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Construction

L'impression 3D de béton prépare son industrialisation en France

Le béton, une nouvelle perspective pour l'impression 3D

Le béton, une nouvelle perspective pour l'impression 3D - Thomas Samson - AFP

Des start-up réfléchissent à utiliser le ciment dans l'impression 3D. L'intérêt est de "chercher des formes qu'on ne pourrait pas faire de façon traditionnelle, ou qui demanderaient beaucoup plus de temps".

L'impression 3D, aussi appelée fabrication additive, déjà largement utilisée dans l'industrie pour fabriquer des pièces, est aujourd'hui en plein développement dans la construction, portée par des start-up avec le savoir-faire des cimentiers. Pour "imprimer" un mur, un long bras articulé diffuse une mince coulée de béton selon un parcours déterminé en appliquant une couche sur la précédente. En quelques heures, un mur est érigé, ouvrant de nouvelles perspectives aux métiers de la construction.

"L'intérêt de l'impression 3D, c'est comment aller plus loin que l'utilisation courante du béton" et "chercher des formes qu'on ne pourrait pas faire de façon traditionnelle, ou qui demanderaient beaucoup plus de temps", explique Alain Guillen, directeur général Développement et Applications de XTreeE. Cette start-up basée à Rungis a lancé dans son atelier la fabrication d'une trentaine de murs, destinés à la construction en 2021 de cinq maisons à Reims, dans le cadre du projet Viliaprint, porté par le bailleur social Plurial Novilia.

"Passer à une phase vraiment industrielle"

L'entreprise vient d'obtenir une Appréciation technique d'expérimentation (Atex) pour la construction en impression 3D béton, délivrée par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). "Aujourd'hui pour la première fois en France, on a une construction en impression 3D béton qui est validée par les autorités publiques", souligne Alain Guillen. "Grâce à cet avis technique, on va pouvoir passer maintenant à une phase vraiment industrielle".

Pour le responsable de la maîtrise d'ouvrage chez Plurial Novilia, Jérôme Florentin, "c'est certainement le début d'une longue histoire". "On commence à avoir beaucoup de concurrents", observe-t-il, en mentionnant les Pays-Bas, la Chine, les Etats-Unis, la Russie. Ce type de construction "va avoir tendance à se développer, pas de façon fulgurante dans les prochains mois, mais sur des constructions mixtes" avec "des murs imprimés associés à des modes constructifs classiques", estime-t-il.

Résoudre les crises du logement

De son côté, le fabricant de machines Constructions-3D, basé à Valenciennes, vient de réaliser son premier bâtiment en impression 3D béton pour son futur siège. Antoine Motte, fondateur et dirigeant de Constructions-3D, est confiant sur les perspectives de cette technologie, citant une étude du cabinet SmarTech en 2018, qui prévoit pour 2027 un chiffre d'affaires mondial de 20 milliards de dollars pour l'impression 3D dans la construction, dont 4 milliards pour les fabricants de matériels. "Un quart de l'humanité est mal logée aujourd'hui, et donc si on peut, par la technologie, apporter une machine qui va construire une maison par jour (...) on se dit qu'avec un million de machines, on peut déjà juguler la croissance du mal logement, et deux millions de machines résoudront le problème", fait valoir Antoine Motte.

Mais il reste encore des étapes à franchir, reconnaît le patron de Constructions-3D. "Ces machines pourront apporter des solutions quand on aura réussi à imprimer des 'encres' locales, réalisées à partir de l'argile", explique-t-il. Reste ensuite à former les futurs travailleurs du bâtiment à cette nouvelle technologie. "Demain, pour faire fonctionner ces machines, l'opérateur idéal est quelqu'un qui aura un peu de compétences en numérique, qui connaîtra les contraintes d'un chantier de bâtiment et qui sera un petit peu mécanicien", décrit Didier Malbranque, co-fondateur de Constructions-3D.

"On est encore en phase de recherche"

La start-up valenciennoise a mis au point une petite machine, plutôt destinée à la formation, qui est installée dans une douzaine de lycées professionnels ou écoles du bâtiment des Hauts-de-France. Cette nouvelle technologie intéresse au premier chef les groupes cimentiers, qui fournissent la matière première. "On est encore en phase de recherche, mais on évolue vers les premiers chantiers, les premières réalisations", assure Olivier Martinage, ingénieur R&D du groupe Vicat, partenaire de XTreeE dans le projet Viliaprint.

La recherche porte notamment sur "l'imprimabilité" du béton pour "améliorer les performances, les vitesses d'impression, le rendu esthétique", explique-t-il."C'est une technologie en devenir", confirme Yves Baroulier, directeur Grands Projets de LafargeHolcim. "L'impression 3D va nous permettre (...) une plus grande sobriété: moins de matériau et bas carbone". LafargeHolcim collabore avec XtreeE sur la construction en impression 3D d'ici 2023 d'une passerelle de 40 mètres sur le site des futurs Jeux olympiques de Paris 2024 en Seine-Saint-Denis.

Avec AFP

D. L.