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Depuis 30 ans, les loyers HLM s'envolent quand les revenus des locataires baissent

Le secteur du logement social est sommé par le gouvernement de se réformer

Le secteur du logement social est sommé par le gouvernement de se réformer - AFP

L'équation budgétaire pour les organismes HLM et leurs locataires est de plus en plus compliquée.

Les loyers des logements HLM sont-ils trop élevés ? Le niveau des loyers du logement social, discuté dans le cadre de la réforme imposée au secteur, constitue depuis des décennies une équation difficile à résoudre pour les bailleurs: trop bas, il limite les recettes, trop haut, il contredit ses visées sociales.

"Ca fait très longtemps qu'on en parle: depuis 15 ans, toute la technocratie française s'épuise sur ce système", résumait mercredi Vincent Mahé, secrétaire général de CDC Habitat, l'une des filiales immobilières de la Caisse des dépôts et l'un des principaux bailleurs sociaux. Il s'exprimait lors d'une table ronde consacrée au sujet - qualifié d'"équation compliquée" par plusieurs intervenants - au deuxième jour du congrès annuel des organismes HLM. Il se tient à Marseille dans un contexte marqué par d'importantes réductions de loyers imposées au logement social par le gouvernement. Celles-ci sont sans conséquence pour les locataires, puisque l'exécutif baisse parallèlement les aides au logement dans le secteur.

"Il y a un vrai sujet au niveau des loyers", a résumé Yannick Borde, à la tête du réseau Procivis - l'une des familles du monde HLM. "L'évolution des loyers suit l'évolution de l'économie (mais) c'est complètement décorrélé des revenus des locataires".

Depuis 30 ans, selon les chiffres rapportés par les intervenants, les revenus des locataires du parc social baissent légèrement alors que les loyers bondissent de quelque 70%. Ils ont néanmoins augmenté moins rapidement que l'inflation. Depuis janvier 1990, l'indice des prix à la consommation a ainsi progressé de 96%.

La baisse des revenus des locataires s'explique notamment par la progression du taux de propriétaires en France. De 1998 à 2015 par exemple, la part des ménages détenant leur résidence principale est passée de 56,1 à 58,9%. Aussi, ce sont souvent les locataires les plus aisés, y compris en provenance du parc social, qui ont pu acheter.

Un problème de recettes

Le sujet s'avère inconfortable pour le logement social, d'autant plus qu'il voit ses marges de manoeuvre financières réduites par le gouvernement: si les bas loyers correspondent à sa promesse sociale, ils affectent directement sa principale source de recettes.

Le secteur surveille attentivement le gouvernement qui s'est réservé le droit de légiférer par ordonnance sur la question des loyers, plutôt que l'intégrer dans le projet de loi sur logement en train de passer sa dernière ligne droite législative. "Est-ce qu'on légifère sur le logement social ou tout le parc privé? Il y a un certain flou qui règne sur le champ couvert par l'ordonnance", prévenait en septembre Marianne Louis, directrice générale de l'Union sociale pour l'habitat (USH), confédération du secteur HLM.

Plusieurs pistes sont débattues dans le secteur. Faut-il accentuer la modulation des loyers en fonction des revenus des locataires? A priori logique, cette solution fait grincer des dents certains organismes. "Ca voudrait dire que les moins pauvres des pauvres paient pour les pauvres", estimait mercredi Marie-Christine Detraz, déléguée à l'habitat de l'agglomération de Lorient.

Loyer unique à Rennes

Dans la logique inverse, Mme Detraz évoquait l'expérimentation à Rennes d'un niveau unique de loyer dans le logement social afin de favoriser la "mixité sociale". Cette "politique considère que le parc social reste un facteur de ségrégation", explique à l'AFP Anne-Katrin le Doeuff, du cabinet Espacité, promoteur de cette piste. "En fonction de l'âge des bâtiments et de leur localisation, les loyers ne sont pas les mêmes".

Néanmoins, cette mesure fait des mécontents à Rennes. Deux associations de locataires, Consommation logement cadre de vie (CLCV) et la Confédération nationale du logement (CNL), regrettent une "fausse bonne idée" qui pousse les bailleurs à augmenter leurs loyers en moyenne.

Autre piste surveillée par les bailleurs avec une certaine inquiétude, le gouvernement envisage, dans le cadre de son plan pauvreté, de mettre en place un "revenu universel d'activité", comprenant les APL, qui dessaisirait de fait les bailleurs d'un contrôle sur les loyers. "Aujourd'hui, nous bailleurs sociaux percevons directement l'APL, (ce qui) permet de contenir les impayés de loyer" alors qu'avec une allocation unique, les locataires récupéreraient la main, expliquait mercredi Amélie Debrabandère, directrice générale de Lille Métropole Habitat.

(Avec AFP)

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