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Immobilier

Tribune - "Reconstruire la politique de l'immobilier"

Raymond Le Roy Liberge

Raymond Le Roy Liberge - dr

Une tribune de Raymond Le Roy Liberge, président des groupes Les Provinces et Sully, et membre des commissions foncières et financières de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).

La communauté immobilière s'est réjouie du plan Valls-Pinel pour le logement, et je me suis moi-même associé à cette expression de satisfaction. On a prêté à ce programme d'action politique la vertu du pragmatisme. On l'a aussi crédité de revenir sur des discours et des mesures du précédent gouvernement et de la précédente ministre en charge du dossier. Au demeurant, la plupart des dispositions fiscales et financières sont désormais plus que des promesses et le Parlement vient de les inscrire dans le projet de budget du pays.

Tout cela est vrai, mais la palinodie, indéniable, est de circonstance et - on peut le craindre - superficielle et fragile. Il a tout de même fallu que les mises en chantier et les ventes de logements neufs s'effondrent à un niveau jamais connu pour que les pouvoirs publics agissent...

D'ailleurs, le débat est toujours le même, eût-il été tranché pour cette fois au bénéfice de l'immobilier : les mesures en faveur du logement coûtent cher. Sylvia Pinel est interrogée sur le sujet, non seulement dans l'hémicycle, mais aussi par la presse : le plan coûtera entre 1 milliard et 1,2 milliard. Elle a au moins eu le courage de répondre qu'il rapporterait, en rentrées fiscales comme en emplois, sans chiffrer les bénéfices pour la collectivité.

Il n'est que temps de poser le problème en des termes plus radicaux, autour de trois questions cruciales.

En finir avec la logique de stock

D'abord, il est urgent de changer de façon définitive le regard économique porté sur le secteur immobilier, pour le voir enfin comme un secteur créateur de richesse, et à énergie fiscale positive - pour emprunter au registre du développement durable. Ne peut-on pas attendre d'Emmanuel Macron, qui semble capable de briser des tabous, cette révolution copernicienne ?

Pour moi, je l'espère de toutes mes forces. Qu'on calcule le retour pour la collectivité de l'euro investi en amorce budgétaire publique, non seulement en année n, mais sur les cinq années suivantes. On s'apercevra d'un rapport qui est probablement de 1 à 10.

Qu'on cesse de parler d'un secteur dépensier, qu'on sorte de la logique de stock, qui constate à l'instant T une moindre rentrée fiscale ou une dépense budgétaire, pour entrer dans une logique de flux et de création de valeur pour la France et pour les Français.

Qu'on évalue aussi ce que bien d'autres pays commencent à estimer : le capital lié au bonheur des ménages, dépendant largement de leurs conditions de logement, et qui influe sur leur productivité et sur leur capacité à travailler, mais aussi à accepter les mutations qui s'imposent.

Repenser la fiscalité

Il faut ensuite qu'on cesse de faire comme si l'environnement fiscal de l'immobilier était parfait, et comme si les gestes qui sont accomplis étaient autant de cadeaux aux accédants, aux investisseurs et aux professionnels. La fiscalité de l'immobilier est à repenser, tant au niveau national qu'au niveau local.

Est-il normal que l'investisseur ne soit pas traité comme un entrepreneur, qu'il ne puisse ni amortir ni déduire la réalité de ses charges, qu'il soit imposé à chaque stade de la vie de son bien, de la production à la transmission ?

Est-il normal que l'inflation des droits de mutation ne se soit pas doublée d'un accroissement des moyens alloués au logement par les collectivités, à due concurrence ?

La liste des anomalies est longue, la plus terrible étant sans doute l'instabilité.

Le premier plaidoyer pour cette remise à plat date du début des années 90 : le Conseil des impôts avait pointé dans un réquisitoire complet, malheureusement toujours d'actualité, cette fiscalité excessive et illisible, dissuasive pour tout dire.

Il faut désormais qu'on prenne conscience que le pays est malade de sa fiscalité immobilière, qui, de plus freine la mobilité, et qu'on interrompe cette habitude d'administrer des traitements qui ne sont plus que cautères sur jambe de bois.

Enfin, au-delà du droit fiscal, le droit civil applicable au logement constitue un embarras insupportable. On a montré du doigt naguère Cécile Duflot et la loi ALUR... C'était oublier qu'elle s'inscrivait dans un mouvement constant depuis l'après-guerre de règlementation et de sur-règlementation. Les rapports locatifs, à force de chercher l'équilibre, sont empêtrés dans un carcan d'une extrême lourdeur. Les obligations des constructeurs, comme celles des agents immobiliers et des administrateurs de biens, ont fini par être paralysantes, et l'objectif de protéger le consommateur s'est depuis longtemps retourné contre lui : les contraintes juridiques ont enchéri le coût de la production et celui des services.

La plus récente démonstration de l'inadaptation de l'arsenal juridique au logement est la loi Hamon. Pour les actions de classe, elle a mangé à la même sauce la vente de produits industriels et la gestion des logements. Les deux premières cibles des "class actions" à la française ont été un administrateur de biens national et le plus gros office HLM de France... De quoi dissuader les opérateurs de faire leur métier, alors que le pays a plus que jamais besoin de leur dynamisme.

On pourrait croire que, sur le fond de la complexité juridique, les remèdes arrivent... Certes, le Premier ministre a annoncé un détricotage, et il a agi sur l'encadrement des loyers, dont la seule idée avait fait fuir les investisseurs. Pour le reste, on attend, alors qu'on n'en a pas le temps.

L'allègement des normes de construction est impératif et urgent : quand le verra-t-on? On en parle depuis près de cinq ans! L'Etat doit nous donner les moyens de construire moins cher. Quid aussi de la mobilisation du foncier public, autre sujet lancinant ? Madame Duflot a fait un pas marquant avec une loi spécifique...qui n'est juste pas appliquée. Sa successeure le reconnaît, et l'aveu tient pour l'instant lieu d'action corrective.

L'heure n'est plus à l'abattement. Les acteurs du logement vivent des moments difficiles, mais ils savent mieux que quiconque qu'ils ont dans les mains l'un des plus beaux atouts de la relance du pays.

Que les pouvoirs publics et les élus reconstruisent la politique immobilière, et nous nous chargerons de construire et de valoriser le patrimoine des ménages.

Qualite-Logement.org