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Airbnb ne publie plus ses comptes en France

Airbnb n'a pas publié ses comptes en 2017

Airbnb n'a pas publié ses comptes en 2017 - AFP

EXCLUSIF La filiale française du champion de la location saisonnière a décidé de ne pas déposer ses comptes pour l'année 2017. Pourtant, la loi l'y oblige.

Pour vivre heureux, vivons cachés. C'est le nouveau credo du leader de la location saisonnière entre particuliers, tout du moins en ce qui concerne ses revenus hexagonaux ou les impôts qu'il verse au fisc. Airbnb a en effet décidé de ne plus déposer ses comptes en France. Le 4 septembre, le greffe du tribunal de commerce n'avait toujours pas reçu les comptes annuels de la société pour l'exercice comptable clos le 31 décembre 2017. Et il peut attendre encore longtemps…

La filiale Airbnb France avait pourtant jusqu'ici pris l'habitude de déposer ses comptes chaque année, comme la loi l'impose. Virage à 180 degrés en 2018. "Comme de nombreuses entreprises, nous évoluons dans un contexte très concurrentiel. Nous avons comme elles pour règle, de ne pas révéler ou commenter certaines informations financières sensibles liées à notre activité", explique sobrement Airbnb lorsqu'on l'interroge à ce propos.

Des loyers qui transitent par l'étranger

"Airbnb paye exactement les impôts dus, dans tous les marchés où la plateforme opère, et travaille étroitement avec l’administration fiscale sur l’ensemble des sujets fiscaux liés à l’activité de notre communauté en France, comme l’illustre la collecte automatique de la taxe de séjour", se justifie également la plateforme.

En réalité, le groupe a surtout choisi une option radicale pour éviter les scandales à répétition sur le montant ridiculement bas du chiffre d'affaires déclaré en France ou des impôts payés sur ses bénéfices. Du fait d'un montage très particulier, l'argent payé par les clients de la plateforme pour chaque location n’est pas encaissé par la filiale française mais par des sociétés implantées à l'étranger. Les contrats de location pour les utilisateurs en France sont en effet signés avec Airbnb Ireland UC à Dublin et les transferts d'argent passent par Airbnb Payments UK Ltd à Londres. Autrement dit, la filiale française n'est qu'un "simple" bureau fournissant des services de marketing pour la maison-mère.

92.944 euros d'impôt versé en 2016

Aussi, Airbnb France n'affichait en 2016, lors de son dernier exercice comptable publié, qu'un modeste chiffre d'affaires de 5,1 millions d'euros pour 237.980 euros de résultat net. Le groupe n'avait alors versé que 92.944 euros d'impôt sur les bénéfices. A l'époque Emmanuel Marill, le directeur général d'Airbnb France, assurait au cours d'une interview à BFM Business que la plateforme avait "reversé aux Français un peu plus d'un milliard d'euros en 2016". Ce qui reviendrait à dire, avec l'hypothèse d'une commission moyenne à 12% par location, qu'Airbnb récupérait autour de 136 millions d'euros de commissions sur les locations réalisées en France.

La même année, Airbnb Payments UK Ltd, qui récupère les commissions pour toutes les locations Airbnb réalisées en dehors des Etats-Unis, de la Chine et de l'Inde (comme l'explique Airbnb dans ses conditions générales), déclarait un chiffre d'affaires de 194,5 millions de dollars, soit environ 175 millions d'euros au cours moyen du dollar en 2016. Les comptes d'Airbnb Payments UK Ltd pour 2017 ne sont pas encore disponibles.

Airbnb a-t-il le droit de ne plus déposer ses comptes ? Toute entreprise implantée en France a l'obligation de déposer chaque année ses comptes sociaux au registre du commerce et des sociétés (RCS), notamment les sociétés à responsabilité limité à associé unique, statut choisi par Airbnb France. C'est ce que précise l'article L232-21 du Code de commerce. Toute infraction à cette obligation peut être sanctionnée d'une amende de 1 500 euros. Par ailleurs, "lorsque les dirigeants d'une société commerciale ne procèdent pas au dépôt des comptes annuels dans les délais prévus par les textes applicables, le président du tribunal peut (…) leur adresser une injonction de le faire à bref délai sous astreinte", détaille l'article L611-2 du Code de commerce. Mais de nombreuses entreprises préfèrent payer l’amende, voire l’astreinte exigée par la justice plutôt que de lever le voile sur leurs performances financières et les éventuels montages d’optimisation fiscale qu’on peut en déduire.

Ce manque de transparence est d'autant plus paradoxal qu'à partir de 2019, Airbnb, comme les autres plateformes de location, aura l'obligation de transmettre automatiquement au fisc français les revenus perçus par ses utilisateurs.

Jean Louis Dell'Oro