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Non, l'Etat ne vous obligera pas à avoir une douche à l'italienne dans votre logement neuf

Le gouvernement veut des douches à l'italienne dans le neuf.

Le gouvernement veut des douches à l'italienne dans le neuf. - Gregory Butler - Pixabay

Dans le cadre du Comité interministériel du Handicap du mois de décembre, le gouvernement a pris la décision de généraliser dès 2020 la possibilité d'avoir des douches de plain-pied dans les logements neufs. Mais contrairement à ce qui a d'abord été avancé, il sera toujours possible pour les propriétaires d'opter pour une baignoire.

Sur le papier, l'idée peut paraître bonne, voire même essentielle pour certains. Dans les faits, elle pourrait se révéler contre-productive. Le 3 décembre dernier, dans le cadre du Comité interministériel du Handicap (CIH), le gouvernement a décidé de faciliter, dès cette année, la pose de douches à l'italienne dans les logements neufs. Une mesure importante aux yeux du ministre du Logement, Julien Denormandie. À tel point que certains appellent ces douches de plain-pied, les "douches Denormandie".

L'objectif est de rendre les salles de bain accessibles à tous, les rebords des douches bloquant jusqu'alors les personnes en fauteuil roulant mais également les personnes âgées valides qui peuvent trébucher. Fin décembre, sur France Inter, Nicolas Mérille, de l'Association des paralysés de France-France Handicap, se félicitait de cette décision en expliquant la difficulté pour les personnes à mobilité réduite: "Pour les utilisateurs de fauteuils roulants, vous êtes dans une salle de bain donc avec déjà potentiellement un sol mouillé. Il faut que vous basculiez en deux roues, que vous franchissiez ce ressaut, cette petite marche, et que vous puissiez vous transférer sur le siège de douche équipé. La manœuvre est extrêmement dangereuse".

Quels logements sont concernés?

Précision importante, tous les logements neufs ne seront pas concernés. La Fédération française du bâtiment nous précise que la maison individuelle sous contrat CCMI (contrat de construction de maison individuelle) n'est pas concernée, ainsi que les logements collectifs sans ascenseur (c'est-à-dire les immeubles de 2 étages ou moins). "En revanche, tous les logements collectifs desservis par ascenseur et de plain-pied sont concernés à 100% (acquisitions privatives et logements sociaux)", note la FFB.

De plus, le ministère du logement précise à BFM Immo: "Pour les logements concernés, il s’agit de pouvoir avoir une douche à l’italienne, soit à la construction, soit quelques années plus tard, lorsqu’un occupant souhaitera faire enlever sa baignoire. Il reste possible d’avoir une baignoire plutôt qu’une douche". La FFB nous explique que "l’objectif de l’administration et des associations représentant les handicapés est de pouvoir enlever la baignoire afin d’avoir une douche à l’italienne par travaux simples. Il faut donc prévoir dès la construction une douche à l’italienne munie d’un siphon de sol, la baignoire éventuelle devra se brancher simplement sur le siphon de sol de la douche à l’italienne". Chaque logement devra avoir la possibilité d’avoir une douche à l’italienne. Concrètement, il faut prévoir l’évacuation de cette douche dans tous les cas. Ainsi, la baignoire sera munie d’une évacuation compatible avec le siphon de sol de la douche à l’italienne.

Une mesure loin d'être entérinée

Si l'idée plait aux associations, elle n'a pas encore été entérinée. La Fédération française du bâtiment nous explique qu'elle "doit d'abord passer au CSCEE (Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique) dont les membres sont majoritairement contre".

Les professionnels largement opposés à la mesure

Tout d'abord, nous dit la FFB, "aucune personne à mobilité réduite ne se douche avec son fauteuil de ville". D'après la Fédération, l'Agence qualité construction aurait constaté que les douches à l'italienne provoquent chaque année des accidents de glissement à cause du savon sur la partie en pente. Il y en aura eu plus de 1.500 en 2018.

Ensuite, une telle mesure obligerait à revoir les plans des logements: "Le volume de sécurité électrique (volume 2) correspond à la totalité de la surface des petites salles d’eau : ce qui interdit les prises de courant (sèche-cheveux, machine à laver le linge, etc…)", précise la FFB. En effet avec les douches à l'italienne, le périmètre de sécurité dans lequel certains équipements sont interdits correspond quasiment à la taille de la salle de bain.

La FFB déplore également le surcoût qu'une telle mesure va engendrer. La douche à l'italienne nécessite "une chape flottante de 7 à 10 cm de béton, une étanchéité totale de la salle de bain et un siphon de sol spécifique".

Vers une multiplication des sinistres?

Le dernier argument en la défaveur d'un tel équipement de salle de bain vient des assureurs qui notent une augmentation des contentieux liés aux infiltrations et dégâts des eaux. D'ailleurs, l'Agence de qualité construction, dans son 14ème observatoire publié en juin dernier, montrait la progression importante des désordres liés aux équipements sanitaires, passant de 1% des malfaçons entre 1995-2005 à 6% en 2016-2018. "Cela pourrait être lié à la généralisation des douches à l'italienne, qui ont régulièrement des défauts d'étanchéité aux liaisons avec les murs", précisait alors Catherine Labat, experte construction au cabinet Neoxa.

Autant d'arguments que le gouvernement entend. Le cabinet de Julien Denormandie nous précise en effet que "dès 2020, les premiers logements neufs seront équipés de douche à zéro ressaut. Les conditions de généralisation sont en cours de concertations avec les associations représentant les personnes à mobilité réduite et les professionnels de la construction, compte tenu des modifications de techniques de construction utilisés actuellement. Il est notamment important de garantir la bonne qualité des réalisations et éviter qu’il ait plus de sinistres dans les salles de bain". Des négociations qui se poursuivent, donc, mais le gouvernement espère bien que la mesure soit effectivement mise en place au 2ème semestre.

Diane Lacaze