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"Débat réseaux de mandataires-agents immobiliers: dire la vérité"

Selon ERA, les mandataires n'importent pas l'exemple américain

Selon ERA, les mandataires n'importent pas l'exemple américain - dr

Une tribune de François Gagnon, le président d’ERA France et ERA Europe, sur les réseaux d'agents commerciaux mandataires immobiliers.

Depuis quelques temps, un débat houleux agite la communauté des agents immobiliers concernant le développement de réseaux nationaux ou régionaux d'agents commerciaux mandataires. A ce sujet, j'ai le sentiment qu'on refait l'histoire et qu’on se paie de mots. Tout se passe comme si ces réseaux incarnaient la modernité, alors que le modèle des agences immobilières dites « traditionnelles » représenterait l'académisme dépassé, périmé, voué à disparaître et tout au plus sympathique. Tout se passe comme si ces réseaux de mandataires importaient et développaient tardivement l'exemple américain, par définition remarquable. Et tout se passe comme si en France, la règlementation devait prendre acte de cette lame de fond et s'adapter sous peine de périr.

France vs USA

Je m'inscris en faux contre cette vision car la réalité américaine d'abord et ensuite l'inspiration et les commentaires qu'elle a suscités méritent qu'on y regarde de près.

Il est tout d’abord important de faire la distinction entre le statut d’agent commercial en France et son homologue américain. Aux Etats-Unis, ce statut est non seulement reconnu par les diverses autorités gouvernementales, mais aussi par les institutions qui réglementent la profession et qui les légitiment en leur permettant d’obtenir un permis de négociateur.

En France, le statut d’agent commercial est validé par la loi Hoguet. Mais il s’agit là d’un statut d’indépendant généraliste, prévu par une autre réglementation. Or, de par cette même loi Hoguet, tout agent commercial doit être titulaire d’une attestation délivrée à la demande de l’agent immobilier qui demeure toujours responsable des actes accomplis par celui-ci. Cette situation suppose forcément un contrôle de l’agent immobilier sur les actes de cet agent indépendant, mais s’il y a des contrôles et des obligations, il y a aussi le risque de requalification de celui-ci en salarié. Et ce d’autant plus qu’il n’existe aucune obligation légale attestant de sa compétence. Où commence le contrôle et où s’arrête l’indépendance ?

Aux Etats-Unis, contrairement à ce qu'on laisse accroire, cette problématique n’existe pas. La réglementation de la profession est d'une grande rigueur et garantit au consommateur sécurité, qualité et efficacité. Les agents immobiliers exercent sous couvert d'une licence émise par l'Etat, délivrée sur justification du suivi d’une formation professionnelle agréée. Les agents commerciaux sont eux-mêmes titulaires d'une carte spécifique, dont la délivrance est également conditionnée par le suivi d'une formation adaptée, mais leur commanditaire, l'agent immobilier en titre, demeure responsable de leurs agissements et doit, en tout état de cause, les contrôler. Et ceci sans risque de requalification puisque la licence de négociateur implique par définition le travail sous le contrôle d’un agent immobilier, car il en est responsable.

Ce dispositif légal est complété par l'organisation de l'activité et du marché par la profession elle-même, avec le fameux MLS (multiple listing service). Ce fichier des mandats exclusifs, géré par des associations locales, constitue le portefeuille de la quasi-totalité des professionnels et impose sans le vouloir une sorte d’équilibre concernant les honoraires. En effet, puisque les commissions sont partagées entre le détenteur du mandat exclusif (rentrée) et celui qui amène l’acquéreur (sortie), les honoraires trop bas pénalisent directement les biens qui sont moins rémunérés pour le professionnel et qui sont par la même moins visités… Donc, non seulement la question des agences « low cost » ne se pose pas mais le système MLS équilibre les honoraires de façon indirecte.

Au bout du compte, cette double référence à des obligations règlementaires d'un côté et à des exigences professionnelles de l'autre rassure le public : les problèmes les plus lourds, fraudes, détournements de fonds, sont tranchés par la justice dans des délais brefs et les manquements à l'orthodoxie professionnelle, à l'éthique, à la déontologie sont réglés par les associations locales responsables du MLS. Puisque en moyenne plus des 2/3 du chiffre d’affaires d’une agence est fait par l’intermédiaire du MLS, nul n’a intérêt à se mettre en porte-à-faux et à se retrouver exclus du MLS pour une période de 2, 3 voire 6 mois, ce qui pourrait être catastrophique pour l’agence.

Alors qu'en est-il, dans ce contexte, des réseaux d'agents commerciaux aux Etats-Unis? Oui, ils existent, et c'est une franchise qui a créé le concept il y a 35 ans. Autant dire que ce n'est pas une nouveauté, et que l'évocation de cette origine en dit long : la logique de base est fondamentalement différente de celle des réseaux français, qui ne sont en rien des franchises.

Quand ce système a démarré aux Etats-Unis, c’était plutôt un service de location de bureaux et de logistique professionnelle proposé aux agents commerciaux, au sein même des agences de la marque. Les agents commerciaux, moyennant une redevance d’environ 750 $ qui pouvait aller jusqu'à 2.500 $ par mois, bénéficiaient de ce service. En clair, loin de construire des réseaux de vendeurs "debout", éparpillés sur le territoire à des centaines de kilomètres de l’agence, ce système fonctionnait conjointement avec les agents commerciaux traditionnels et ne pouvait être accepté que par les négociateurs les plus performants, compte tenu de ces coûts dissuasifs.

Les faiblesses de la loi Hoguet

On voit bien ainsi les différences entre le modèle anglo-saxon et sa prétendue transposition en France. Alors que dans le système américain ces réseaux de négociateurs indépendants sont fondés sur le contrôle, la sélection et la formation, les réseaux de mandataires français en ont fait une forme dégradée et permissive de l'exercice de la profession. En cela, ils ont exploité les faiblesses de la loi Hoguet, qui permet le recours aux agents commerciaux sans vraiment organiser ou clarifier ce statut d’indépendant au regard des spécificités de la profession. D'ailleurs, c'est cette image d'un service à faible valeur ajoutée qui a été spontanément attachée à ces réseaux, et dont ils tentent de se défaire à toutes forces, en soutenant qu'ils partagent les valeurs des agences traditionnelles.

Les réseaux de mandataires français recrutent leurs négociateurs agents commerciaux en visant le nombre par priorité: la conséquence immédiate de cette démarche est, en premier lieu, un turn-over extrêmement important. Et en deuxième lieu une différence de profil très nette pour ces travailleurs indépendants qui ont, pour la plupart, une autre activité, et peuvent se contenter de quelques ventes par an. Intermittents de l'immobilier, ils ne visent pas la spécialisation ni l'expertise.

Quel avenir pour les agences ?

Alors, quel avenir pour ces réseaux en France? Quel avenir pour les agences? Gardons-nous du manichéisme: les agences immobilières ont survécu aux crises, qui ont tant affecté ces réseaux aux Etats-Unis, puisque leurs adhérents n’avaient plus les moyens de se payer cette mensualité onéreuse dans un marché difficile. Les agences ont intégré l'Internet et la dématérialisation relative du service. Elles se sont ajustées à la baisse du pouvoir d'achat des ménages et ont aujourd’hui vocation à développer leurs parts de marché, auprès de consommateurs de plus en plus exigeants en apportant de plus en plus de services. On aurait tort de les ranger sur l'étagère des objets économiques du passé.

Les réseaux de mandataires "à la française" s'adressent à une clientèle différente, moins regardante sur les services et leur qualité, encline à se passer de l'intermédiation professionnelle. A ce titre, les parts de marché des professionnels et des transactions de particulier-à-particulier se repartissent de 40 à 60% pour un coté ou l’autre dépendant de la région et à qui vous posez la question. Les réseaux de mandataires attirent une clientèle qui serait plutôt portée à travailler directement avec un particulier et donc n’enlève pas de parts de marché aux professionnels qui continuent à proposer leurs services à une clientèle qui demande plus de professionnalisme, plus de service et plus de compétence.

Si on analyse le marché américain du point de vue des rapports de concurrence entre les agences classiques et les agents commerciaux, on découvre que la complémentarité bien pensée l'emporte sur la concurrence à tout-va. Le taux de pénétration des professionnels, de l'ordre de 95% aujourd'hui, a été consolidé par cette cohabitation entre agences et commerciaux indépendants. En clair, deux modèles économiques et professionnels, pour deux clientèles distinctes, mais également soucieuses d'être accompagnées et de ne pas prendre le risque de la transaction entre particuliers.

Si vous souhaitez établir un comparatif entre les revenus des négociateurs indépendants appuyés par une agence immobilière et ceux proposés par ces réseaux de mandataires offrant un pourcentage de rémunération plus élevé, vous pouvez visionner une vidéo toute simple à but pédagogique, réalisée par ERA, qui permet de clarifier les différences entre ces deux modèles et l’intérêt respectif des deux options proposées au négociateur agent commercial.

Cette vidéo peut être vue sur : www.ongagnera.com

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