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La baisse des aides a fait plonger la construction de maisons individuelles

Construction de maisons: la profession prévoit une année 2018 encore pire que prévu

Construction de maisons: la profession prévoit une année 2018 encore pire que prévu - Thomas Samson - AFP

Certes les taux de crédits immobiliers sont bas, mais la réduction de certaines aides au logement a mis un sérieux coup de frein au marché du neuf, en particulier pour les maisons.

"On va se retrouver en 2018 au niveau de 2008, du temps de la crise des subprime". Pour Patrick Vandromme, patron de LCA-FFB, la fédération des constructeurs et aménageurs de maisons individuelles, l'année 2018 s'annonce compliquée. Les constructeurs de maisons individuelles, qui s'attendaient déjà à un net recul de leur activité en 2018, ont encore abaissé leurs prévisions de ventes. Ils ont expliqué vendredi prévoir une baisse de leur activité comprise entre -12% et -15% cette année, contre -8% à -10% anticipé jusqu'ici. Cela correspondrait à entre 115.000 et 120.000 ventes au total sur l'année. Cette branche du bâtiment tire les conséquences d'un déclin des ventes de presque 14% sur les sept premiers mois de 2018 par rapport à la même époque un an plus tôt. Une baisse qui touche toutes les régions.

Un ralentissement qui se retrouve sur le reste du marché du neuf. Dans une étude publiée vendredi, Crédit Foncier table sur 411.000 constructions de logements neufs en 2018, quand il y en avait eu 430.000 l'an passé. Dans l'ancien, le nombre de ventes devrait être également plus faible en 2018 qu'en 2017 : autour de 900.000 ventes contre 959.000 l'an dernier. Globalement, le volume de crédits accordés (sur le neuf comme sur l'ancien) devrait être en baisse de 9% cette année par rapport à 2017. "Nous restons sur un chiffre haut, 160 milliards d'euros, mais on est à la fin d'un cycle haussier d'optimisme", précise Benoît Catel.

Des taux à des niveaux planchers

Mais pourquoi les ménages achètent moins? Les taux immobiliers sont pourtant toujours à un niveau exceptionnellement bas. Les taux d'intérêt pour un crédit immobilier, toutes durées confondues (neuf et ancien) ressortent en moyenne à 1,43% en août, selon les chiffres de l'Observatoire Crédit Logement / CSA. A durée comparable, "un ménage peut emprunter 30% de plus qu'il y a dix ans", explique Benoît Catel, directeur général du Crédit Foncier.

Les acheteurs bénéficient aussi du retour de l'inflation. "L'accélération de celle-ci rend l'endettement immobilier plus intéressant que jamais", affirme Benoît Catel. Car la valeur réelle des mensualités d'un crédit s'amenuise alors au fil du temps. L'inflation devrait ainsi atteindre 2,1% en 2018 en moyenne annuelle, selon les prévisions de la Banque de France. Ce qui permet aux ménages d'emprunter à des taux réels négatifs, une fois pris en compte l'inflation.

Hausse des prix et baisse des aides

La demande cale en fait pour plusieurs raisons. La hausse des prix de l'immobilier est évidemment un premier élément de réponse. Sur un an, ils ont progressé de 2,7% à 4.048 euros du mètre carré pour les appartements neufs et de 3,2% à 264.048 euros par unité pour les maisons neuves. Dans l'ancien, les tarifs ont augmenté de 3,5%.

Mais les professionnels du secteur dénoncent surtout la réduction de certaines aides d'accession à la propriété. Le prêt à taux zéro (PTZ), ce dispositif qui permet d'acheter un logement si l'acquéreur n'a pas été propriétaire de sa résidence principale au cours des deux années précédant l'émission de l'offre de prêt, a subi un rétrécissement géographique dans le neuf. Jusqu’à la fin de l’année 2017, le PTZ était disponible sur l’ensemble du territoire, de la zone A à la zone C. Dorénavant, le PTZ pour l’achat d’un logement neuf est proposé dans les zones les plus tendues (A, A bis et B1) jusqu’en 2021. La zone C et la zone B2 sont également éligibles au dispositif, mais les acheteurs ne peuvent alors financer via le PTZ que 20% au maximum du coût de l’opération, contre 40% en 2017. Le PTZ dans l’ancien avec travaux est lui uniquement possible en zones B2 et C. Le nombre de PTZ accordés devrait ainsi chuter de 25% cette année par rapport à 2017, selon les calculs du Crédit Foncier.

Le Budget 2019 en ligne de mire

En parallèle, l'APL accession a, elle, été supprimée. Il s'agissait d'une aide, versée par la CAF, pour les ménages à faibles revenus qui voulaient accéder à la propriété. Cette dernière "solvabilisait beaucoup de projets", a expliqué Benoît Catel. Celui-ci estime à 20.000 le nombre de projets qui ne pourront pas être financés en 2018 en l'absence d'aides à l'accession. "On a souvent dit que les PTZ et les aides, ça ne servait à rien parce que ça fait augmenter les prix (...) mais on constate dans la réalité, qu'une fois supprimés, les opérations ne se font plus. Il n'y a pas d'effet d'aubaine", martèle-t-il.

"En 2017, le budget du logement a représenté près de 42 milliards d’euros de dépenses pour l’État (- 0,3 %), mais le secteur a généré plus de 74 milliards d’euros de recettes fiscales (prélèvements sur la consommation, la production et les mutations, TVA, impôts sur les sociétés, taxe foncière…), en hausse de 5,7 % par rapport à 2016", rappelle la LCA-FFB. "Non seulement, les aides au logement démontrent leur solide efficacité pour les ménages modestes, mais elles rapportent par effet ricochet de conséquentes recettes fiscales, sans parler des effets sur la croissance et l’emploi", ajoute-t-il. Un appel du pied au gouvernement, alors que les parlementaires sont sur le point d'entamer les débats sur le Budget 2019.

Diane Lacaze