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Quand la loi Nogal, qui veut pacifier les relations entre locataires et propriétaires, vire à la foire d'empoigne

Le projet de loi Nogal fait grincer des dents

Le projet de loi Nogal fait grincer des dents - Fred Dufour - AFP

L'une des mesures du projet de loi Nogal est la mise sous séquestre du chèque de caution. Une mesure qui déplaît particulièrement aux plateformes de location entre particuliers, PAP en première ligne.

Le projet de loi Nogal entend pacifier les relations entre propriétaires et locataires. Mais, pour l'instant, elle les envenime plutôt entre pouvoirs publics et plateformes de location entre particuliers. L'une des mesures du projet de loi du député Mickaël Nogal est la mise sous séquestre du chèque de caution. C'est cette mesure qui cristallise les tensions.

"Le chèque de caution est le premier sujet de conflit" entre locataires et propriétaires, expliquait sur BFM Business Mickaël Nogal. 65% des actions en justice engagées par les locataires portent sur la non restitution du dépôt de garantie. En obligeant tout le monde à faire intervenir un tiers (un professionnel de l'immobilier), propriétaires et locataires n'auront donc plus cette épée de Damoclès. Mais Corinne Jolly, présidente de PAP, répondait au micro de BFM Business : "Ce qui me dérange c'est l'obligation pour des particuliers qui ont fait le choix de louer en direct – ça représente les deux tiers du marché locatif – d'aller voir un intermédiaire. Alors qu'ils ont fait le choix inverse". La présidente du site de Particulier à Particulier a dû mal à comprendre pourquoi on oblige les particuliers à aller mettre leur dépôt de garantie chez un agent immobilier. "Le dépôt de garantie est un objet de conflit car ce n'est pas clair et connu ce qui incombe aux propriétaires et aux locataires". Selon elle, la loi devrait tout simplement être plus explicite sur ce sujet, "un cadre clair et simple".

Une violation du RGPD ?

Deux visions donc. Remontée et sûrement inquiète du risque de voir une partie de ses clients lui échapper, Corinne Jolly a envoyé un mail le 25 janvier aux abonnés de sa newsletter. "Ensemble, nous pouvons encore faire bouger les choses : le projet n'est pas voté ! (…) Je vous invite à faire savoir ce que vous en pensez. Envoyez un e-mail avec votre opinion à l'adresse projetnogal@pap.fr. Plus j’aurai de messages, plus nous aurons des chances d’être écoutés !", écrivait-elle.

Un message qui n'a pas du tout plu au député Mickaël Nogal. Il a annoncé avoir déposé une plainte auprès de la Cnil à la suite de "l’utilisation frauduleuse du fichier des abonnés de la plateforme à des fins politiques. Cette campagne contrevient à l’article 5 du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Par ailleurs, les articles 13 et 14 du règlement prévoient qu’un organisme ne peut traiter des données à caractère personnel uniquement s’il a reçu le consentement des personnes considérées, ce consentement devant être libre, spécifique, éclairé et univoque et en raison d’une finalité déterminée".

Or, selon Mickaël Nogal, la charte des données personnelles du site stipule : "Afin de tenir informé les utilisateurs de l’actualité de de Particulier à Particulier et des avantages dont ils pourraient bénéficier, ils peuvent recevoir des informations commerciales de de Particulier à Particulier par communication électronique (email, sms…)" . Pour le député, "tant le principe du consentement que le traitement de ces données n’ont pas été respectés par cet organisme".

Une forme d'intimidation?

Corinne Jolly que nous avons interrogée, se prépare à consulter ses services juridiques mais commence déjà à se défendre : "Ma démarche était sincère. Il s'agissait uniquement d'informer nos abonnés et de recueillir un maximum de soutiens et de témoignages pour rouvrir le débat avec le député Nogal" explique-t-elle, affirmant avoir aussi voulu répondre à des dizaines de courriers et de mails de plaintes et d'incompréhensions.

Corinne Jolly dénonce au passage une forme d'intimidation. "Mon travail c'est de diriger une entreprise et là je vais devoir me plonger dans des questions juridiques au lieu de défendre les intérêts des particuliers. Avec cette plainte on cherche à mettre sous le tapis un débat essentiel", estime-t-elle. À ce point essentiel que son mail avait d'ailleurs reçu 10.000 réponses en l'espace de deux jours.

Mickaël Nogal, que nous avons également interrogé, assure lui que, malgré sa plainte, le débat reste complètement ouvert. "Si Corinne Jolly souhaite un nouveau rendez-vous, elle l'aura. Avec cette initiative je voulais uniquement rappeler les règles du débat". Mickaël Nogal se dit même prêt à rassurer Corinne Jolly sur sa crainte : "Si il le faut pour rassurer tout le monde, dit-il. Nous inscrirons dans la loi la gratuité de la mise sous séquestre des dépôts de garantie".

Par Diane Lacaze et Marie Coeurderoy

Qualite-Logement.org