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Airbnb: La Cour de cassation donne raison à la ville de Paris

Locations touristiques: victoire de la ville de Paris

Locations touristiques: victoire de la ville de Paris - Olivier Morin - AFP

Dans la guerre qui oppose Airbnb à la ville de Paris, cette dernière avait remporté une bataille décisive en septembre dernier devant la Cour de justice de l'Union européenne. Paris vient d'en remporter une nouvelle devant la Cour de cassation. Pourtant, la ville de Paris pourrait avoir du mal à appliquer son dispositif.

"La Cour de cassation vient de se prononcer. Victoire totale de la Ville de Paris face à Airbnb et aux fraudeurs qui louent leur logement illégalement: nos outils de régulation sont reconnus conformes au droit européen! Une bataille de 5 ans devant les tribunaux". Ian Brossat, adjoint à la mairie de Paris en charge du logement, s'est réjoui sur Tweeter de la victoire de la ville de Paris face à Airbnb.

En septembre dernier, la justice européenne avait validé la loi française qui régule les locations de courte durée. Dans son arrêt, la Cour de justice de l'UE estimait qu'"une réglementation nationale soumettant à autorisation la location, de manière répétée, d'un local destiné à l'habitation pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile est conforme au droit de l'Union". Elle ajoutait: "La lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée constitue une raison impérieuse d'intérêt général justifiant une telle réglementation". La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) invitait la cour de Cassation à trancher de nombreux points. Ce jeudi 18 février, c'est chose faite.

La Cour de cassation a jugé sa réglementation conforme au droit européen, "proportionnée" et justifiée pour lutter contre la pénurie de logements destinés à la location. Cette décision favorable va permettre à la capitale française de reprendre les poursuites judiciaires - qui étaient jusqu'ici suspendues dans l'attente de cette clarification de la Cour de cassation- contre 420 bailleurs, auxquels elle réclame en moyenne 50.000 euros, soit un total de 21 millions d'euros d'amendes.

Changement d'usage

En cinq arrêts rendus jeudi dans des affaires opposant des bailleurs à la municipalité, la Cour de cassation a jugé que le dispositif d'autorisation préalable adopté par la capitale pour réguler les locations touristiques de courte durée était clair, adapté à la nécessité de lutter contre la pénurie de logements destinés à la location et n'était ni "arbitraire", ni "disproportionné", selon les décisions mises en ligne.

Le bailleur doit ainsi procéder à un "changement d'usage" du logement, soumis à une autorisation préalable de la municipalité, s'il veut louer un "local meublé" pour "une durée inférieure à un an", à "la nuitée, la semaine ou au mois, à une clientèle de passage". La Cour de cassation a validé le mécanisme très contraignant dit de "compensation": une autorisation n'est délivrée au propriétaire souhaitant dédier une résidence secondaire à la location touristique de courte durée, que s'il achète un local commercial de surface équivalente -voire double dans certaines zones-, pour le transformer en habitation, afin de compenser la "perte de logement".

Des sanctions difficiles?

Mais pour le cabinet d'avocats Demeuzoy, qui représente plus de 120 propriétaires sur les 400 affaires en cours, la mise en place des sanctions pourraient être plus compliquée que prévu pour la ville de Paris. En effet, l'article L631-7-1 du Code de construction et de l'habitat note que : "L'autorisation préalable au changement d'usage est délivrée par le maire de la commune dans laquelle est situé l'immeuble, après avis, à Paris, Marseille et Lyon, du maire d'arrondissement concerné. Elle peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage". Dalloz précise qu'"au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation (CCH), un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970".

Or un autre arrêt de la Cour de cassation a été rendu ce 18 février. La Cour de cassation confirme et durcit sa jurisprudence récente sur la question de la preuve de l’usage d’habitation du local. Dorénavant, la ville de Paris devra démontrer l'usage d'habitation d'un logement au 1er janvier 1970. Pour cela, elle s'appuie sur la déclaration H2 qui permet de recenser les constructions nouvelles et d'établir leur valeur locative cadastrale. Mais ce ne sont pas des données que la ville de Paris a toujours. A BFM Immo, Xavier Demeuzoy précise que "la Ville de Paris doit être prudente dans sa démonstration de l’usage d’habitation du local, sans quoi le mécanisme ne peut être activé. En l’occurrence mon cabinet connaît de très nombreux dossier dont l’usage au 1er janvier 1970 n’est pas rapporté. Mon cabinet ne manquera pas de faire valoir cet argument et d’autres encore pour contester ces assignations de la Ville de Paris !"

De son côté, Airbnb a déclaré : "Nous prenons acte de cette décision, qui confirme un cadre réglementaire applicable depuis déjà plusieurs années. Airbnb n’est pas partie de cette affaire et l’écrasante majorité des hôtes sur Airbnb à Paris partage leur résidence principale. Airbnb souhaite être un partenaire pour les villes sur le long terme. La plateforme a ainsi annoncé la semaine dernière une série d’engagements forts afin d’assurer le respect des réglementations locales par les hôtes et de participer à la relance d’un tourisme responsable en France".

Diane Lacaze