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Copropriétaires et mal-logés, les pistes de la Fondation Abbé Pierre

Le compte bancaire des copropriétés à nouveau sur la sellette

Le compte bancaire des copropriétés à nouveau sur la sellette - dr

Le rapport de la Fondation Abbé Pierre propose une série de mesures à appliquer dans les quelque 800 000 logements situés dans des copropriétés dites « fragiles ».

Imposer le compte séparé aux syndics de copropriété pour lutter contre le mal-logement ? L’idée peut surprendre, mais elle figure dans le projet de la Fondation Abbé Pierre pour « un véritable changement d’orientation des politiques du logement en France ». Présenté mercredi à Paris, le document dresse une liste de pistes à explorer pour en finir avec le mal-logement, « réel problème de société » dont l’association rappelle qu’il n’est plus circonscrit aux seules personnes à la rue ou privées de domicile personnel, mais touche actuellement, à des degrés divers, plus de 10 millions de personnes. Parmi elles les locataires expulsés ou en passe de l’être*, mais aussi plusieurs milliers de petits propriétaires – et copropriétaires - en situation précaire. S’appuyant sur des chiffres du ministère du Logement, la Fondation recense « 357 000 propriétaires occupant des copropriétés en difficulté », pour un total d’environ 800 000 logements situés dans des copropriétés « sans confort », pouvant par conséquent être qualifiées de « fragiles ».

« Les copropriétés en difficulté logent souvent des ménages vulnérables et modestes qui ne trouvent pas à se loger dans le parc social, explique le rapport. L’enjeu ne se situe pas seulement dans l’amélioration du système de la copropriété (même si elle est indispensable) ; il faut parallèlement que les propriétaires et les locataires puissent trouver des solutions en termes de solvabilisation et de sécurisation ».

Cadre préventif

A cette fin, l’association préconise la mise en œuvre d’« un cadre préventif » permettant d’« éviter que des copropriétés ne basculent trop vite dans les difficultés ». Trois leviers d’action sont notamment identifiés :

  • - La constitution de provisions pour gros travaux. La Fondation note qu’attacher la provision au lot, et non à la personne, permettrait de garantir la conservation du patrimoine ;
  • - Un plan pluriannuel de travaux ;
  • - L’ouverture de comptes bancaires séparés par les syndics.

Même si les comptes séparés sont officiellement obligatoires depuis l’entrée en vigueur de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU), de nombreux syndics regroupent les comptes des différentes copropriétés qu’ils gèrent dans un compte unique. La bataille fait rage depuis plusieurs années entre les défenseurs et les opposants au compte unique, ces derniers ayant gagné des points au moment de l’affaire Urbania. Militant farouche du compte séparé, l’Association des responsables de copropriétés (ARC) estime qu’« il est un premier pas vers la transparence financière, puisqu’il permet aux copropriétaires de s’assurer que les fonds qui sont placés sur leur compte ne sont pas utilisés pour autre chose que pour la gestion courante de leur copropriété ». Patrick Doutreligne, porte-parole de la Fondation Abbé Pierre, explique pour sa part que « le recours au compte unique peut retarder le moment de la prise de conscience de la dégradation de la situation financière d’une copropriété donnée. Or, c’est souvent parce que les problèmes sont identifiés trop tard et s’accumulent que des décisions radicales (coupure d’eau, etc.) doivent être prises. La question du compte séparé ne permettra pas, à elle seule, de résoudre la question du mal-logement dans les copropriétés, mais elle peut y contribuer », ajoute-t-il.

Évolution du cadre juridique

Plus généralement, le rapport préconise une évolution du cadre juridique de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, qui « n’est pas toujours adaptée ni adaptable au projet d’une copropriété », et à ce titre « handicape fortement l’action publique.

La Fondation recommande enfin de dissocier la gestion des parties communes des immeubles de celle des parties individuelles, « sachant qu’un système de gestion publique des parties communes par une société d’économie mixte pourrait aussi être envisagé dans les cas difficiles ».

*En 2010, plus de 113 485 ménages ont vu leur bail résilié par décision de justice, en augmentation de 35 % depuis 2002, et 11 670 expulsions ont été réalisées avec le concours de la force publique, ce qui traduit une augmentation de 55 % depuis 2002

Emmanuel Salbayre