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Un assureur a-t-il le droit d'arrêter d'assurer votre logement?

Le drame de la rue d'Aubagne le 5 novembre.

Le drame de la rue d'Aubagne le 5 novembre. - Christophe Simon - AFP

Après l'effondrement d'immeubles à Marseille, certains assureurs ont décidé de résilier les contrats qu'ils avaient dans les copropriétés aux alentours. En ont-ils le droit? Que se passe-t-il si un immeuble se retrouve sans assurance?

Le drame du 5 novembre à Marseille, où l'effondrement de plusieurs immeubles a fait 8 morts, a mis en lumière l'état inquiétant de certains bâtiments dans la cité phocéenne. En tout, 199 immeubles ont été évacués en un mois, soit 1.561 personnes, certains dans des immeubles en état de "péril", d'autres uniquement par précaution car situés près des lieux du drame.

Mais outre les évacuations, l'autre conséquence de cette prise de conscience collective du délabrement du bâti a été la défection de certains assureurs. Groupama a tenté de le faire partiellement. Ainsi, l'assureur avait, dans un premier temps, décidé "du retrait de la garantie effondrement" d'un immeuble, situé au 66 de la rue d'Aubagne, en face de ceux qui se sont effondrés, et évacué comme les bâtiments voisins par précaution depuis le drame. L'assureur est finalement revenu sur sa décision après intervention ministérielle. Dans un courrier, le syndic précisait que Groupama avait le droit de retirer sa garantie contre l'effondrement car elle n'est pas obligatoire, et que les autres assureurs contactés réclamaient désormais un montant de prime "multiplié par 6 ou 7".

Après la diffusion de ce courrier, le ministre du Logement Julien Denormandie a qualifié "d'inacceptable" la décision de Groupama. "Je m'en suis entretenu ce (mercredi) soir avec son directeur général qui a pris connaissance du dossier et s'est engagé à le corriger", a-t-il fait savoir sur twitter. Le groupe a annoncé peu après sur le réseau social que "compte tenu de l'émoi et des circonstances exceptionnelles", il rétablissait "dans l'attente des expertises complémentaires, ses garanties effondrements". "Cela ne remet pas en cause les travaux que doivent engager les propriétaires", ajoute-t-il.

De son côté, Allianz avait préféré résilier purement et simplement son contrat avec un autre immeuble, avant de faire marche arrière également. "Compte tenu du contexte exceptionnel touchant la ville de Marseille et ses habitants, avec un nombre important de bâtiments frappés par un arrêté de péril ou d'insécurité dans un délai record, Allianz France décide de prolonger à l'identique l'intégralité des garanties de nos contrats pour nos assurés co-propriétaires dans cette situation", nous déclare-t-il.

Mais en avait-il le droit? Explications.

L'assurance est-elle obligatoire en copropriété?

Depuis la loi Alur de 2014, l'immeuble en copropriété doit être assuré collectivement, au moins en ce qui concerne la responsabilité civile. "L'assurance collective de la copropriété sert à indemniser les victimes des dégâts qui trouvent leur origine dans les parties communes de l'immeuble. Il s'agit par exemple de sinistres provoqués par les bâtiments (chute d'une tuile, glissade sur une marche d'escalier...) ou une personne affectée au service de l'immeuble (gardien, par exemple)", explique le site du service public.

Encore faut-il déterminer la responsabilité ? Est-ce lié à la copropriété ou au copropriétaire ? "En cas de dommages causés par un événement qui a pris naissance dans une partie privative de l'immeuble, c'est le copropriétaire du bien dans lequel se trouve l'origine du sinistre qui doit faire une déclaration à son assurance. Son assurance ne fonctionnera pas si le sinistre a pris naissance dans une partie commune. En cas de dommage causé par un événement qui a pris naissance dans les parties communes de l'immeuble, c'est le syndic qui doit faire une déclaration à l'assurance de la copropriété. L'assurance de la copropriété ne fonctionnera que si le sinistre concerne une partie commune", détaille le site du service public.

L'assureur peut-il résilier l'assurance?

L'article L113-4 du code des assurances stipule que "en cas d'aggravation du risque, en cours de contrat, telle que, si les circonstances nouvelles avaient été déclarées lors de la conclusion ou du renouvellement du contrat, l'assureur n'aurait pas contracté ou ne l'aurait fait que moyennant une prime plus élevée, l'assureur a la faculté soit de dénoncer le contrat, soit de proposer un nouveau montant de prime".

Donc si un assureur découvre, en cours de contrat, que l'immeuble assuré risque de s'effondrer parce qu'il est mal entretenu par exemple, il peut résilier le contrat.

Attention tout de même, "l'assureur ne peut plus se prévaloir de l'aggravation des risques quand, après en avoir été informé de quelque manière que ce soit, il a manifesté son consentement au maintien de l'assurance, spécialement en continuant à recevoir les primes ou en payant, après un sinistre, une indemnité".

L'assuré perçoit-il une contrepartie si son assurance est annulée?

Le même article précise qu'en cas de résiliation, elle prendra effet 10 jours après notification et "l'assureur doit alors rembourser à l'assuré la portion de prime ou de cotisation afférente à la période pendant laquelle le risque n'a pas couru".

En cas de prime plus élevée, "si l'assuré ne donne pas suite à la proposition de l'assureur ou s'il refuse expressément le nouveau montant, dans le délai de trente jours à compter de la proposition, l'assureur peut résilier le contrat au terme de ce délai, à condition d'avoir informé l'assuré de cette faculté, en la faisant figurer en caractères apparents dans la lettre de proposition".

Que peut faire une copropriété si aucun assureur ne veut assurer l'immeuble?

"Toute personne physique ou morale assujettie à une obligation d'assurance qui s'est vu refuser la garantie par une entreprise d'assurance dont les statuts n'interdisent pas la prise en charge de ce risque" peut saisir le Bureau Central de Tarification.

Cette autorité administrative indépendante "a pour rôle exclusif de fixer la prime moyennant laquelle l'entreprise d'assurance désignée par l'assujetti est tenue de garantir le risque qui lui a été proposé". En d'autres termes, elle impose à l'assureur de prendre en charge la copropriété, tout en fixant de façon indépendante la prime à payer.

Diane Lacaze