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Mis sous pression par des avocats parisiens, Airbnb publie ses comptes en France

Airbnb vient de publier ses comptes après une action en justice d'un cabinet d'avocats

Airbnb vient de publier ses comptes après une action en justice d'un cabinet d'avocats - AFP

Assignée en référé, la filiale française du géant de la location saisonnière a finalement décidé de se plier à cette obligation légale.

Avec plusieurs mois de retard, la filiale française d'Airbnb a finalement déposé ses comptes 2017 au greffe du tribunal de commerce le 9 octobre dernier. Alors que, comme nous le révélions début septembre, la société avait décidé de se soustraire à cette obligation, Airbnb a dû céder face aux avocats du cabinet Gide.

Ces derniers représentent les intérêts de l'Ahtop, l'association pour un hébergement et un tourisme professionnels qui fédère 30.000 entreprises du secteur (hôtellerie, chambres d'hôtes, syndics de copropriété, agences de voyage, restaurateurs…), ainsi que le GNI (groupement national des indépendants de l'hôtellerie et de la restauration). Pour leur compte, le cabinet Gide avait assigné en référé Airbnb "afin de les contraindre à déposer leurs comptes", comme l'expliquent l'Ahtop et le GNI dans une lettre ouverte à Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics.

Un gérant qui habite aux Etats-Unis

Dans le détail, selon nos informations, les avocats du cabinet Gide, constatant que les comptes n'avaient pas été déposés dans les délais légaux (en l'occurrence au 31 août dernier), avaient demandé une audience au tribunal de commerce de Paris pour le 31 octobre prochain. Elle s'accompagnait d'une assignation en référé du gérant américain d'Airbnb France, Garth Bossow, avec une injonction sous astreinte. Cette assignation a été délivrée au domicile de l'intéressé le 28 septembre dernier aux Etats-Unis. Face à cette menace, Airbnb France a préféré finalement déposer ses comptes au greffe le 9 octobre.

Avant qu'ils ne soient disponibles pour le grand public, Challenges avait réussi à obtenir les comptes et les avait publiés le 10 octobre dernier. La plateforme de location déclare ainsi un chiffre d'affaires famélique de 7.711.338 euros en 2017 pour un résultat net de seulement 329.118 euros. Airbnb ne verse d'ailleurs que 161.330 euros d'impôt sur les sociétés dans l'Hexagone.

La filiale française du géant américain fait office de société marketing pour sa maison-mère. Les transferts d'argent ne passent pas par elle mais par d'autres filiales d'Airbnb à Dublin en Irlande et à Londres au Royaume-Uni. Les revenus d'Airbnb France "sont générés dans le cadre d'un contrat de services qui prévoit que la société Airbnb France SARL fournit à Airbnb Ireland des services de promotion et de marketing afin de promouvoir la plateforme en ligne Airbnb en France", explique la société en annexes des comptes. "En contrepartie de ces prestations, Airbnb France SARL refacture les coûts supportés, majorées d'une marge selon les modalités définies dans ce contrat", ajoute-t-elle.

1.200 euros de CICE

On notera que le capital d'Airbnb France est détenu à 100% par Airbnb Holdings LLC, domicilié à Wilmington dans l'Etat du Delaware aux Etats-Unis. Au passage, on apprend aussi qu'Airbnb France a bénéficié du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) pour un montant de 1.227 euros en 2017.

"Maintenant que le montant de l’impôt payé par Airbnb est connu de tous, c’est l’équité du système fiscal français qui est interrogée. Pour nous hôteliers, la différence de traitement est inacceptable. Cette somme est équivalente à celle que payent certaines de nos PME", s'indignent l'Ahtop et le GNI. "Selon les chiffres semés à droite et à gauche par Airbnb, on s’aperçoit qu’ils ont accueilli 6 millions de visiteurs en France sur l’été 2018, pour un prix moyen de 27€ par nuit et une durée moyenne de 3,8 jours. Compte-tenu de leur taux de commission à environ 15%, ça représente pour eux un chiffre d’affaires de plus de 92 millions d’euros perçus en trois mois", calculent-ils. Les deux organisations demandent au gouvernement de mettre fin rapidement à "ces astuces fiscales".

"Nous respectons les réglementations locales"

A la suite de la publication de cet article, Airbnb a tenu à préciser : "Nous avons publié l’intégralité de nos comptes cette année, comme nous le faisons chaque année depuis que le bureau français d’Airbnb existe. Nous respectons les réglementations locales et payons tous les impôts que nous devons là où nous exerçons une activité".

Avant d'ajouter : "en tant que plateforme collaborative la contribution de notre modèle à l’économie française excède largement les seules activités de l’entreprise en France. Airbnb contribue chaque année à l’économie française à hauteur de plusieurs milliards d’euros. La plateforme améliore le pouvoir d’achat de plus de 400 000 hôtes, le quotidien de plusieurs millions de voyageurs français et l'attractivité des territoires. Airbnb paie en France tous les impôts applicables, a remis 13,5 millions d’euros de taxe de séjour aux collectivités françaises sur la seule année 2017. Notre modèle est différent de celui d’autres plateformes qui ne créent qu’une valeur ajoutée limitée en France".

Jean Louis Dell'Oro