, la signalisation lumineuse dans l'immeuble, ou encore la possibilité de pouvoir se retourner en fauteuil roulant dans n'importe quelle pièce, y compris la salle de bain et les toilettes. "Ces normes ont un coût : environ 5 à 10% du prix de vente", estime Jacques Chanut. En outre, "ces normes poussent à la compacité des appartements, avec des séjours et des chambres plus petits pour respecter la taille des couloirs et des salles d'eau", ajoute Alexandre Duliège, président de Réalités immobilier, un promoteur présent notamment dans l'ouest de la France.

Pour en savoir plus sur ces normes et la législation en vigueur, vous pouvez consulter cette page du site du ministère.

Ce qui va changer :

L'article 18 du projet de loi Elan fait passer de 100% à 10% la part de logements dits "accessibles" dans les immeubles collectifs neufs, avec un minimum d'un logement de ce type (pour les petits ensembles). Les promoteurs n'auront donc besoin que de construire 10% de logements respectant l'intégralité des normes handicapées (comme la hauteur des prises, la taille des toilettes…). Les autres logements devront simplement être "évolutifs", une nouvelle notion créée par la loi (voir plus bas).

D'après la Fnath, qui regrette cet abaissement drastique des quotas, cela signifie que sur 100 logements construits, il n'y aura plus que 4 réellement accessibles, contre 40 jusqu'ici (voir plus haut).

Ce qui ne change pas :

Le principe d'accessibilité du bâtiment aux personnes handicapées est conservé. "En théorie, rien ne change sur ce point", confirme Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fnath. Concrètement, une personne handicapée, notamment si elle se déplace en fauteuil roulant, pourra entrer dans l'immeuble, ouvrir les portes, accéder à l'appartement et se déplacer à l'intérieur de celui-ci dans les pièces à vivre.

Les maisons individuelles destinées à leur propriétaire n'auront toujours pas besoin de respecter les normes handicapées. Par ailleurs, les immeubles de trois étages et moins, même s'ils doivent respecter les autres normes handicapées, n'auront toujours pas l'obligation de disposer d'un ascenseur. Sur ce point néanmoins, Sophie Cluzel, la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, a laissé entendre sur RTL que le gouvernement réfléchissait à abaisser ce seuil pour qu'un ascenseur soit aussi obligatoire dans les immeubles de trois voire de deux étages.

Les constructeurs continueront de devoir faire appel à des auditeurs externes pour certifier que leur programme immobilier respecte les normes en vigueur. Enfin, le quota de 10% de places de parking réservées aux handicapés est maintenu.

Ce que signifie "logement évolutif" :

C'est l'une des questions centrales de la réforme. Le projet de loi Elan évoque des logements qui "peuvent être rendus accessibles à l’issue de travaux simples". Mais ce concept reste pour l'instant flou. C'est un décret qui devra préciser la définition après une concertation avec les professionnels du bâtiment et les associations de défense des droits des handicapés. Les "travaux simples" devraient concerner des travaux de second œuvre (comme abattre une cloison) et non de premier œuvre (comme modifier un mur porteur).

Contacté par Lavieimmo, le ministère de la Cohésion des territoires précise que "le logement évolutif est un logement conçu à l’origine de sorte que la surface des chambres et pièces s’adapte tout au long de la vie en fonction du besoin de ses occupants. On pourra déplacer les cloisons facilement en fonction des besoins". Par exemple, "les cloisons amovibles ne devront pas contenir de canalisations de fluides", ajoute le ministère.

Les questions en suspens :

Une fois la question de la définition précise d'un logement évolutif réglée, reste à savoir comment se fera la répartition à l'intérieur de l'immeuble entre logements accessibles et logements évolutifs. "Si les logements dits accessibles se retrouvent toujours aux rez-de-chaussée et exposés plein nord, ce serait de la discrimination. Il va falloir faire attention à cela", indique Alexandre Duliège.

"Qui va prendre en charge les travaux d'adaptation ?", s'interroge par ailleurs Arnaud de Broca. La question n'a rien d'anodine puisque les personnes avec un handicap, avec l'abaissement des quotas de logements accessibles, seront mécaniquement plus souvent face à des logements ayant besoin d'être adaptés à leurs besoins, en particulier en location. Le gouvernement précise que le projet de loi de finances 2018 a prolongé de 3 ans le crédit d’impôts pour les dépenses liées à la perte d’autonomie, qui permet de récupérer 25% des montants engagés. Pour les publics les plus modestes, l’Agence nationale de l'habitat (Anah) est censée prendre la relève, avec un budget de 50 millions d'euros par an et l'objectif d'adapter 15.000 logements par an aux enjeux de la perte d’autonomie.

Jean-Louis Dell'Oro

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