BFM Immo
Immobilier

Loi Lefebvre : Le mandat exclusif pourrait être préservé

30 % des mandats signés aujourd'hui seraient exclusifs

30 % des mandats signés aujourd'hui seraient exclusifs - dr

La mort annoncée du mandat exclusif, par lequel le propriétaire d’un bien immobilier ne confie la vente de son bien qu’à un seul et unique agent immobilier, pourrait finalement ne pas avoir lieu. Le projet de loi Lefebvre, unanimement décrié par les agents immobiliers, devrait être amendé.

Les agents immobiliers reprennent espoir. Le député UMP Daniel Fasquelle, rapporteur de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, s’est engagé à proposer un amendement au projet de loi sur la protection de consommateurs.

Initié par le secrétaire d’Etat au Commerce, Frédéric Lefebvre, et validé en première lecture par les députés le 11 octobre dernier, le texte a mis l’ensemble de la profession immobilière en émoi : il s’attaque notamment au mandat exclusif, dont il réforme en profondeur la pratique. En empêchant sa tacite reconduction mais aussi, et surtout, en supprimant la clause pénale, qui oblige un vendeur réalisant lui-même sa vente à verser une indemnité à l’agent avec lequel il a signé un mandat exclusif. « Une mesure assassine », selon René Pallincourt, le président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), qui estime que « partager l’exclusivité revient ni plus ni moins à l’annuler ».

Plus d’éthique et de confiance

Pourquoi un tel attachement au mandat exclusif, dont la pratique reste encore largement minoritaire en France* ? On comprend aisément qu’un agent qui est le seul à s’occuper d’un bien, est assuré de toucher les honoraires de sa vente. Mais les motivations des réseaux ne sont peut-être pas si vénales… Ainsi la Fnaim, co-auteur à l’automne d’un « Livre blanc pour une réforme des professions immobilières », fait valoir que le mandat exclusif instaure « une relation de confiance » entre les parties, et permet au vendeur d’exiger un engagement de l’agence « sur les méthodes et moyens mis en œuvre pour aboutir à la vente ».

L’argument est repris par François Gagnon, le président d’Era Europe et Era France, qui estime pour sa part que « la suppression du mandat exclusif ramènerait le métier d’agent immobilier au Moyen Âge. Ce dont nous et nos clients avons besoin, c’est de plus de transparence, d’ouverture, de communication et de partage. Sans mandat exclusif, les agents ne collaboreront pas puisqu’ils courront le risque de voir une vente leur passer sous le nez ».

« Je suis persuadé que M. Lefebvre a voulu bien faire, cependant il n’a pas pris le problème dans le bons sens, poursuit M. Gagnon. Certains agents immobiliers peu scrupuleux n’hésitent pas à prendre un mandat exclusif sans faire le nécessaire pour vendre le bien qui leur est confié. C’est un fait. Dans une telle situation, de quel recours dispose le vendeur ? La question est légitime, mais la réponse apportée par le projet de loi n’est pas la bonne. C’est un peu comme si on supprimait les hôpitaux parce qu’on sait que certains patients y attrapent des maladies… ». De concert avec ses confrères, le responsable d’Era estime que la solution devrait passer par « un plus grand engagement des agents immobiliers auprès de leurs clients ». Un engagement couché par écrit au moment de la signature du mandat exclusif, et qui pourrait porter, notamment, sur la diffusion des annonces en agence, dans la presse et sur différents portails immobiliers, ainsi que sur la fréquence de leur renouvellement. « L’agent doit également s’engager à rendre compte, toutes les semaines ou tous les quinze jours des démarches qu’il a entreprises et des effets qu’elles ont porté. Il s’agit ni plus ni moins de contreparties à l’exclusivité », poursuit M. Gagnon. Dans le cas où l’agent ne respecterait pas ces engagements précis le vendeur, pourrait dénoncer le mandat.

Vers un amendement du texte

Depuis la mi-octobre, les différents responsables de la profession ont multiplié les rencontres avec les politiques, cherchant à faire réformer le texte avant son passage devant le Sénat, à la fin du mois de décembre. Leurs efforts semblent commencer à porter leurs fruits : en fin d’après-midi, Sébastien de Lafond, le président de MeilleursAgents.com, a révélé que Daniel Fasquelle, avec qui il s’est entretenu un peu plus tôt dans la semaine, s’était engagé à proposer un amendement au projet de loi. M. Fasquelle prévoirait ainsi de demander « le retrait des dispositions concernant la possibilité offerte à un particulier de vendre par lui-même sans verser de commission à l'agence engagée ». En revanche, la non-reconduction tacite du mandat exclusif au delà de trois mois, elle, serait maintenue. « Un bon compromis », selon Sébastien de Lafond, qui assure que l’amendement ne devra pas remettre en question « la nécessaire réforme de la profession ».

L’amendement ne pourra être déposé qu’en deuxième lecture, soit après l’examen du texte par le Sénat et son passage devant la Commission mixte paritaire (CMP, qui réunit des représentants des deux chambres). « Compte tenu de la différence de couleur politique de l’Assemblée et du Sénat, le texte a peu de chance de passer tel quel devant le Sénat en première lecture, et on peut imaginer qu’un accord ne sera pas trouvé en CMP », fait valoir un observateur. En attendant, les agents immobiliers croisent les doigts…

*La montée en puissance du mandat exclusif est récente, et a coïncidé avec les partages de fichiers communs (Amepi…). Selon la Fnaim, 25 à 30 % des mandats signés à l’heure actuelle sont exclusifs, contre environ 10 % il y a trois ans.

Emmanuel Salbayre