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La "France des propriétaires" affronte ses 8,2M de mal-logés

Le mal-logement gagne du terrain

Le mal-logement gagne du terrain - dr

L’association Abbé Pierre vient de rendre son rapport annuel sur le mal-logement, dans lequel elle dresse un bilan accablant : 8,2 millions de personnes sont, à divers degrés, touchés par le mal-logement.

Voilà des données qui entament sérieusement la « France des propriétaires », chère à Nicolas Sarkozy. L’Abbé Pierre s’interroge en effet sur la pertinence d’atteindre 70 % de propriétaires en France, alors que 3,6 millions de personnes sont pas ou très mal logées, et que 5,1 millions sont « en situation de réelle fragilité à court ou moyen terme ». En effet, selon elle, « est-il opportun, en ces temps de crise, de faire de l’accession à la propriété la pierre angulaire de la politique du logement » ? La multiplication des aides à l’accession est passée également à l’épreuve du feu : selon le rapport, « les ménages modestes et les classes moyennes ont eu de plus en plus de difficultés à devenir propriétaires », en dépit du prêt à taux zéro, du Pass-foncier ou de l’allègement de TVA. Ils représentaient 45 % des acquéreurs en 2003, pour n’être plus que 30 % aujourd’hui, selon le Crédoc.

Un endettement toujours plus lourd

L’association parvient au lourd constat que « la part des ménages modestes parmi les accédants récents n’a cessé de décroître au cours des quinze dernières années ». Un phénomène qui a pour corollaire un endettement toujours plus lourd : « le montant moyen (des crédits immobiliers) a augmenté de 75 % depuis le début des années 2000 », analyse l’Abbé Pierre. Sans compter le fait que le caractère héréditaire de la propriété ne cesse de se renforcer : « près de neuf ménages sur 10 qui ont accédé pour la première fois à la propriété au cours de ces 5 dernières années avaient des parents propriétaires de leur résidence principale », conclut l’association.

Une « France des propriétaires peu louable » ?

Mais la volonté du gouvernement de caresser le rêve d’une France du « tous propriétaires », aussi louable soit-il, est ici remis en cause. L’association épingle le « risque de mettre des propriétaires, notamment les plus modestes, en difficulté et de générer des effets urbains, immobiliers et sociaux particulièrement préoccupants ». La part d’emprunt passe de 3,4 années de revenu pour les ménages à 5,3 entre la fin des années 1990 et le milieu des années 2000 ; 2 ménages modestes sur trois achètent en zone C (rurale) et contribuent à l’étalement urbain, ou encore le nombre alarmant d’impayés : 1,25 million selon l’association.

Réflexion philosophique

L’association invite en définitive à une véritable réflexion philosophique sur le logement et la propriété. Elle s’interroge notamment sur le postulat qu’ « être propriétaire est une sécurité ». Un système qui contribue selon elle « à mettre en place un système particulièrement inégalitaire puisque la protection des individus serait alors indexée sur la propriété dont la valeur est éminemment variable ».

Léo Monégier