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Construction

Nouvelle menace pour les propriétaires de terrain constructible

De nouvelles règles d'urbanisme obligent les mairies à réduire l'espace constructible

De nouvelles règles d'urbanisme obligent les mairies à réduire l'espace constructible - Philippe Huguen - AFP

De nouvelles règles d'urbanisme obligent les mairies à réduire l'espace constructible, quitte à déclasser certains terrains à bâtir qui passeront dans la catégorie "simples champs". Au grand dam de leurs propriétaires, qui voient la valeur de leur bien réduite comme peau de chagrin.

Le législateur veut mettre fin à un modèle d’urbanisation trop consommateur d’espace agricoles et naturels. Depuis quelques années, la réforme du Code de l’urbanisme oblige les communes françaises à réviser leurs plans locaux d’urbanisme (PLU) afin de limiter l’étalement urbain, conséquence d’une trop grande liberté des collectivités en matière de construction.

Le PLU - qui depuis 2000 est appelé à remplacer le plan d’occupation des sols ou POS - est un document réglementaire qui régit l’évolution des parcelles d’une ville, et qui sert de base à l'instruction des permis de construire et de démolir. Il est théoriquement révisé tous les 5 à 10 ans.

Sauf que "pendant très longtemps, les communes y ont peu touché, accordant des permis de construire au gré des demandes (…)", nous explique Loïc Prieur du cabinet d’avocats LGP, spécialisé en droit public et droit de l'urbanisme. "Elles n'avaient pas forcément de contraintes vis-à-vis de ce PLU, et à l'époque, on accordait peut-être aussi moins d'importance au foncier".

Limiter l'étalement urbain

Mais les choses vont bouger, car le législateur voit dans l’étalement des villes "une réduction des espaces naturels, des espaces agricoles ainsi qu'une hausse du coût de fonctionnement des services urbains (mise en place et entretien des réseaux d’approvisionnement en eau et en électricité, transport scolaire, collecte des déchets etc.)", souligne Me Prieur.

L’État demande donc aux maires de faire évoluer leur PLU. Une démarche que certains ont été peu habitués à faire au cours de ces dernières années. "Un élu m’a raconté récemment que c’était la première fois en trois ou quatre mandats successifs que son nouveau PLU réduisait le nombre de terrains constructibles. Jusqu’à présent, chaque nouveau document augmentait l’offre de terrain à bâtir", confie le professionnel, rappelant que deux textes législatifs sont à l’origine de ce changement de cap.

Le premier, Grenelle II, a pour objectif de limiter l’étalement urbain et de conserver les terres a priori destinées à l’agriculture. Le second, la loi Alur, a complété le dispositif en rendant "exceptionnelle" la possibilité d’accorder des permis de construire pour des habitations dans des zones qui sont normalement vouées à l’agriculture.

Des conséquences inattendues

Hier, Le Parisien a mis en garde les propriétaires contre le risque de voir leurs terrains autrefois constructibles se transformer en "simples champs, impropres à la construction". Des centaines de terrains ont ainsi été déclassés, entraînant une perte financière considérable. "Car là où le prix du mètre carré à bâtir se compte le plus souvent en centaines d’euros, celui d’un terrain agricole dépasse difficilement la barre des 5 euros".

C’est ce qui est arrivé à un couple de septuagénaires, propriétaire depuis 1996 de 4.000 m² de terrain à bâtir dans une petite commune de la Loire. Après avoir construit une maison, ils avaient décidé l'an passé de vendre une partie du terrain afin de financer un projet en région parisienne.

Seulement, l'agence immobilière leur a dit que "le terrain devait repasser en zone agricole dans le nouveau PLU". "On ne pouvait plus rien faire", ont confié, dépités, ces retraités originaires de Chavanay (2.800 habitants).

Des recours possibles?

Malheureusement dans ce cas précis, "les propriétaires dont les terrains ont été déclassés n’ont droit à aucune contrepartie financière" indique Loïc Prieur, faisant référence à la loi du 15 juin 1943. En d'autres termes, ce déclassement n'ouvre droit à aucune indemnité, comme le précise l'article L105-1 du Code de l'urbanisme.

"Évidemment des recours sont possibles, mais dans la plupart des cas ils sont voués à l’échec", estime-t-il. Interrogé par Le Parisien, un autre spécialiste conseille néanmoins de "saisir le commissaire-enquêteur qui peut émettre un avis favorable sur un terrain en particulier et suggérer l’annulation du changement de statut au conseil municipal".

L’avis qu’il rend n’est toutefois pas contraignant pour la commune qui peut approuver son PLU sans en tenir compte. En cas de refus, le propriétaire a alors deux mois pour saisir le tribunal administratif, "seul capable de décider de l'annulation d'un PLU en cas d'irrégularité dans la procédure".

Julien Mouret