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Une meilleure répartition des logements sociaux ne renforce pas la mixité sociale

La répartition des logements sociaux s'est homogénéisée

La répartition des logements sociaux s'est homogénéisée - Medhi Fedouach - AFP

Dans une étude, France Stratégie s'est penchée sur la répartition des logements sociaux en France. Si elle est plus homogène qu'avant, elle n'entraîne pas forcement une meilleure répartition des ménages les plus modestes.

Une meilleure répartition des logements sociaux a-t-elle fait progresser la mixité sociale? Dit autrement, la loi SRU (qui impose des quotas de HLM aux villes) a-t-elle permis d'éviter de concentrer les populations les plus modestes dans les mêmes quartiers? C'est à ces questions que France Stratégie a tenté de répondre dans sa dernière étude. L'organisme, un think tank directement rattaché au Premier ministre, constate que depuis le début des années 1990, la répartition des logements sociaux s'est effectivement homogénéisée. "La part des logements sociaux qu'il faudrait 'déplacer' d'un quartier à l'autre pour que leur part parmi les logements soit la même dans tous les quartiers de l'unité urbaine, ce que l'on nomme leur indice de ségrégation*, est ainsi passée en moyenne de 61% à 50% entre 1990 et 2015", soulignent les auteurs. Cet indice de ségrégation varie de 0% (égalité parfaite entre les territoires) à 100% (tous les HLM sont hyper concentrés).

Mais cette tendance à une meilleure répartition des HLM ne s'est pas accompagnée d'une meilleure répartition des ménages modestes. Sur ce plan, l'indice de ségrégation est lui resté autour de 30%. Selon France Stratégie, l'une des raisons serait liée au fait qu’une partie des nouveaux logements sociaux est construite dans des quartiers qui certes en comportent peu, mais qui sont néanmoins peuplés de ménages modestes. "Si les nouveaux logements sociaux sont habités par des ménages modestes, on aura ainsi contribué à la cohabitation des ménages de différents parcs (public et privé), mais pas à la cohabitation des ménages modestes avec des ménages plus aisés", souligne France Stratégie.

Des HLM construits surtout dans des quartiers "moyens"

L'étude ajoute que si les logements sociaux nouveaux sont issus de logements privés réhabilités, on peut avoir, à l’échelle d’un quartier, un simple effet de substitution : les ménages restent pauvres, mais passent du parc privé au parc public. "De fait, en moyenne, une part relativement limitée des logements sociaux est créée dans des quartiers où les ménages modestes sont peu nombreux. Sur l’ensemble des communes étudiées, 15% de la hausse nette du nombre de locataires sociaux observée entre 2010 et 2017 est concentrée dans des quartiers comportant moins de 10% de ménages du premier quintile de l’unité urbaine. Mais inversement, 13% seulement de cette hausse nette est concentrée dans des quartiers comportant plus de 30% de ménages du premier quintile. La hausse du parc de logements sociaux s’observe donc pour l’essentiel dans des quartiers 'ni très riches, ni très pauvres'".

Les ménages du premier quintile appartiennent aux 20% de ménages les plus modestes. Les quartiers où il y a moins de 10% de ménages du premier quintile sont considérés comme des quartiers riches. Inversement, les quartiers comportant plus de 30% de ménages du premier quintile sont considérés comme des quartiers pauvres.

Des ménages plus aisés dans les HLM des quartiers riches

France Stratégie note également que le profil des ménages qui accèdent aux nouveaux logements sociaux varie en fonction du type de quartiers où ces logements sociaux sont créés. Lorsqu’on crée des logements sociaux, les ménages qui y accèdent sont plus aisés lorsque les nouveaux logements sont situés dans des quartiers relativement aisés que lorsqu’ils sont situés dans des quartiers relativement pauvres.

Pour France Stratégie, il ne s'agit pas d'un problème de loyer ou de types de HLM différents. "Pour les logements construits depuis 2010, la part des logements sociaux intermédiaires n’est pas significativement plus élevée dans les quartiers aisés. Et à l’intérieur des unités urbaines, on n’observe pas d’écarts significatifs de loyers moyens des logements sociaux récents selon qu’ils se situent dans des quartiers 'riches'(...) ou dans des quartiers 'pauvres'", remarque France Stratégie.

Le think tank de Matignon y voit donc une autre explication. Cela tiendrait au processus d’attribution des logements sociaux. "Les logements sociaux seraient attribués en priorité aux ménages résidant à proximité". Ainsi, "parmi les individus ayant emménagé dans un logement social d’une unité urbaine de plus de 100.000 habitants en 2019, environ 50% habitaient la même commune l’année précédente et 64% habitaient à moins de cinq kilomètres, contre respectivement 35% et 50% dans le parc privé", avance France Stratégie.

*"Le caractère homogène ou non de la répartition spatiale des logements sociaux peut se mesurer par un indice de ségrégation", précise France Stratégie. Cet indice varie entre 0% et 100%. Il est "appelé le plus souvent indice de dissimilarité, ou indice de Duncan dans la littérature académique".

Diane Lacaze