BFM Immo
Achat Vente

Tout savoir sur le droit de préemption

Sachez ce que vous réserve le droit de préemption

Sachez ce que vous réserve le droit de préemption - © Tiberius Gracchus - Fotolia.com

Vous cherchez à acquérir un bien immobilier ? Attention à ne pas vous heurter au droit de préemption ! S’il est en pratique peu utilisé, il peut suffire à empêcher le bon déroulement de la transaction.

Le « droit de préemption », ou « droit de préférence », ouvre la possibilité à une personne privée ou publique d'acquérir un bien en priorité à toute autre personne, au cas où le propriétaire manifeste sa volonté de le vendre. Il peut être exercé par la commune et certains établissements publics, pour les besoins de l'intérêt général. Mais aussi par des particuliers privilégiés. tel est le cas, par exemple, des locataires dont le logement est mis en vente pas le propriétaire. Passage en revue des différentes situations dans lesquelles le droit de préemption peut jouer.

I - Les communes et le droit de préemption urbain (DPU) :

Une commune peut décider de se porter acquéreur d’un bien immobilier situé dans sa zone géographique, en faisant valoir l’intérêt général, selon l'article L 211-1 du code de l'urbanisme. Elle fait alors usage de on droit de préemption urbain, ou DPU. A noter que toutes les communes ne le mettent pas systématiquement en place. Trois situations existent :

- La commune n’a pas mis en place de droit de préemption. Vendeur et acheteur sont donc libres de conclure leur transaction.

- La commune dispose droit de préemption « simple ». Ce qui lui permet de préempter certains biens, à l’exception des copropriétés récentes et de la cession de la majorité des parts de sociétés civiles immobilières (SCI), lorsque le patrimoine de cette société est constitué par une unité foncière, bâtie ou non, et dont la cession serait soumise au droit de préemption.

- La commune dispose d’un droit de préemption « renforcé ». Elle peut alors exercer son droit sur l’ensemble des mutations.

Certains biens exclus

Tous les biens ne sont pas tous soumis au droit de préemption, comme l’explique le site des notaires de France. Sont exclus :

- les donations ou successions,

- les immeubles appartenant aux organismes d'HLM,

- les immeubles achevés depuis moins de dix ans (sauf si un droit de préemption renforcé a été institué par une délibération du conseil municipal),

- les lots de copropriété (d'habitation et/ou professionnel) portant sur un seul local dans les copropriétés de plus de dix ans (sauf si un droit de préemption renforcé a été institué par une délibération du conseil municipal),

- les immeubles cédés à l'occasion d'un plan de cession élaboré dans le cadre d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Comment purger le DPU ?

Le droit de préemption doit être « purgé », c'est-à-dire que lors d'une mise en vente, le vendeur doit en avertir le titulaire de ce droit, et laisser s'écouler un délai pour que celui-ci se décide ou non à préempter.

Maître Frédéric Labour, notaire dans l’Essonne, explique la procédure : « Dans l’un des cas où il faut purger le droit de préemption urbain, lors de la promesse de vente, le notaire adresse une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) à la commune, qui sera libre de l’exercer sous deux mois ». La DIA est notifiée par courrier (remise contre décharge, lettre recommandée avec accusé de réception ou huissier), et plus récemment par voie électronique. Après réception de la déclaration, la commune dispose de trois marges de manœuvre :

- Renoncer explicitement ou tacitement au DPU (son silence vaut renonciation). La vente peut donc intervenir.

- Accepter la vente au prix indiqué par le vendeur. Attention : « l'acte de vente doit être passé dans les 3 mois et le prix payé, dans les 6 mois. A défaut, le vendeur reprend son bien et peut le vendre librement à un tiers », précisent les notaires.

- Faire une contre-proposition. Ce qui, en cas de préemption, arrive le plus souvent. Le propriétaire peut à son tour l’accepter, ou manifester son refus, dans un délai de deux mois. En cas de refus, c’est, le juge qui en fixera le montant.

En pratique

S’il est difficile de prédire si une commune usera ou non de son droit de préemption, « il est assez rare » qu’elle le fasse, précise Me Labour. En effet, en réalité, selon les chiffres du ministère, 0,6 % des DIA aboutissaient en 2003 à une décision de préemption. Et dans seulement 60 % des cas, la procédure aboutit à une vente effective au profit de la collectivité.

II - Les droits de préemption privés :

Les locataires :

- Congé pour vente :

Le locataire ayant conclu un bail soumis à la loi du 6 juillet 1989 dispose d’un droit de préemption en cas de congé pour vente. Ce dernier doit être donné au locataire six mois avant la fin du bail, et doit porter mention du prix ainsi que de conditions de la vente. Deux cas de figure :

- le locataire ne préempte pas. A l'issue du délai de six mois, il est déchu de tout titre d'occupation des locaux loués (article 15 II de la loi du 6 juillet 1989).

- le locataire décide de préempter. Il dispose alors d'un délai de deux mois à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur pour conclure la vente. Un délai porté à 4 mois ci l'offre de vente est subordonnée à l'obtention d'un prêt.

Attention : si le délai ou la notification n'est pas conforme, le droit permet au locataire de faire annuler la vente qui a eu lieu au profit d’un tiers. Les juges veillent particulièrement aux intérêts des locataires. Un arrêt de la cour de cassation rendu le 14 novembre 2012 a accueilli favorablement l’action en nullité du locataire pour non-respect de son droit de préemption subsidiaire (article 15 II de la loi du 6 juillet 1989).

Dans cette affaire, le locataire avait décliné l'offre avec prix initial. Le vendeur a décidé de vendre son bien à un tiers, à un prix inférieur, sans le proposer à nouveau au locataire à ces conditions plus favorables. Or, la cour de cassation a estimé que « la vente irrégulière encourt la nullité quand bien même le locataire n’aurait pas eu les moyens d’acheter aux conditions plus favorables que celles qui lui avaient été proposées initialement », analyse Me Sophie Erignac-Godefroy, avocate spécialisée en droit de l’immobilier.

Mais le locataire n’a pas pour autant tous les droits. Les juges ont ainsi sanctionné l’obstruction systématique faite par un locataire lors de la vente de son appartement, qui empêchait les visites, et alors qu’il ne pouvait pas exercer son droit de préemption. Celui-ci a été condamné, en l’occurrence, à verser 10 000 euros de dommages-intérêts (Cour d’appel de Versailles, 26 février 2013).

Enfin, le vendeur peut neutraliser le droit de préemption du locataire s’il vend sa propriété à un parent ou allié au quatrième degré inclus. Les propriétaires de logements meublés sont également exclus du champ de la préemption.

- Première vente du logement occupé depuis la division initiale de l’immeuble par lots ou subdivision (article 10-I de la loi du 3 décembre 1975)

Le locataire peut utiliser son droit de préemption si l’acquéreur ne souhaite pas proroger le bail en cours. Si celui-ci décide d’accorder un bail pour une durée de six ans, le droit de préemption du locataire ne joue plus.

Les indivisaires :

Le droit de préemption s'applique aussi à la propriété partagée, issue d'une succession ou d'une donation. En vertu de l’article 815-14 du code civil, l’indivisaire qui souhaite vendre à un tiers « tout ou partie de ses droits dans les biens indivis ou dans un ou plusieurs de ces biens » doit notifier aux autres indivisaires le prix et les conditions de la cession. Si l’un d’eux souhaite utiliser son droit de préemption, il dispose de deux mois pour réaliser la vente. Le cas échéant, il peut être mis en demeure de le faire, et aura quinze jours pour s’exécuter. Attention, le coindivisaire qui se substitue à l’acquéreur du bien « ne peut discuter ni le prix, ni les conditions posées. Le cas échéant, il profite des conditions suspensives prévues dans l’offre ou les subit », comme le rapporte le « Mémento pratique Patrimoine Francis Lefebvre », citant une décision de la cour de cassation rendue le 1er juin 1983.

Les locataires de droit rural

Ils bénéficient d’un droit de préemption lorsque les fonds ou terres qu’ils exploitent sont vendus à un tiers. Les Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) en disposent également, dont l’objectif est principalement d’aider à l’installation ou la réinstallation d’agriculteurs.

Laetitia André