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Immobilier: le marché locatif de particulier à particulier est-il vraiment menacé?

Le projet de loi Nogal fait grincer des dents

Le projet de loi Nogal fait grincer des dents - Gerlat Pixabay

La proposition de "loi Nogal", qui vise à "pacifier" les rapports entre locataires et propriétaires, pousserait les propriétaires à davantage faire appel à des agents immobiliers. Ce que dénonce avec vigueur PAP, le leader des annonces de particulier à particulier.

Le vrai sujet de crispation de la proposition de loi Nogal est la première des mesures, la consignation du dépôt de garantie. Ce chèque de caution équivalent à un mois de loyer était jusque-là quasi-systématiquement encaissé par les propriétaires. Le député Mickael Nogal veut confier aux administrateurs de biens (pour la plupart des agents immobiliers) le soin de récupérer les dépôts de garantie, y compris même dans le cas des locations qui se passent en direct de particulier à particulier.

Des administrateurs qui iront placer cet argent sur un compte séquestre. L'idée est de faire intervenir un tiers pour dépassionner le débat et résoudre le problème de méfiance qui entoure ce sujet et la restitution ou non de ce fameux chèque de caution. Parmi les opposants à cette idée, PAP.fr le célèbre site de petites annonces et de services pour l'immobilier entre particuliers. Une véritable institution qui dénonce vigoureusement les intentions du députés Mickaël Nogal et cette stigmatisation du marché entre particuliers.

Une grille de vétusté unique et officielle

Corinne Jolly, la présidente de PAP remet intégralement en cause la première mesure proposée par Mickaël Nogal. Le principe même de la consignation du dépôt de garantie d'abord: "le vrai problème avec le dépôt de garantie, car il y en a, c'est le cadre et les sanctions. Si les règles et les sanctions concernant la restitution ou non du dépôt de garantie étaient plus claires, cela serait beaucoup plus efficace". La patronne de PAP cite notamment l'idée d'une grille de vétusté unique et officielle qui permettrait de définir les responsabilités de chacun dans l'entretien des logements. "Faire intervenir un tiers c'est une manière peu efficace et coûteuse de se débarrasser du problème", explique Corinne Jolly. "C'est un peu comme la circulation. Soit vous rédigez un code de la route précis pour les voitures, les scooters, les vélos, les trottinettes, avec des sanctions claires, soit vous laissez faire et mettez des policiers à chaque coin de rue. C'est malheureusement pour cette 2ème option que penche le député Nogal et le gouvernement".

De plus, la patronne de PAP s'interroge sur le rôle des administrateurs de biens: "Quitte à faire intervenir un autre interlocuteur, pourquoi ne pas avoir choisi de créer un organisme public comme on a pu l'évoquer au départ ? Et si c'était trop compliqué, les notaires incarnaient selon elle des tiers plus impartiaux que les administrateurs de biens". Corinne Jolly déplore: "On est parti du principe qu'il fallait par défaut se méfier des gens mais qu'il fallait par défaut faire confiance aux professionnels. Certains pourraient facturer la consignation du dépôt de garantie", avance-t-elle. "La plupart devraient en tout cas en profiter pour capter de nouveaux clients qui jusque-là géraient eux-mêmes la location de leurs biens".

"Il y a une hostilité affichée du gouvernement"

Car il est aussi là le fonds du sujet. Le marché de particulier à particulier représente aujourd'hui les deux tiers du parc locatif privé. En devenant des interlocuteurs incontournables, les professionnels pourraient très vite capter ces particuliers et de nouvelles parts de marché. "C'est un danger", reconnaît Corinne Jolly, qui dénonce presque davantage l'état d'esprit du législateur plutôt que sa loi. "Il y a une hostilité affichée du gouvernement contre ce marché de particulier à particulier".

Invité sur BFM Business en début de semaine et interrogé sur ce sujet précis, Mickaël Nogal est effectivement clairement allé dans le sens des professionnels. "J’ai la conviction qu'un marché plus intermédié par les professionnels c'est un gage de confiance pour les propriétaires et les locataires. Ce sera moins discriminant. On voit plus de discrimination pour le marché de particulier à particulier que dans le marché géré par des professionnels" a-t-il assuré citant notamment des études sur le sujet.

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Des études contestées par la patronne de PAP qui préfère elle mettre en avant le coût des administrateurs de biens pour les particuliers : "environ 7 à 8% des loyers perçus auquel il faudra sans doute ajouter pas loin de 3% pour la garantie contre les impayés qui sera incluse dans le nouveau mandat de gestion prévu lui aussi dans la proposition de loi Nogal. Corinne Jolly s'agace: "Il faudrait peut-être le dire aussi ça. Passer par un administrateur et souscrire à ce nouveau mandat vous coûtera sans doute 10%! Je ne suis pas certaine qu'à la fin les propriétaires et les locataires y gagneront".

Marie Coeurderoy