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Construction

Quand la reprise des chantiers tourne au calvaire pour les voisins confinés

(Photo d'illustration)

(Photo d'illustration) - Guillaume Souvant - AFP

A Montpellier, de nombreux chantiers ont repris. Les habitants, toujours confinés, en subissent les conséquences.

Meuleuse stridente, vibrations, coups de masse à longueur de journée, ouvriers ne respectant pas les gestes barrière... Depuis la fin mars, la reprise de certains chantiers a fait vivre "un calvaire" à de nombreux Montpelliérains confinés. "Ca a tourné au calvaire: mon mari, mes deux enfants et moi avons totalement craqué parce que les pouvoirs publics ont mis en danger notre santé physique et mentale en nous imposant depuis deux mois de vivre non seulement enfermés, mais aussi dans la poussière et le bruit", déplore Sandra Pouget, locataire dans un immeuble en réfection du centre historique de Montpellier.

"Le télétravail ou le suivi scolaire dans ces conditions, c'est mission impossible", souligne-t-elle devant son immeuble entouré d'échafaudages. "Mais nous avons aussi été exposés à des risques accrus de contagion avec une circulation d'ouvriers sans protection et ne respectant aucun des gestes barrière", s'indigne-t-elle. "On a bien conscience d'avoir provoqué des pétages de plomb chez certains habitants de l'immeuble et voisins", reconnaît Régis, un jeune couvreur occupé à découper des tuiles et dépourvu d'équipement de protection. "Mais il faut nous comprendre, on doit aussi vivre, payer nos loyers...".

"On nous emprisonne, mais on permet à des ouvriers de nous faire vivre un enfer, c'est vraiment sadique", s'emporte Renée, 78 ans, depuis le balcon de son studio, situé au dessus d'un magasin "rénové" au marteau piqueur. "Il y a plein d'ouvriers qui défilent et mettent leurs doigts partout sur la porte d'entrée et dans l'escalier, alors que ce sont les mains qui sont des tueuses dans cette histoire", s'inquiète-t-elle.

Situation stressante

Plusieurs locataires montpelliérains ont aussi raconté à l'AFP se trouver dans une situation paradoxale et stressante: enfermés chez eux, ils ont été sommés pendant le confinement par leur propriétaire de laisser entrer pour des travaux non urgents des ouvriers ne respectant pas les gestes barrière. C'est un plombier qui "harcèle" régulièrement Roxanna Malterre, locataire dans le quartier des Beaux-Arts. "Personne ne me répond sur ce que prévoit la loi à ce sujet pendant cette période d'exception et de risque sanitaire", souligne la jeune femme, atteinte d'un cancer qui la fragilise face au nouveau coronavirus.

Si les gros chantiers montpelliérains sont pour la plupart restés à l'arrêt malgré les injonctions gouvernementales à la profession, sur de nombreux petits chantiers --officiels ou au noir-- en centre-ville à Montpellier, l'AFP a constaté un non respect des règles édictées par le secteur du BTP depuis la pandémie: absence de point d'eau pour se laver les mains ou de gel hydroalcoolique, pas de distanciation physique, absence de masques ou gants… "S'il y a des entreprises qui ne respectent pas les gestes barrière, il faut que ça soit dénoncé", estime Jean-Pierre Garcia, président de la Capeb (entreprises artisanales du bâtiment) Hérault, qui assure que le phénomène est "marginal" et cantonné à des artisans aux trésoreries "extrêmement fragiles" ou aux "chantiers au noir qui échappent à tout le monde".

Le sujet de la protection individuelle

"Le gouvernement nous a dit de reprendre le travail mais nous a complètement abandonnés sur le sujet de la protection individuelle pour nos salariés, pour nous-mêmes et pour nos clients, on a dû se débrouiller par nous-mêmes", dit Jean-Pierre Garcia. Les organisations professionnelles, qui ont commencé à organiser des distributions de masques, "ont immédiatement sensibilisé sur les risques de poursuites pénales pour fautes inexcusables de l'employeur ou mise en danger de la vie d'autrui en cas de reprise de chantiers sans protection et sans respect des gestes barrière", ajoute-t-il, assurant que la profession fait remonter "chaque semaine" les cas de certains chantiers à la préfecture.

La préfecture de l'Hérault assure pour sa part n'avoir reçu que deux signalements depuis le début du confinement. "Dès le lendemain", a-t-elle précisé à l'AFP, "le préfet a ordonné des contrôles de l'inspection du travail qui ont donné lieu à des rappels des règles et des consignes aux entreprises" concernées.

Avec AFP

D. L.