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Fiscalité immobilier

L'assurance-vie comme outil de transmission patrimoniale

L'assurance-vie, une redoutable stratégie patrimoniale

L'assurance-vie, une redoutable stratégie patrimoniale - Pexels

Selon Philippe Van Steenlandt, docteur en droit et directeur du service patrimonial de l’Étude notariale Alpha Notaires, l’assurance-vie peut se révéler être une redoutable stratégie patrimoniale.

L’assurance-vie, qui demeure très prisée par les français, constitue un bon outil de transmission patrimoniale. La fiscalité applicable aux capitaux-décès, à analyser au cas par cas, peut être très avantageuse. Associée à un démembrement de la clause bénéficiaire, l’assurance-vie révèle toute sa saveur.

I. La fiscalité applicable aux capitaux-décès

Le tableau ci-après détaillé permet en une lecture rapide d’apprécier l’économie générale de la fiscalité applicable aux capitaux-décès :

- Si le contrat et les primes ont déjà été souscrit et versées, il faut se référer au tableau pour savoir à quelle fiscalité sera soumis le bénéficiaire.

- Si la souscription du contrat d’assurance-vie s’inscrit dans une stratégie de transmission patrimoniale, le point névralgique se situe au soixante-dixième anniversaire du souscripteur-assuré : les versements effectués avant 70 ans bénéficient d’une fiscalité spécifique, dit de l’article 990 I du CGI, avec un abattement important profitant à chaque bénéficiaire de 152 500 euros. En outre, la souscription d’un contrat "vie-génération", investi dans des actifs précis définis par le législateur, offre un abattement proportionnel supplémentaire de 20 %.

Exemple : un contrat "vie-génération" d’une valeur de 1 500 000 euros profite à 3 bénéficiaires. Part revenant à chaque bénéficiaire : 500 000 euros Par taxable : 500 000 – (500 000 x 20 %) – 152 500 = 247 500 euros Droits dus : 247 500 x 20% = 49 500 euros.

- Une fois l’âge de 70 ans atteint, la fiscalité, dit de l’article 757 B du CGI, est nettement moins favorable au bénéficiaire. L’abattement, qui n’est que de 30 500 euros, est unique et se réparti entre les bénéficiaires. Au-delà, les droits de succession, dont le taux s’échelonne entre 5 et 45% en ligne directe et peut atteindre 60 % pour un tiers), retrouvent leur empire.

On l’aura compris, la stratégie de transmission patrimoniale fondée sur l’assurance-vie, tout comme en matière de donation, gagne à être entreprise suffisamment tôt.

Conseils pratiques : j’ai atteint 70 ans, est-ce encore utile de souscrire un contrat d’assurance-vie ?

Oui ! Car si les primes versées à partir de 70 ans souffrent d’une fiscalité moins intéressante que celles qui leurs sont antérieures, la fiscalité demeure intéressante. L’abattement de 30.500 euros n’est pas négligeable. Et les intérêts produits par ces primes ne sont soumis à aucun droit de succession : ils sont transmis gratuitement. A noter : si vous avez l’intention de racheter une partie du contrat, il est préférable de souscrire deux contrats sur l’un desquels les rachats seront exclusivement pratiqués.

En outre, il demeure possible de scinder deux qualités : celle de souscripteur et celle d’assuré. En clair, cela signifie que vous pouvez désigner un bénéficiaire, par exemple un petit-enfant, et un assuré, par exemple votre fils, père du bénéficiaire. Si vous avez atteint l’âge de 70 ans mais que votre fils a moins de 70 ans, c’est bien la fiscalité avantageuse de l’article 990 I qui s’appliquera !

Attention toutefois : le petit-enfant ne percevra les capitaux qu’au décès de l’assuré, son père, et non à votre décès. Cette solution peut servir à transmettre des capitaux sur plusieurs générations.

Si la stratégie d’anticipation porte sur le patrimoine d’un couple, le démembrement de propriété couplé à l’assurance-vie permet d’en tirer toute la quintessence.

II. Le démembrement avantageux de la clause bénéficiaire

L’assurance-vie permet de réduire les droits de succession du souscripteur. Le démembrement de propriété permet de réduire les droits de succession applicable au décès du conjoint du souscripteur.

A. Que signifie démembrer la clause bénéficiaire ?

Schématiquement, démembrer la clause bénéficiaire signifie scinder le capital-décès en deux droits distincts : l’usufruit (droit de jouir du capital et d’en percevoir les fruits) et la nue-propriété (droit de devenir plein propriétaire au décès de l’usufruitier).

Lorsque le démembrement porte sur un bien consomptible, c’est-à-dire un bien qui se consomme par son utilisation tel qu’une somme d’argent, la loi transforme l’usufruit en "quasi-usufruit" : à la différence de l’usufruit, le quasi-usufruit autorise son titulaire à se comporter comme un plein propriétaire, à charge pour lui d’en restituer la valeur au terme du quasi-usufruit lequel coïncide le plus souvent avec le décès du titulaire. Concrètement, lorsque le quasi-usufruit porte sur une somme d’argent, le titulaire du droit peut ainsi, seul, le dépenser ou investir. De son côté, le quasi-nu-propriétaire n’a plus vocation à devenir plein propriétaire au terme du quasi-usufruit, mais devient immédiatement créancier de la somme, dont l’exigibilité est différée au terme du quasi-usufruit.

Quelles conséquences en matière d’assurance-vie ?

B. Conséquences avantageuses du démembrement de la clause bénéficiaire

Particulièrement en présence d’un couple avec enfants, le souscripteur peut avoir intérêt à désigner le conjoint survivant en qualité de quasi-usufruitier et les enfants en qualité de quasi-nus-propriétaires.

Au décès du souscripteur, le conjoint survivant percevra seul l’intégralité des capitaux, sous réserve, si c’est prévu dans la clause, du règlement des droits dont pourraient être redevables les enfants au titre de l’assurance-vie. Il sera libre de les dépenser, à charge de rembourser à son décès les enfants.

Au décès du conjoint survivant, l’actif de la succession sera alors amputé du montant de la dette de restitution. Résultat : les droits de succession seront moins élevés, sauf si le conjoint survivant a conservé l’intégralité des capitaux d’assurance-vie sans aucune stratégie d’investissement.

Conseils pratiques :

1. Il peut être utile de désigner les enfants bénéficiaires en pleine propriété pour partie du capital, afin de leur permettre, le cas échéant, de régler les droits de succession dont ils seraient par ailleurs redevables, ou pour profiter au maximum de l’abattement de 152.500 euros.

2. La clause bénéficiaire doit rappeler l’utilité de conclure une convention de quasi-usufruit au décès du souscripteur détaillant au maximum l’origine de la dette. Cette convention, conclue par acte notarié ou enregistrée, est recommandée non seulement pour conserver la trace de la dette à déduire au décès du conjoint qui peut intervenir plusieurs années après celui du souscripteur, mais aussi pour fixer les conditions d’exercice du quasi-usufruit, les garanties à fournir aux quasi-nus-propriétaires et les modalités de restitution au terme du quasi-usufruit : clause d’indexation ou clause de revalorisation, susceptible d’augmenter le montant de la créance de restitution et donc de réduire d’autant l’assiette des droits de succession.

Conclusion : associée au démembrement de propriété, l’assurance-vie peut se révéler, après analyse précise de chaque situation, être une redoutable stratégie patrimoniale doublement gagnante, au décès du souscripteur et au décès du conjoint du souscripteur.

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