BFM Immo
Construction

Plan biodiversité : sera-t-il bientôt impossible de construire sa maison?

La moitié de l'artificialisation des sols est liée à l'habitat depuis 10 ans

La moitié de l'artificialisation des sols est liée à l'habitat depuis 10 ans - AFP

En se fixant comme objectif "zéro artificialisation net des sols", le gouvernement a de grandes chances de gripper la construction de maisons individuelles.

C'est une petite bombe qui devrait mettre à mal la promesse de "choc d'offres" du gouvernement en matière d'immobilier. Alors que le projet de loi Elan (pour évolution du logement et aménagement numérique) veut faciliter la construction de logements neufs, le plan biodiversité que vient de présenter le ministre de l'Ecologie Nicolas Hulot va dans la direction… opposée.

L'une des mesures phares du projet consiste en effet à lutter contre l'étalement urbain. "Nous allons fixer l'objectif de zéro artificialisation net des sols", a ainsi promis Nicolas Hulot dans une interview au Parisien. "L'objectif est au minimum de compenser les surfaces artificialisées en désartificialisant des surfaces équivalentes", a précisé le ministre. Certes, le ministère assure qu'il définira, "en concertation avec les parties prenantes, l'horizon temporel à retenir pour atteindre l'objectif zéro artificialisation nette et la trajectoire pour y parvenir". D'ailleurs, les collectivités locales "devront se fixer un objectif de maîtrise ou de réduction de l'artificialisation des sols compatible avec la trajectoire définie au niveau national, tout en tenant compte des spécificités locales", explique le ministère. Aucune date butoir n'est donc encore fixée.

L'argument du ministère de la Transition écologique et solidaire est simple. L'étalement urbain nuit à la biodiversité. Et de citer un chiffre choc : de 2006 à 2015, 66.000 hectares de milieux naturels et de terrains agricoles ont été artificialisés. Ce qui équivaut, au bout de 10 ans, à un département comme la Loire-Atlantique (soit environ 1% de la superficie de la France).

Entre 5 et 9% de la France

Le débat est cependant plus nuancé qu'il n'y paraît au premier abord. Premièrement, les sols artificialisés ne recouvrent pas que les surfaces bétonnées. Ce terme renvoie à toutes les zones qui ne sont ni des forêts ni des terres agricoles ni des terres naturelles. Autrement dit, les jardins et les parcs entrent dans la catégorie… des zones artificialisées. De même pour les chemins de terre. Et c'est loin d'être négligeable. "Les espaces artificialisés sont constitués pour deux tiers de sols imperméabilisés (des sols non bâtis comme les routes, les parkings, ... et des sols bâtis) et pour un dernier tiers de surfaces non imperméabilisées (essentiellement des sols enherbés en périphérie du bâti comme les jardins, les terrains de sport, les chemins de terre, des chantiers...)", explique ainsi le gouvernement sur cette page.

Deuxièmement, en fonction des méthodes retenues, la surface artificialisée en France varie entre 5,6% et 9,3%, comme le souligne l'Inra. Il y a donc urgence à trouver une méthode pour mesurer l'étalement urbain avec plus de précision. En creux, cela signifie aussi que plus de 90% des terres ne sont pas artificialisées dans l'Hexagone.

En revanche, on connaît le premier responsable de la progression de l'artificialisation des sols. Il ne s'agit pas des centres commerciaux en périphérie des villes, souvent vilipendés, mais… du logement. "Près de la moitié des surfaces artificialisées entre 2006 et 2014 l’ont été pour de l’habitat", note ainsi l'Inra. En particulier dans les zones périurbaines. Limiter à zéro l'artificialisation des sols revient donc en pratique à limiter drastiquement voire à interdire la construction de nouvelles maisons individuelles, les immeubles étant généralement construits sur des surfaces déjà artificialisées. Or, les mises en chantier de logements individuels (purs ou groupés) représentent près de 40% de la construction de logements neufs en France en 2017. Il faudra voir dans le détail comment le gouvernement réussira le tour de force de conjuguer l'impératif de construction et celui de limiter l'étalement urbain.

Jean Louis Dell'Oro