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Gilets jaunes : le BTP ne veut pas être "le dindon de la farce"

Les travaux publics prévoient un ralentissement en 2019

Les travaux publics prévoient un ralentissement en 2019 - Philippe Huguen - AFP

Le secteur devrait encore afficher une croissance de 5,5% en 2019. Mais cette progression va nettement ralentir en 2020.

Le secteur des travaux publics, qui sort de deux années de croissance en France, et devrait voir son activité ralentir sa progression cette année, craint d'être victime des arbitrages budgétaires du gouvernement face aux "gilets jaunes", alors qu'il assure faire partie intégrante des réponses aux revendications du mouvement.

"Il serait quand même paradoxal que nous soyons les dindons de la farce de ce qui est en train de se passer aujourd'hui", a prévenu jeudi Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP, principale fédération du secteur), lors du bilan annuel de cette organisation dont les adhérents représentent quelque 8.000 entreprises et 260.000 employés.

Les travaux publics sortent d'"une année 2018 bien meilleure que ce que l'on imaginait", a résumé lors d'une conférence de presse Bruno Cavagné. Pour "2019, on est encore optimistes", a-t-il poursuivi. "Que va t-il se passer en 2020 ? c'est encore l'inconnu pour nous." Selon les chiffres de la FNTP, dont les adhérents représentent quelque 260.000 salariés, le secteur a vu le montant global de son activité gagner 10,5% l'an dernier à 41 milliards d'euros et celui-ci devrait encore avancer de 5,5% en 2019.

Progression des investissements dans les collectivités locales

Pour expliquer cette hausse, la fédération met en avant la progression des investissements dans les collectivités locales, soulignant qu'ils rebondissent depuis 2017 et que ce mouvement devrait se poursuive l'an prochain. Cas particulier par son ampleur, le projet du Grand Paris, qui prévoit à terme quatre milliards d'investissements par an autour de la capitale, devrait dès 2019 contribuer à la moitié de la hausse d'activité du secteur, selon les estimations de la FNTP.

Reste que cette progression va nettement ralentir l'an prochain, en particulier face à la reprise de l'inflation qui renchérit les coûts de production des entreprises du secteur. "On a des hausses de coûts de production, que ce soit l'énergie, que ce soit sur les matériaux ou que ce soit sur la masse salariale", a souligné Bruno Cavagné. "Naturellement, cela influe sur notre activité."

Les craintes du secteur vont surtout au-delà, la fédération envisageant la fin du cycle de reprise à partir de 2020, et se fixent sur les intentions budgétaires du gouvernement qui va devoir financer plusieurs mesures destinées à apaiser les "gilets jaunes".

Craintes d'un report de la loi mobilités

Le président de la République, Emmanuel Macron, a fait fin 2018 une série d'annonces, destinées à répondre à ce mouvement aux revendications multiples mais tournant largement autour du pouvoir d'achat. Ces mesures, dont par exemple un élargissement de la prime d'activité, représentent plusieurs milliards d'euros à financer pour l'exécutif.

Dans ce contexte, la FNTP craint particulièrement pour le projet de loi sur les transports, dit LOM pour "loi d'orientation sur les mobilités", dont elle attend beaucoup en matière d'investissements mais dont elle juge encore flou le financement. "Je n'ose même pas imaginer que l'on reporte la LOM sine die", a soufflé M. Cavagné, jugeant que la question de la mobilité était au coeur même du mouvement des gilets jaunes, né d'une opposition à la hausse d'une taxe sur les carburants.

"Ce mouvement (...) a démarré sur des choses que l'on connaît bien", a-t-il estimé. Le secteur a, d'ailleurs, obtenu fin 2018 une victoire dans les premiers temps du mouvement. L'exécutif a suspendu la hausse d'une taxe sur un carburant - le gazole non routier (GNR) - qui touchait particulièrement le bâtiment et les travaux publics.

"10 ans de sous-investissements" dans les infrastructures

"On paie aujourd'hui, avec entre autres cette crise des gilets jaunes, 10 ans de sous-investissements" dans les infrastructures, a enchainé M. Cavagné.

A ce titre, la fédération craint également que la politique du gouvernement réduise la marge de manoeuvre des collectivités locales, par exemple exposées à la diminution de la taxe d'habitation. "Les élus locaux ne sont pas idiots, ils ne font pas n'importe quoi", a assuré M. Cavagné. "Arrêtons d'emmerder les collectivités."

Le sujet est crucial pour la fédération car les investissements des collectivités, auprès desquelles ses membres réalisent plus de 40% de leurs revenus, sont le principal moteur de la reprise récente de son activité.

(Avec AFP)

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